Une promesse de vente avait été signée, chez le Notaire, le 1er août 2022 par nos clients, qui s'engageaient ainsi à vendre leur bien au profit de la "bénéficiaire de la promesse", laquelle déclarait ne pas recourir à l'emprunt. Cette dernière devait néanmoins procéder au dépot entre les mains du Notaire d'un acompte de 10.000 € à valoir sur le prix de vente, ce dans les 10 jours suivant la promesse. 

La vente devait être réitérée par acte authentique avant le 1er décembre 2022. Finalement, la veille de la signature de l'acte authentique, nos clients apprenaient que la "bénéficiaire de la promesse" renonçait à la vente, et qu'elle n'avait d'ailleurs jamais versé l'acompte de 10.000 €, ce qui était de nature à rendre la promesse nulle et non avenue.

Par jugement du 2 décembre 2024, le Tribunal Judiciaire a considéré que le Notaire avait commis une faute, par sa négligence dans le traitement des informations communiquées par la bénéficiaire de la promesse, et dans son devoir d'information envers les promettants.

Pour entrer en voie de condamnation, le Tribunal a relevé les erreurs commises par le Notaire dans ce dossier singulier : 

- la promesse ayant été scellée par une agence immobilière, le Notaire n'était pas déchargé de l'obligation de s'interroger sur la surface financière d'une personne présentée à l'acte comme étant "en formation dans la gendarmerie", qui n'entendait pas "contracter d'emprunt pour le financement de l'acquisition envisagée, le financement devant être assuré en totalité par ses deniers personnels" et qui justifiait de son autofinancement par la production d'une capture d'écran faisant apparaitre un solde créditeur de 450.000 € sur un livret d'épargne A

- le Notaire ne pouvait se contenter de pièce non-officielle produites par la bénéficiaire ; il ne pouvait pas non plus lui échapper que le plafond de dépôt sur un livret d'épagne A était largement dépassé, rendant le document produit "suspect" 

- l'absence de contrôle du Notaire a conduit à l'authentification d'un acte au profit d'une bénéficiaire qui était, en réalité, sans activité professionnelle, mère célibataire d'un enfant à charge, dont les seules ressources étaient composées de l'APL et du RSA

- il n'est pas contestable que la "bénéficiaire de la promesse" n'a pas réglé l'acompte de 10.000 € dans le délai imparti et que le Notaire n'en n'a pas informé les promettants, qui se sont légitimement crus engagés envers la bénéficiaire jusqu'au 1er décembre 2022

Le défaut d'information et de conseil du Notaire a été sanctionné par l'octroi, au profit des promettants, de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de recouvrement de tout ou partie de l'indemnité d'immobilisation. 

(Tribunal Judiciaire de RENNES, 2e chambre civile, 2 décembre 2024, RG n°24/00252)