L'ancienne présidente du Rassemblement national a été condamnée par le tribunal correctionnel de Paris pour détournement de fonds publics dans l'affaire des assistants parlementaires européens de ce parti Parmi les différentes peines prononcées à son encontre, celle d'inéligibilité assortie de l'exécution provisoire ne cesse d'alimenter les débats politiques et doctrinaux, ce qui impose d'étudier les raisons ayant justifié cette mesure et de s'interroger sur le bien-fondé de cette décision. (TJ Paris, 11e ch., 1re sect., 31 mars 2025, n° 15083000886.)
Par un jugement du 31 mars 2025, le tribunal correctionnel de Paris a condamné l'ancienne présidente du Front national, devenu Rassemblement national, pour détournement de fonds publics dans l'affaire des assistants parlementaires européens de ce parti (TJ Paris, 11e ch., 1re sect., 31 mars 2025, n° 15083000886). Les faits reprochés « ont consisté en la mise en place d'un système permettant au parti (...) de “faire des économies” et d'être ainsi indirectement financé par des fonds du Parlement européen ». Plus précisément, « sous couvert de plus de quarante contrats d'assistants parlementaires fictifs conclus par onze députés européens, douze personnes ont travaillé au cours de trois législatures en réalité pour le parti ». Dans leur décision de condamnation, les juges correctionnels font état d'« un véritable système destiné à alléger les charges du FN mis en place dès 2004, qui s'est perfectionné au fil des années et devait à partir de juillet 2014, avec l'élection de 23 députés au Parlement européen, produire des effets plus importants encore que ceux qu'il a effectivement produits ». Les détournements de fonds publics pour lesquels le parti a été déclaré coupable des chefs de complicité et de recel s'élèvent à plus de 4,4 millions d'euros.
Parmi les différentes condamnations prononcées, celle de l'ancienne présidente du RN, Mme M. L. P., mérite d'être analysée, d'autant plus qu'elle a fait l'objet d'une peine d'inéligibilité assortie de l'exécution provisoire, ce qui a suscité de nombreuses réactions, notamment dans le monde politique. Il convient, dès lors, d'étudier ces différentes questions liées à la condamnation prononcée puis d'apprécier ses effets.
1. Les infractions retenues et les peines prononcées
Infractions. - Mme M. L. P., en sa qualité de députée européenne, a été déclarée coupable de détournements de fonds publics commis pendant plus de six ans (entre le 1er septembre 2009 et le 14 février 2016) et portant sur 8 contrats représentant une somme d'environ 474 milliers d'euros. En outre, en sa qualité de présidente du parti depuis janvier 2011, elle a été déclarée coupable de faits de complicité par instigation de détournements de fonds publics commis pendant plus de cinq ans (entre le 16 janvier 2011 et le 17 janvier 2016) et représentant une somme d'environ 1,8 millions d'euros. En particulier, il lui a été reproché d'avoir « légitim[é] la mise en place d'un système frauduleux élaboré dans le seul but de percevoir illégitimement des fonds publics du Parlement européen », ce qui avait permis au FN, devenu RN, de « faire des économies grâce au[dit] Parlement ».
Peines principales et motivation. - L'article 432-15, alinéa 1er, du Code pénal sanctionne le détournement de fonds publics d'un emprisonnement maximum de dix ans (L. n° 2013-1117, 6 déc. 2013, art. 6, mod. L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, art. 30) et d'une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit de l'infraction. En l'espèce, vu la date de la commission des faits, ces peines pouvaient s'appliquer à la plupart des prévenus, dont l'ancienne présidente du RN.
Ainsi, le tribunal correctionnel a-t-il condamné cette dernière à une peine de quatre ans d'emprisonnement, dont deux ans assortis du sursis, en précisant que « toute autre sanction serait insuffisamment dissuasive et manifestement inadéquate ». Selon la décision, la partie ferme de l'emprisonnement devra être aménagée, sous forme de détention à domicile sous surveillance électronique, conformément aux dispositions de l'article 132-25 du Code pénal. Pour prononcer cette peine, les juges correctionnels ont tenu compte de la gravité des faits commis, des fonctions qu'elle exerçait à l'époque des faits, de sa formation de juriste, de l'absence de remboursement spontané des salaires indus au Parlement européen et du positionnement de l'intéressée dix ans après les faits. En outre, elle a été condamnée à « une amende de 100 000 €, proportionnée à la gravité des faits et à sa situation financière ».
