Le mois de juillet 2025 était prolifique en textes de modification de la procédure civile, après le décret n° 2025-619 du 8 juillet portant mesures de simplification et sa Circulaire de présentation, voici la sortie d'un texte tant attendu : Le Décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 portant réforme de l'instruction conventionnelle et recodification des modes amiables de résolution des différends.
L’intégration des modes amiables de résolution des différends (MARD) dans l’architecture du procès civil à la suite du décret repose sur une transformation en profondeur du Code de procédure civile (CPC). Cette réforme consacre la culture de l’amiable comme principe directeur du procès, modifiant non seulement les règles procédurales, mais aussi la philosophie même du contentieux civil.
- Principes généraux et architecture du décret
- Nouveaux régimes de mise en état
- Le rôle renforcé du juge
- Médiation et conciliation : cadre clarifié
- Sécurisation des accords amiables
- Entrée en vigueur & effets transitoires
- Schémas
1. Principes généraux et architecture du décret
- Au sein des principes directeurs du procès figure désormais (article 21 modifié du CPC) une section intitulée « la résolution amiable du litige » en lieu et place de la conciliation qui précise que :
« Il entre dans la mission du juge de concilier les parties et de déterminer avec elles le mode de résolution du litige le plus adapté à l'affaire.
Les parties peuvent à tout moment convenir de résoudre à l'amiable tout ou partie du litige. »
- Instruction conventionnelle comme principe directeur : pour toutes les instances en cours à compter du 1er septembre 2025, sauf exceptions mineures.
Le nouvel article 127 du code de procédure civile prévoit que « les affaires sont instruites conventionnellement par les parties ; à défaut, judiciairement. » L’instruction judiciaire devient ainsi l’exception et non plus la norme.
Ce principe irrigue désormais toute la procédure civile : le procès doit être préparé et, si possible, résolu amiablement. Les parties doivent prioritairement organiser elles-mêmes l’échange de leurs arguments et pièces hors de la direction active du juge.
Afin d'inciter les parties à avoir recours au réglement amiable, l'article 127 du Code de procédure civile dispose désormais que : « Les affaires instruites conventionnellement font l'objet d'un audiencement prioritaire. »
- Recodification des MARD (modes amiables de résolution des différends) : Nouveau Livre V du Code de procédure civile
Que les MARD soient :
- conventionnels (procédure participative, médiation, conciliation libre),
- judiciaires (conciliation ou médiation ordonnées par le juge),
- ou hybrides (mise en état conventionnelle validée par le juge).
Le décret regroupe désormais tous les modes amiables, dans un ensemble cohérent au sein du Livre V du code de procédure civile, avec des principes unifiés :
- Confidentialité des échanges (art. 1530-3 CPC),
- Impartialité des tiers intervenant (médiateurs, conciliateurs, techniciens),
- Liberté contractuelle des parties sauf atteinte à l’ordre public (art. 1541 CPC),
- Possibilité d’exécution forcée (homologation ou force exécutoire directe).
2. Nouveaux régimes de mise en état
Le décret distingue deux types de conventions de mise en état :
- Mise en état conventionnelle « simplifiée » (articles 129 s.)
- Accord souple entre avocats sur les pièces, conclusions, calendrier…
- Suspend les délais de péremption (Magendie), le juge reste saisi si besoin.
- Procédure participative aux fins de mise en état (articles 130 s.)
- Forme écrite plus stricte, signée par les parties assistées d’avocats.
- Précise les modalités, frais, répartition des pièces, etc.
- Le juge intervient s’il y a échec ou difficulté dans l’application.
- Recours au technicien (articles 131 et suivants) Les parties peuvent, d’un commun accord, désigner un technicien (expert),
- Les parties peuvent choisir un expert amiable, préciser :
- sa mission,
- ses délais,
- sa rémunération.
- Le juge peut être saisi a posteriori en cas de difficulté (notamment art. 132 CPC).
- Les parties peuvent choisir un expert amiable, préciser :
Phase de la procédure |
Intégration des MARD |
Intervention du juge |
---|---|---|
Avant l’instance |
Possibilité de recourir à la médiation, la conciliation ou à la procédure participative avec ou sans assistance d’un avocat |
Saisie du juge uniquement en cas d’échec ou pour donner force exécutoire à un accord |
Pendant l’instance |
Mise en état conventionnelle ou participative entre avocats, recours volontaire à un technicien, suspension des délais |
Le juge reste saisi en arrière-plan, peut homologuer ou enjoindre aux parties de recourir à un MARD |
Après la mise en état |
Accord transactionnel ou participatif possible à tout moment |
Le juge peut homologuer l’accord ou ordonner une mesure amiable obligatoire (ex. réunion d'information sous peine d'amende civile) |
- Office du juge : facilitateur et régulateur Selon l’article 21 modifié, le juge doit désormais non seulement concilier les parties, mais aussi les aider à déterminer le mode de résolution le plus adapté au litige en proposant et en orientant vers l’amiable.
