Le droit au partage de l'indivision successorale en présence d’un démembrement de propriété
Il ne faut pas confondre indivision et démembrement de propriété.
L’indivision concerne des droits concurrents : le partage est possible.
Le démembrement concerne des droits complémentaires, usufruit et nue-propriété : le partage n’est pas possible.
Mais il existe des cas plus complexes.
Dans un arrêt du 15 janvier 2025 (pourvoi n°22-24.672), la Cour de cassation a réaffirmé le droit des nus-propriétaires à demander le partage de l'indivision successorale, même en présence d'un usufruitier. Cette décision met en lumière les enjeux juridiques et pratiques liés à la succession et à l'indivision.
Contexte de l'affaire
Un couple marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts avait opté en 2009 pour la communauté universelle, avec une clause d'attribution intégrale au conjoint survivant, à l’exception de certains biens propres.
À la mort de l'épouse en 2016, le mari a choisi l'usufruit de tous les biens de la succession, laissant la nue-propriété à leurs deux enfants.
En 2021, le fils a demandé l'ouverture des opérations de partage de la succession de sa mère, ce qui a été initialement rejeté par le Tribunal judiciaire de Quimper et la Cour d'appel de Rennes.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation a censuré l'arrêt de la Cour d'appel, rappelant que selon l'article 815 du code civil, "nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision".
Elle a statué que l'indivision entre les nus-propriétaires permettait au fils de demander le partage, malgré l'usufruit détenu par le père.
Enjeux pratiques
La décision est juridiquement logique, mais sa mise en œuvre peut être complexe.
Le partage de la nue-propriété peut nécessiter la création de lots distincts ou le rachat des parts indivises, ce qui peut être difficile à réaliser.
La voie contractuelle, via des conventions entre usufruitiers et nus-propriétaires, pourrait offrir une solution, bien que cela n'ait pas été favorisé dans cette affaire.
D’autres cas peuvent se poser avec des difficultés supplémentaires.
En premier lieu, en cas de remariage, les enfants peuvent se retrouver avec un survivant qui n’est pas leur parent.
Cet arrêt illustre un cas où l’enfant est en conflit avec son parent, donc ce n’est pas systématique.
En second lieu, qu’il y ait remariage, ou pas, lorsque les biens transmis sont la propriété des deux, soit en vertu d’une indivision conventionnelle ou d’une indivision post-communautaire, il peut exister une difficulté non tranchée par cet arrêt.
Dans ce cas, les enfants disposent de la nue-propriété du prédécédé.
Le conjoint survivant est, pour sa part, usufruitier pour la part du prédécédé et plein propriétaire, pour sa part.
En vertu de la solution dégagée par la Cour de cassation, le conjoint survivant se retrouve en indivision avec les enfants et se retrouve soumis au partage, solution qui n’a peut-être pas été anticipée par les notaires et le de cujus.
Conclusion
Cette affaire souligne l'importance de l'anticipation successorale et des éventuels conflits entre héritiers, qu’ils soient issus du couple, ou de précédentes unions.
La décision de la Cour de cassation réaffirme le droit au partage de l'indivision, mais rappelle aussi les défis pratiques de sa mise en œuvre.
La préparation de la transmission de son patrimoine n’écarte pas toutes les difficultés, du fait des complexités du droit successoral, notamment en cas de remariage ou dans l’hypothèse d’un patrimoine composé de biens différents (parts de sociétés, comptes-titres, biens immobiliers…).
La consultation cumulée d’un notaire et d’un avocat peut être utile car leur conseil est complémentaire, en matière d’optimisation et de limitation des contentieux potentiels.
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