La Cour d'appel d'Amiens, 5ème chambre prud'homale, par arrêt du 2 septembre 2025, se prononce sur les conditions d'emploi d'un musicien professionnel au sein d'un orchestre philharmonique et sur la validité de son licenciement pour faute grave. Cette décision s'inscrit dans le contentieux récurrent opposant les artistes du spectacle à leurs employeurs associatifs, dont le fonctionnement repose souvent sur une certaine précarité contractuelle.
Un musicien a été engagé le 16 septembre 2016 en qualité de flutiste soliste par contrat à durée déterminée de neuf jours, avant d'exercer les fonctions de chef d'orchestre à compter du 1er mai 2017. Le 29 octobre 2021, il a été licencié pour faute grave, son employeur lui reprochant une attitude déloyale envers la direction, un processus de déstabilisation de l'équipe dirigeante et un abus de sa liberté d'expression. Le salarié a saisi le conseil de prud'hommes pour contester son licenciement et solliciter la requalification de ses contrats ainsi que le paiement de diverses sommes.
Le conseil de prud'hommes de Beauvais, par jugement du 14 février 2024, a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet, condamné l'association au paiement d'un arriéré de salaire et d'une indemnité de requalification, mais débouté le salarié de ses demandes relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse. L'association a interjeté appel de cette décision.
Devant la cour, l'employeur contestait la requalification et l'application de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles. Le salarié demandait la confirmation du jugement sur la requalification et son infirmation concernant le licenciement, arguant notamment de l'absence d'abus dans l'exercice de sa liberté d'expression.
La cour devait déterminer si les critiques formulées par le salarié à l'encontre du président de l'association constituaient un abus de sa liberté d'expression justifiant un licenciement pour faute grave, ou si elles relevaient de l'exercice normal de cette liberté fondamentale.
La Cour d'appel d'Amiens infirme partiellement le jugement. Elle confirme la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée à temps complet et l'application de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles. Elle juge que le salarié n'a pas abusé de sa liberté d'expression et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, condamnant l'association au paiement des indemnités de rupture et de dommages et intérêts.
L'arrêt présente un double intérêt. D'une part, il précise les conditions d'opposabilité d'un changement de convention collective au salarié et les règles applicables au contrat de travail intermittent dans le secteur du spectacle vivant (I). D'autre part, il rappelle les contours de la liberté d'expression du salarié et les conséquences de sa violation sur la validité du licenciement (II).
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