Les précisions fournies par le tribunal correctionnel dans sa décision de condamnation permettent de penser que les peines principales prononcées ont été individualisées, en fonction des critères fixés par l'article 132-1, alinéa 3, du Code pénal, à savoir les circonstances de l'infraction, la personnalité de son auteur, ainsi que sa situation matérielle, familiale et sociale.
Peine d'inéligibilité. - En dehors des peines principales, le délit de détournement de fonds publics fait encourir aux auteurs, à titre de peine complémentaire, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille (C. pén., art. 432-17), dont une des composantes est l'inéligibilité (C. pén., art. 131-26, 2°). Cette sanction peut être prononcée pour une durée maximum de dix ans si le condamné exerçait un « mandat électif public au moment des faits » (C. pén., art. 131-26-1). Mme M. L. P., en sa qualité de députée européenne, pouvait donc se voir appliquer ces dispositions.
Selon les indications données, les faits de détournement de fonds publics et/ ou de complicité de ce délit pour lesquels les prévenus ont été déclarés coupables, compte tenu des relaxes partielles prononcées, avaient pris fin au plus tard le 15 février 2016 et non le 31 décembre 2016, comme visé à la prévention concernant l'ancienne présidente du RN, ce dernier et certains coprévenus. Or, le dispositif issu de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II, qui a instauré une peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité en cas de condamnation pour les délits portant atteinte au devoir de probité commis par des personnes exerçant une fonction publique (C. pén., art. 432-10 à 432-15), n'était pas applicable au moment de la commission des faits. L'inéligibilité n'était à l'époque qu'une peine complémentaire facultative.
Puis, le législateur, prenant en considération la proposition n° 18 du rapport « Renouer la confiance publique » (Rapp. J.-L. Nadal, président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, remis au président de la République, 7 janv. 2015, p. 142), a rendu cette peine, jugée « insuffisamment prononcée » (Sénat, rapp. n° 607, Ph. Bas, 4 juill. 2017, p. 38), obligatoire, ce qui répondait aux attentes de nombreuses associations de lutte contre la corruption. Malgré ce caractère, la juridiction pénale peut toutefois, par une décision spécialement motivée, décider de l'écarter, compte tenu « des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur » (C. pén., art.131-26-2, III). On soulignera ici que la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 a considérablement élargi le champ d'application de cette peine obligatoire, en y faisant entrer une liste impressionnante d'infractions (C. pén., art. 131-26-2, II).
Ces précisions données, dans la présente affaire, les faits ayant été commis antérieurement à la loi Sapin II (L. n° 2016-1691, 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique), les juges correctionnels n'étaient pas tenus de prononcer la peine d'inéligibilité. Cependant, après s'être longuement référés aux lois postérieures illustrant « la volonté du législateur de mieux sanctionner les manquements à la probité pour restaurer la confiance des citoyens envers les responsables publics », le tribunal correctionnel l'a prononcée, à l'encontre de Mme M. L. P., à titre de peine complémentaire pour une durée de cinq ans. Et, comme il lui appartenait de le faire, il l'a spécialement motivée, prenant en considération « la gravité des faits commis [par Mme M. L. P.] en sa double qualité d'élue et de présidente d'un parti politique de premier plan », ainsi que « sa situation personnelle ». On rappellera ici qu'à la différence des peines obligatoires (CPP, art. 485-1), les juridictions du fond sont tenues de motiver le choix de la peine prononcée (Cass. crim., 1er févr. 2017, n° 15-84.511, 15-85.199 et 15-83.984 : JurisData n° 2017-001411, 2017-001409 et 2017-001414 ; JCP G 2017, 277, note J. Leblois-Happe ; JCP G 2017, doctr. 276, Étude E. Dreyer ; Dr. pén. 2017, comm. 69, note E. Bonis-Garçon), au regard des dispositions des articles 132-1 (circonstances de l'infraction, personnalité de l'auteur et situation personnelle de ce dernier) et 132-20 (« Le montant de l'amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ») du Code pénal.
