La prescription de l’action en recel successoral : éclairage sur l’arrêt du 5 mars 2025 de la Cour de cassation

 

Le 5 mars 2025, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt important concernant la prescription de l’action en recel successoral (23-10.360). ​

 

Cet arrêt, publié au Bulletin, confirme une position déjà adoptée par plusieurs Cours d’appel (CA Paris, 3, 1, 16-06-2021, n° 19/03177 ; CA Grenoble, 27-09-2022, n° 22/00057), mais qui n’avait pas encore été tranchée par la Cour de cassation.

 

Le pourvoi est d’ailleurs rejeté contre l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble, de manière assez logique.

 

Voici une analyse de cette décision et de ses implications.

 

Le contexte juridique

 

Le recel successoral est défini à l’article 778 du Code civil. ​

 

Il sanctionne l’héritier qui dissimule des biens ou des droits dans le cadre d’une succession. ​

 

Cependant, la question de la prescription de cette action n’était pas expressément réglée par un texte spécifique. ​

 

Deux délais pouvaient être envisagés :

 

  • Le délai de prescription de droit commun de cinq ans, prévu à l’article 2224 du Code civil. ​

 

  • Le délai de dix ans applicable à l’option successorale, prévu aux articles 768 et 780 du Code civil. ​

 

La question était donc d’articuler les textes de la réforme sur les successions, issue de la loi du 23 juin 2006, et ceux de la réforme sur la prescription, issue de la loi du 17 juin 2008.

 

Les faits de l’affaire ​

 

Dans cette affaire, M. [B] [G] avait assigné Mme [U] et Mme [R] en janvier 2020 pour recel successoral, en lien avec des mouvements bancaires qu’il avait détectés dès 2014. ​

 

La cour d’appel de Grenoble avait déclaré l’action prescrite, en appliquant le délai de droit commun de cinq ans. ​

 

M. [G] a alors formé un pourvoi en cassation, soutenant que le délai de dix ans applicable à l’option successorale devait s’appliquer au recel successoral. ​

 

La décision de la Cour de cassation

 

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi, confirmant que l’action en recel successoral est soumise au délai de prescription quinquennale de droit commun prévu à l’article 2224 du Code civil. ​

 

Elle a motivé sa décision en soulignant qu’en l’absence de texte spécial, le recel successoral, qui constitue une action personnelle, ne peut bénéficier d’un délai spécifique. ​

 

Analyse et implications

 

La solution retenue par la Cour de cassation n’est pas surprenante.

 

En effet, le principe est qu’un délai spécial ne peut être appliqué que s’il est expressément prévu par la loi.

 

Or, aucun texte ne prévoit un délai spécifique pour l’action en recel successoral. ​

 

Le délai de droit commun de cinq ans s’impose donc logiquement.

 

Cette décision apporte une clarification bienvenue pour les praticiens du droit des successions.

 

Elle confirme que les héritiers doivent agir rapidement lorsqu’ils soupçonnent un recel successoral, sous peine de voir leur action prescrite. ​

 

En revanche, le délai de dix ans applicable à l’option successorale reste limité à la faculté d’accepter ou de renoncer à une succession, et ne peut être étendu à d’autres actions. ​

 

Les textes applicables

 

  • Article 778 du Code civil : « L'héritier qui a recelé des biens ou des droits est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net. ​ »

 

  • Article 2224 du Code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ​ »

 

  • Article 768 du Code civil : « L'héritier peut accepter la succession purement et simplement, l'accepter à concurrence de l'actif net ou y renoncer. ​ »

 

  • Article 780 du Code civil : « L'option successorale se prescrit par dix ans à compter de l'ouverture de la succession. ​ »

 

Conclusion

 

Cet arrêt du 5 mars 2025 marque une étape importante dans la jurisprudence sur le recel successoral. ​

 

En confirmant l’application du délai de prescription de droit commun de cinq ans, la Cour de cassation met fin à une incertitude juridique et harmonise les pratiques. ​

Les héritiers doivent désormais être vigilants et agir dans les délais impartis pour faire valoir leurs droits en matière de recel successoral. ​