- Injonction de recourir à la médiation/conciliation Le juge peut enjoindre aux parties une réunion d’information ou une rencontre avec médiateur ou conciliateur. En cas de refus injustifié, une amende civile jusqu’à 10 000 € peut être prononcée.
4. Médiation et conciliation : cadre clarifié
- Définitions et encadrement La conciliation (art. 1530‑1 CPC) et la médiation (art. 1530‑2 CPC) sont désormais définies juridiquement. La durée est limitée à 5 mois renouvelables une fois de trois mois au maximum.
- Nomination, mission et rémunération Les articles 1534 à 1535‑7 précisent ces aspects. Le juge peut encadrer ces démarches à tout moment tout en restant saisi du litige.
5. Sécurisation des accords amiables
- Force exécutoire & homologation Les accords issus de médiation, conciliation ou procédure participative peuvent désormais :
- être revêtus de la formule exécutoire immédiate directement par le greffe, ou
- être homologués par le juge (articles 1541 à 1547 CPC), qui vérifiera uniquement leur licéité et conformité à l’ordre public.
6. Entrée en vigueur & effets transitoires
- Applicable aux instances en cours à partir du 1er septembre 2025, sauf pour les conventions de mise en état (art. 128 à 131-8 du CPC), réservées aux nouvelles instances postérieures à cette date.
Le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025 refonde le Livre V du Code de procédure civile
et érige l’amiable en principe directeur du procès.
Articles du CPC |
AVANT décret 18 juillet 2025 |
APRES : à compter du 1er septembre 2025 (instances en cours incluses) |
Effet pratique |
21 |
Le juge peut tenter de concilier. |
Le juge doit rechercher un mode de résolution amiable adapté à l’affaire. Les parties peuvent à tout moment convenir de résoudre à l'amiable tout ou partie du litige |
Rôle actif du juge dans l’orientation vers l’amiable |
Les conventions relatives à la mise en état |
|||
127 |
Le juge organise l’instruction. L’amiable est marginal |
Les affaires sont instruites conventionnellement par les parties. Instruction judiciaire subsidiaire |
Inversion du principe : les avocats pilotent désormais la mise en état par convention |
L’instruction conventionnelle : L’instruction conventionnelle simplifiée ; PPME ; recours à un technicien |
|||
129 |
Pas de reconnaissance juridique de la mise en état conventionnelle |
Formalise la mise en état par accord simple entre avocats ; suspend les délais de péremption |
Cadre souple pour calendrier d’instruction sans juge |
130 à 132 |
Procédure participative applicable uniquement avant l’introduction d’instance |
Reconnaît la PPME pendant l’instance : Encadre contenu, durée, possibilité de saisir le juge |
Encadrement structuré de l’instruction conventionnelle avec valeur procédurale |
1533 |
Inexistant |
Injonction de rencontrer un conciliateur ou médiateur. Sanction possible jusqu’à 10.000 € pour refus injustifié (« sans motif légitime ») de MARD |
Renforce l’obligation de coopération procédurale des parties |
Homologation des accords amiables |
|||
1543 à 1547 |
Homologation judiciaire des accords amiables |
Homologation simplifiée (sans débat sauf nécessité) ; Vérification limitée à l’ordre public ; rejet doit être motivée |
Favorise l’efficacité et la sécurité juridique des accords amiables |
1545 |
Homologation nécessaire pour exécution |
Dépôt au greffe possible pour obtenir la formule exécutoire sans jugement |
Accord immédiatement exécutoire sans saisir le juge |
Formule exécutoire des accords contresignés par acte d’avocat |
|||
1546-1549 |
|
Par le greffe, après simple vérification de sa compétence et de la nature de l’acte |
|
ALLER PLUS LOIN :
- Sur le rôle du CNB dans cette réforme : Patrick Lingibé, Décret du 18 juillet 2025 : la culture de l’amiable devient le nouveau principe directeur du procès
- Sur le point de vue d'un magistrat, ambassaddeur de l'amiable : Décret du 18 juillet 2025 : une étape importante dans la politique nationale de l’amiable
- Sur le point de vue d'un conciliateur : Considérations sur les impacts du décret du 18 juillet 2025 portant recodification des MARD sur la conciliation de justice et sur les conciliateurs de justice
- L'inpacte sur les actions de groupe : Le décret du 16 juillet 2025 sur les actions de groupe : entre rationalisation et risques d'exclusion
- Stratégie de l'avocat et la rédaction d'actes dans l'amiable
- Vademecum "Procédure participative aux fins de mise en état (PPME) ou d'instruction" du CNB
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