S'agissant de cette peine d'inéligibilité retenue à l'encontre de l'ancienne présidente du RN, les juges correctionnels ont estimé « nécessaire » de l'assortir de l'exécution provisoire, ce qui a suscité de vives réactions, notamment dans le monde politique.
Il convient, dès lors, d'étudier les raisons ayant servi de fondement au prononcé de cette mesure exceptionnelle.
2. Les raisons ayant justifié l'exécution provisoire
Principes invoqués. - Pour prononcer l'exécution provisoire, le tribunal correctionnel a fait application des dispositions des articles 471, alinéa 4, du CPP et 131-10 du Code pénal, qui autorisent les juges répressifs à déclarer la peine d'inéligibilité « exécutoire par provision », sans être obligés de motiver un tel choix (Cass. crim., 19 avr. 2023, n° 22-83.355 : JurisData n° 2023-006052).
Cependant, le recours à cette mesure a pour conséquence d'anéantir l'effet suspensif de l'appel (CPP, art. 506) et de porter atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif.
Dans la présente affaire, pour y recourir, le tribunal correctionnel s'est appuyé sur une convergence de jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, d'où il résulte que la faculté pour une juridiction d'ordonner une mesure d'exécution provisoire « répond à l'objectif d'intérêt général visant à favoriser l'exécution de la peine et à prévenir la récidive » (V. en ce sens, Cass. crim., 4 avr. 2018, n° 17-84.577 : JurisData n° 2018-005155. - Cass. crim. 21 sept. 2022, n° 22-82.377 : JurisData n° 2022-015875. - Cass. crim., 18 déc. 2024, n° 24-83.556 : JurisData n° 2024-024632). Ainsi, par une décision récente n° 2025-1129 QPC du 28 mars 2025 (Cons. const., 28 mars 2025, n° 2025-1129 QPC : JurisData n° 2025-003676 ; JCP G 2025, act. 449, note M. Verpeaux à paraître), le Conseil constitutionnel a-t-il clairement rappelé les objectifs poursuivis par l'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité, qui permet « d'assurer, en cas de recours, l'efficacité de la peine et de prévenir la récidive » (§ 13). Pour le Conseil, cette mesure contribue à « renforcer l'exigence de probité et d'exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants », si bien qu'elle met en œuvre « l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ».
Prenant en considération ces éléments, la juridiction correctionnelle a cherché, en l'espèce, à vérifier si le risque de récidive, d'une part, et, d'autre part, les objectifs à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de bonne administration de la justice pouvaient justifier le prononcé de la peine d'inéligibilité assortie de l'exécution provision.
Risque de récidive. - Pour établir le risque de récidive, les juges répressifs se sont fondés sur la stratégie de défense, qui consistait non seulement à contester les faits reprochés mais à revendiquer leur « impunité totale et absolue », en soutenant que « les assistants parlementaires auraient effectué un travail politique, non détachable du mandat de leur député, au profit d'un parti politique ». Or, selon le tribunal, « ce système de défense constitu[ait] une construction théorique qui mépris[ait] les règles du Parlement européen, les lois de la République et les décisions de justice rendues notamment au cours de la présente information judiciaire, en ne s'attachant qu'à ses propres principes ». De plus, la plupart des prévenus, dont l'ancienne présidente du RN, n'ont « manifesté aucune volonté de participer à la manifestation de la vérité, avec laquelle ils ont pour certains un rapport très distendu, niant parfois jusqu'aux évidences, y compris leurs propres écrits de l'époque ». Ainsi, le tribunal a-t-il estimé que « dans le cadre de ce système de défense d'un parti autant que de ses dirigeants, qui tend[ait] à contester la compétence matérielle du tribunal autant que les faits, dans une conception narrative de la vérité, le risque de récidive [était] objectivement caractérisé ».
