Le Conseil constitutionnel a été saisi le 13 mars 2025 par le Conseil d'Etat (décision n° 499700 du 12 mars 2025), dans les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une question prioritaire de constitutionnalité. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L. 442-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
L'article L. 442-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 mars 2014 mentionnée ci-dessus, prévoit :
« Lorsque l'approbation d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu intervient postérieurement au permis d'aménager un lotissement ou à la décision de non-opposition à une déclaration préalable, l'autorité compétente peut, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ierdu code de l'environnement et délibération du conseil municipal, modifier tout ou partie des documents du lotissement, et notamment le règlement et le cahier des charges, qu'il soit approuvé ou non approuvé, pour mettre en concordance ces documents avec le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu, au regard notamment de la densité maximale de construction résultant de l'application de l'ensemble des règles du document d'urbanisme ».
Les requérants reprochent à ces dispositions de permettre à l'autorité administrative de modifier, sans l'accord des propriétaires colotis, les clauses de nature contractuelle d'un cahier des charges, qui régissent les rapports de droit privé entre ces colotis. Or, selon eux, cette procédure ne serait pas entourée de garanties suffisantes, faute pour ces dispositions d'exclure la modification de l'affectation des parties communes du lotissement et de prévoir une information suffisamment précise des colotis. Il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété ainsi qu'au droit au maintien des conventions légalement conclues.
La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789.
Le Conseil Constitutionnel affirme :
1- Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. Par ailleurs, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789.
2- il ressort des travaux préparatoires qu'en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu faciliter l'évolution, dans le respect de la politique publique d'urbanisme, des règles propres aux lotissements contenues dans leurs cahiers des charges afin de favoriser la densification des quartiers de lotissement et de permettre ainsi aux colotis de bénéficier de l'intégralité des droits à construire résultant de la réglementation d'urbanisme applicable. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d'intérêt général.
3- lorsque la procédure de mise en concordance est mise en œuvre par l'autorité administrative, le cahier des charges ne peut être modifié qu'à la seule fin de mettre en conformité tout ou partie de ses clauses, y compris celles relatives à l'affectation des parties communes, avec les règles contenues dans le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu. Les dispositions contestées n'ont ainsi ni pour objet, ni pour effet de permettre la modification des clauses de nature contractuelle intéressant les seuls colotis.
4-La procédure de mise en concordance est précédée d'une enquête publique réalisée dans les conditions prévues au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement.
5- il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'Etat que le juge administratif, lorsqu'il est saisi, vérifie la régularité du déroulement de l'enquête publique et s'assure notamment que les modifications apportées à un cahier des charges ont été effectuées dans le seul objectif de sa mise en concordance avec les règles contenues au sein du document d'urbanisme applicable.
Le Conseil Constitutionnel conclut finalement que les dispositions contestées ne portent pas aux conditions d'exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Elles ne méconnaissent pas non plus le droit au maintien des conventions légalement conclues.
Les griefs tirés de la méconnaissance des articles 2, 4 et 16 de la Déclaration de 1789 doivent donc être écartés. (Conseil constitutionnel, Décision n° 2025-1142 QPC du 13 juin 2025.J.O. du 14 juin 2025- N°137.)
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