On pourrait croire qu’il n’y aucune solution lorsqu’un partenaire commercial impose dans son contrat une clause de préavis lui permettant de rompre, dans un délai court ou insuffisant, ce contrat et les relations commerciales qui en découlent, et ce, en l’absence de toute faute commise par l’autre partie.

Cette rupture peut se révéler problématique pour la stabilité financière d’une entreprise, notamment par l’insuffisance de ce délai de préavis qui rendra compliquée toute possibilité d’anticiper cette rupture commerciale et de trouver une alternative.

Pourtant, le droit français comporte une ressource indéniable permettant de faire face à cette situation.

En effet, l’article L.442-1, II du code de commerce, dispose que :

« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.

En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.

Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

Ainsi, ce texte sanctionne les ruptures brutales de relations commerciales établies : une rupture est « brutale » dès lors qu’un fournisseur met fin à une relation suivie, stable et habituelle sans préavis écrit adapté à la durée de cette relation et aux usages ou accords interprofessionnels, désormais plafonné à 18 mois.

La Loi ne précise pas quel est la bonne durée de préavis dans ce cas, renvoyant au Juge le rôle de décider au cas par cas, si ce n’est qu’elle considère comme toujours suffisant un délai de 18 mois. Le juge détermine souverainement cette durée de préavis nécessaire, notamment au regard des usages locaux ou des accords interprofessionnels, (Cass. com. 18-10-2023)

Ce texte permet ainsi au Juge de priver d’effet d’éventuelles clauses contractuelles qui prévoiraient un délai trop court et en deçà de 18 mois si l’on est en présence de relations commerciales stables qui auraient fait l’objet d’une rupture en dehors de tout manquement contractuel, et de fixer la durée du délai de préavis qui aurait dû s’appliquer.

Dans un arrêt récent du 17 avril 2025, la Cour de cassation a rappelé que le préavis dû au partenaire évincé ne court qu’à compter de la notification écrite précisant la date à laquelle la relation prendra fin, de sorte qu’un premier courriel informant seulement de l’intention de recourir à un appel d’offres ne fait pas courir le délai de préavis : il faut donc une réelle notification datée marquant cette rupture de relations commerciales.

Le recours au Juge sera déterminant pour savoir si le délai préavis est, ou pas, adapté et suffisant, le Juge étant souverain pour apprécier la durée de ce préavis, ce qui implique d’analyser au cas par cas la situation.

Une variation des volumes est insuffisante pour caractériser cette relation brutale : par exemple, un préavis long (35 mois ici) peut valoir préavis effectif sans qu’il soit contraire à la loi que les volumes commandés varient, dès lors que ces variations n’empêchent pas l’entreprise évincée de préparer son redéploiement (Cass. com. 19-3-2025 n° 23-23.507)

Seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non ceux liés à la rupture elle-même ; l’indemnisation couvrira principalement la perte de marge escomptée pendant la durée du préavis non respecté, ce qui impose de réaliser en amont une analyse comptable pour le calcul de cette marge et du bénéfice que l’on aurait pu espérer percevoir si le contrat s’était poursuivi durant la durée telle que fixée comme suffisante par le Juge.

Il s’agira de la perte de la marge brute escomptée durant la période de préavis non exécutée. Cette marge brute se calcule en déduisant des chiffres d’affaires escomptés les charges variables non supportées durant la même période, sachant que les économies de frais fixes peuvent également être prises en compte si elles sont démontrées (Cass. com. 24 juin 2014).

Sous réserve de remplir les conditions fixées par la Loi, une entreprise peut donc contester la rupture brutale que lui imposerait un partenaire commercial clé, même si cette rupture serait conforme à la clause du contrat liant ces parties.