Trouble « irréparable » à l'ordre public. - S'agissant de la nécessité de prononcer l'exécution provisoire au regard des impératifs de sauvegarde de l'ordre public et de bonne administration de la justice, les juges correctionnels ont pris en considération le « trouble irréparable à l'ordre public démocratique qu'engendrerait le fait que [Mme M. L. P.] soit candidate, voire élue par exemple et notamment à l'élection présidentielle, alors qu'elle est condamnée pour détournement de fonds publics notamment à une peine d'inéligibilité en première instance et pourrait l'être par la suite définitivement ». Dès lors, eu égard à l'importance de ce trouble irréparable, le tribunal a jugé « nécessaire » d'ordonner, à titre conservatoire, l'exécution provisoire de la peine complémentaire d'inéligibilité prononcée à l'encontre de l'ancienne présidente du RN.
Bien que la motivation de la déclaration de culpabilité pour les faits poursuivis et celle des peines prononcées n'appellent pas d'observations particulières, il n'en est toutefois pas de même pour la peine complémentaire d'inéligibilité assortie de l'exécution provisoire.
3. Les réserves suscitées par la motivation de la décision quant à l'exécution provisoire
Les réserves à l'égard du droit de ne pas s'auto-incriminer. - Pour caractériser le risque de récidive, les juges correctionnels se sont fondés sur « le système de défense », et notamment sur « l'absence de reconnaissance des faits » et leur « impunité revendiquée ». Ils ont également retenu à l'encontre des prévenus, dont Mme M. L. P., le fait de n'avoir « manifesté aucune volonté de participer à la manifestation de la vérité ». Peut-on cependant prendre appui sur de tels éléments pour établir le risque de récidive, alors que, sous l'influence de la jurisprudence européenne, notre législation réserve une place importante au droit au silence institué au profit de toute personne suspectée ou poursuivie, quelle que soit la phase du procès pénal ? Doit-on rappeler ici que la Cour EDH a consacré, à plusieurs reprises, le « droit de tout accusé de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination » (V. par ex., CEDH, 25 févr. 1993, n° 10588/83, Série A, n° 256, Funke c/ France, § 44. - CEDH, 3 août 2001, n° 31827/96, J.B. c / Suisse, § 66) ? Comme on l'a justement fait observer, « une personne n'est nullement tenue de collaborer à la recherche de preuves contre elle » (B. Bouloc, Procédure pénale : Dalloz, 29e éd., 2024, n° 141, p. 127). Un mauvais choix de défense est une chose et le risque de récidive est une autre. De plus, il résulte des différentes lois adoptées depuis une vingtaine d'années, qui visent à prévenir le risque de récidive, que ce dernier est lié à la « personnalité dangereuse » des auteurs de certaines catégories d'infractions particulièrement graves, comme l'est la délinquance sexuelle dont les auteurs sont susceptibles de devenir récidivistes. Du reste, on pourrait se demander s'il y avait un réel risque de voir l'ancienne présidente du RN renouveler les actes qui lui sont reprochés, étant donné qu'elle n'a plus ni la qualité de députée européenne ni celle de présidente du parti.
Les réserves à l'égard du principe de la présomption d'innocence. - S'agissant des impératifs de bonne administration de la justice et de sauvegarde de l'ordre public, la décision du tribunal correctionnel fait état d'un « trouble irréparable à l'ordre public démocratique » causé par l'éventuelle élection de la prévenue à la présidence de la République, « alors qu'elle est condamnée pour détournement de fonds publics (...) en première instance et pourrait l'être par la suite définitivement ». Par une telle affirmation, les juges correctionnels se projettent dans l'avenir et tendent à anticiper la décision de la cour d'appel ou même celle de la Cour de cassation. Est-ce réellement le rôle du juge de première instance, d'autant plus qu'une telle motivation fragilise la portée du principe de la présomption d'innocence consacré par les articles 6, § 2, de la Convention EDH et 9 de la DDHC ? Doit-on encore rappeler ici que ce principe impose que toute personne, quelles que soient les charges qui pèsent sur elle, doive être traitée comme innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie par une décision définitive ayant acquis l'autorité de la chose jugée ?
