Par un arrêt du 3 septembre 2024 (RG n° 22/05993), la Cour d'appel de LYON a rappelé un principe élémentaire : lorsqu'un acheteur professionnel est en mesure d'identifier un défaut affectant un cheval destiné à un usage spécifique, il ne peut prétendre à la garantie des vices cachés.




L'affaire porte sur l'acquisition, le 15 mars 2020, d'un cheval nommé Valentino par Mme W et la société Horse Jumping pour 45 000 euros auprès de M. X.

Préalablement à la vente, un examen vétérinaire réalisé le 12 mars 2020 avait mis en évidence des anomalies susceptibles d'affecter les performances du cheval en saut d'obstacles, signalant un « risque modéré ». Le 19 juin 2020, l'animal chute lors d'un entraînement. Deux expertises vétérinaires ultérieures, les 24 juin et 20 juillet 2020, concluent à une inaptitude totale du cheval pour la compétition. Face à cette situation, Mme W et la société assignent le vendeur en justice afin d'obtenir l'annulation de la vente.

Le tribunal judiciaire de Villefranche-sur-Saône rejette leur demande le 21 juillet 2022, décision contre laquelle elles font appel.

Dans les ventes d'animaux domestiques, plusieurs questions se posent, notamment en matière de garanties.

Le vendeur est tenu d’assurer la garantie des vices cachés, qui repose sur deux cadres juridiques distincts : le Code rural (art. L. 213-1 et suivants) et le Code civil (1641 et suivants).

La question est donc de savoir lequel d'entre eux s’applique.

L’article R. 213-1 du Code rural Code rural, conçu pour répondre aux spécificités des êtres vivants, liste de manière limitative les vices rédhibitoires.

Or, celui affectant Valentino n’en fait pas partie.

De plus, la jurisprudence admet qu'une convention implicite entre les parties peut exclure l’application du Code rural en faveur du Code civil, en fonction de la destination donnée à l’animal et du prix payé (Civ. 1ère, 1er juillet 2015, 13-25.489) :

  • « Les dispositions des articles L. 213-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime régissant la garantie des vices rédhibitoires dans les ventes d'animaux domestiques peuvent être écartées par une convention contraire, laquelle peut être implicite et résulter de la destination des animaux vendus et du but que les parties se sont proposé et qui constitue la condition essentielle du contrat »

La cour d'appel de LYON adopte ce raisonnement en considérant que l'objectif du contrat et le prix élevé de l’achat reflètent une telle convention tacite.

De fait, le Code civil s'applique ! et plus précisément la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 et suivants, mais sous certaines conditions.

En effet, pour être recevable, le défaut doit être suffisamment grave, caché et antérieur à la vente.

Or, la cour retient que le défaut de Valentino ne peut être qualifié de « caché » puisque les acheteuses, professionnelles du secteur, avaient été informées du risque par le rapport vétérinaire préalable à la vente.

En tant qu’acheteuses averties, elles auraient dû en tenir compte, d’autant plus qu’une vidéo montrant le cheval trébucher était à leur disposition avant l’achat.

Par conséquent, elles ne peuvent invoquer la garantie des vices cachés, car elles « ont accepté le risque qu’il ne puisse pas être utilisé pour l’usage auquel il était destiné ».

En clair, elles ont acquis le cheval en connaissance de cause... si bien que la résolution du contrat doit être écartée.

Par ailleurs, les acheteuses ont tenté d’invoquer une erreur sur les qualités substantielles de l’animal. Or, pour que l’erreur soit reconnue, elles devaient prouver qu’elles avaient cru à tort que le cheval possédait certaines aptitudes déterminantes pour leur engagement.

Or, la Cour considère qu’elles avaient pleinement connaissance des réserves émises avant la vente et qu’elles ont accepté le risque, ce qui exclut toute erreur excusable.

En conclusion, la cour d’appel confirme le jugement attaqué et rejette les demandes des acheteuses, estimant que leur qualité de professionnelles les obligeait à faire preuve d’une diligence accrue dans l’évaluation des risques liés à l’achat.




RÉSUMÉ 

Un acquéreur averti ne peut invoquer ni la garantie des vices cachés prévue par le Code civil, ni une erreur sur les qualités essentielles du bien, s'il disposait des moyens de constater que celui-ci ne répondrait pas à l'usage envisagé.




Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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