Revirement jurisprudentiel : Le respect du délai de saisine d’une juridiction administrative par voie postale ne s’apprécie plus à la date de réception mais à la date d’envoi (CE 13 mai 2024, req. n 466541).

 

Sur le délai pour contester une décision administrative 


Le délai imparti pour contester une décision prise par l'admistration ne sont pas illimités.

En principe, sauf dispositions contraires, le tribunal administratif compétent doit être saisi dans un délai de 2 mois à compter de la publication ou de la notification de la décision, conformément aux dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative :

"La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.

Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle.

Le délai prévu au premier alinéa n'est pas applicable à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat".

 

Ce délai peut être prorogé par l'introduction d'un recours gracieux ou hiérarchique dans ce délai de 2 mois. Dans ce cas, le délai pour saisir le juge ne commence à courir qu'à compter de l'intervention d'une décision de rejet par l'administration (article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration).

A ce titre, sauf dispositions contraires, l'administration dispose d'un délai de 2 mois pour apporter une réponse au recours gracieux ou hiérarchique (article R. 421-2 du code de justice administrative).

Le délai de recours contentieux recommence à courir à compter de la réception, par l'administré, de la réponse explicite de l'administration ou, le cas échant, à l'issue du délai de 2 mois en cas de silence gardé par l'administration.

Le silence gardé par l'administration au recours gracieux ou hiérarchique dans le délai imparti vaut, par principe, décision implicite d'acceptation (article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration) sauf lorsque : 

  • la demande ne tend pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère d'une décision individuelle ;
  • la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ;
  • la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;
  • une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public (cas fixés par décret du Conseil d'Etat) ;
  • la demande concerne les relations entre l'administration et ses agents.

Enfin, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient après le délai imparti par l'administration pour répondre, mais avant la fin du délai imparti à l'admistré pour saisir le juge, ce dernier dispose d'un nouveau délai de 2 mois à compter de la réception de la décison explicite pour introduire son recours contentieux (article R. 421-2 du code de justice administrative)

Attention : Dans certains cas, l'introduction d'un recours administratif préalable est obligatoire, dit "RAPO" (article L. 412-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration).

L'absence d'engagement d'un RAPO entraine l'irrecevabilité de la requête.

 

Sur l'opposabilité des délais de recours


Les délais de recours fixés par les textes ne sont opposables que s'ils ont été dûment mentionnés dans la décision attaquée, avec mention du Tribunal administratif compétent (article R. 421-5 du code de justice administrative)

Ainsi, en l'absence de mention des voies et délais de recours, les administrés peuvent saisir le juge postérieurement au délai de droit commun de 2 mois (CE 27 oct. 2008, Cne d'Atur, req. n° 284828)

Cela étant rappelé, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance.

Par suite, la jurisprudence considère que les actes administratifs - même ne comportant pas la mention des voies et délais de recours - ne peuvent contestés que dans un délai raisonnable, lequel est fixé à 1 an (CE 13 juillet 2016, req. n° 387763 ; CE 31 mars 2017, n° 389842).

Sur la date à retenir pour apprécier la recevabilité du recours 


Jusqu'à présent, il était de jurisprudence constante que la date à retenir pour apprécier de la recevabilité du recours contentieux était celle de la réception de la demande

Ainsi, le délai était respecté si le Tribunal a réceptionné la requête dans le délai de droit commun de 2 mois. En revanche, le recours était irrecevable si la requête a été réceptionnée postérieurement à ce délai, alors même que la requête a été adressé dans le délai imparti à la juridiction administrative compétente.

De même, s'agissant des recours gracieux et hiérarchiques : les demandes présentées par les administrés contre une décision devenue définitive, faute de l’avoir contestée dans le délai imparti, n’ont pas pour effet de rouvrir le délai de recours contentieux à l’encontre de l’acte attaqué (CE, 15 avril 1996, n° 144908).

Toutefois, dans le cadre d'une décision récente, le Conseil d’Etat a souhaité simplifier les règles relatives à la recevabilité des requêtes déposées par courrier pour tenir compte des délais d’acheminement postaux (CE 13 mai 2024, req. n 466541).

En effet, la date d’enregistrement de la requête, en principe retenue pour apprécier la recevabilité de la saisine, apparaissait trop contraignante pour les justiciables qui devaient anticiper les délais d’acheminement postaux en envoyant leurs recours plusieurs jours avant la fin du délai.

Désormais, pour les saisines par voie postale, le cachet de la poste fait foi ! 

Cette évolution ne concerne que les personnes physiques ou morales de droit privés et les communes de moins de 3.500 habitants. En effet, les avocats et personnes publiques de plus de 3.500 habitants doivent obligatoirement déposer les requêtes via le site Telerecours dont la date d’enregistrement fait foi. De même, les particuliers qui choisissent de saisir la juridiction administrative via Telerecours citoyen demeurent liés par la date d’enregistrement de leur requête.