Les réserves à l'égard de la jurisprudence européenne. - L'exécution provisoire se concilie mal avec la jurisprudence européenne, qui se montre particulièrement attachée au principe du double degré de juridiction et au droit à un recours juridictionnel effectif (CEDH, 3e sect., 21 févr. 2008, req. n° 18497/03, Ravon et a. c/France), ce qui a conduit le législateur français à introduire des voies de recours dans plusieurs domaines, y compris dans celui des enquêtes.
Les réserves à l'égard de la jurisprudence constitutionnelle. - Enfin, dans sa décision du 28 mars 2025, le Conseil constitutionnel a entendu, par une réserve d'interprétation, encadrer le rôle du juge, qui décide de recourir à une mesure d'exécution provisoire, en énonçant qu'il lui appartient « d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte » qu'elle « est susceptible de porter à l'exercice d'un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l'électeur » (§ 17). Si l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité n'a pas pour effet de mettre fin à un mandat parlementaire (Cons. const., 22 oct. 2009, n° 2009-21S D. - Cons. const., 16 juin 2022, n° 2022-27 D), elle pourrait toutefois avoir des incidences sur la liberté du choix et du vote des électeurs. Le Conseil constitutionnel n'inviterait-il pas, par la décision précitée, le juge pénal à tenir compte d'un tel élément et à motiver sur ce point sa décision ?
Ces réserves formulées, il convient d'apprécier les conséquences de la condamnation prononcée à l'encontre de l'ancienne présidente du RN.
4. Les conséquences de la condamnation
Conséquences de l'absence de recours contre l'exécution provisoire. - Ni l'article 471, alinéa 4, du CPP, ni aucune autre disposition de ce code ne prévoient un recours spécifique contre l'exécution provisoire, ce qui révèle la lacune de la législation pénale par rapport à la procédure civile. À cet égard, l'article 517-1 du CPC permet que le premier président de la cour d'appel soit saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire dès lors qu'« il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».
Or, en l'absence d'une voie de recours en matière pénale, l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité entraîne l'impossibilité pour la personne qui en est frappée de se présenter à l'élection présidentielle, malgré l'appel formé et malgré l'éventualité de réformation de la décision de la juridiction de première instance par les juges du second degré.
Absence d'incidence sur l'exercice du mandat parlementaire en cours. - Comme il a été indiqué précédemment, l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité n'a pas pour conséquence de mettre un terme au mandat parlementaire, dont la déchéance n'intervient qu'en cas de condamnation définitive (Cons. const., 22 oct. 2009, n° 2009-21S D. - Cons. const., 16 juin 2022, n° 2022-27 D). On doit relever ici la différence entre un mandat parlementaire et un mandat municipal, auquel la peine d'inéligibilité assortie de l'exécution provisoire met immédiatement fin (C. élect., art. L. 230 et L. 236 ; on pourra faire observer que la peine d'inéligibilité de trois ans n'a pas été assortie de l'exécution provisoire à l'égard du maire de Perpignan). Pour le Conseil constitutionnel, cette différence de traitement entre les membres du Parlement et les conseillers municipaux est justifiée par le fait que les premiers « participent à l'exercice de la souveraineté nationale et, (...), ils votent la loi et contrôlent l'action du Gouvernement » (Cons. const., 28 mars 2025, n° 2025-1129, QPC, § 27). Par conséquent, « au regard de leur situation particulière et des prérogatives qu'ils tiennent de la Constitution, les membres du Parlement se trouvent dans une situation différente de celle des conseillers municipaux » (§ 28).
Il en résulte donc que si l'ancienne présidente du RN conserve son mandat de députée dès lors que sa condamnation n'est pas devenue définitive, il n'en est pas de même de celui de conseillère départementale, dont la déchéance pourra être prononcée par l'autorité administrative, sous réserve de l'exercice des voies de recours par l'intéressée (V. en ce qui concerne les recours possibles, Cons. const., 28 mars 2025, préc., § 21).
En définitive, en attendant la décision de la cour d'appel de Paris avant l'été 2026, comme il a été annoncé, l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité ordonnée par les juges correctionnels continuera à alimenter les débats politiques et doctrinaux et pourrait peut-être inciter à une réforme législative. (Haritini Matsopoulou -La Semaine Juridique Edition Générale n° 15, 14 avril 2025, act. 460.)
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