Par plusieurs décisions d'importance, le Conseil d'Etat a apporté durant l'été de nombreuses précisions sur l'occupation du domaine public de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. Le présent article vise à recenser quelques points d'attention pour les gestionnaires.
- Antérieurement à l'ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques qui a introduit l'obligation de mise en concurrence pour la délivrance des titres d'occupation du domaine public, la jurisprudence du Conseil d'Etat excluait qu'une mise en concurrence soit nécessaire. Le Conseil d'Etat est revenu sur sa position et affirme désormais, au visa de la directive européenne sur la libre prestation de service, que les principes de publicité et de transparence devaient être appliqués par les gestionnaires du domaine public, y compris antérieurement à l'ordonnance de 2017 (Etat, collectivités territoriales, établissements publics, concessionnaires etc.). Ils doivent donc redoubler d'attention et mesurer les risques induits par ce revirement, lorsqu'ils n'avaient pas pour pratique habituelle de respecter ces principes. Ce revirement significatif a fait l'objet d'un commentaire détaillé sur le blog par ailleurs. Cette évolution étant intervenue durant l'été, il paraît important de la signaler à nouveau. Conseil d'État, 10 juillet 2020, n°434582, Société Paris Tennis.
- Lorsque les gestionnaires du domaine public consentent des titres d'occupation, ils peuvent être amenés à stipuler que l'autorisation peut être renouveler d'années en années, tout en fixant une durée maximum (l'occupation devant par nature être consentie pour une durée déterminée, exigence légale). Il est désormais confirmé par le Conseil d'Etat que la décision de non renouvellement d'un titre d'occupation du domaine public constitue une mesure de gestion, dans l'intérêt général, du domaine public et non une sanction impliquant le respect d'une procédure contradictoire et des droits de la défense. Si cette décision sécurise les gestionnaires dans leur pratique contractuelle, la rédaction des clauses de durée et de résiliation doivent faire l'objet d'une rédaction fine et rigoureuse pour éviter toute difficulté d'interprétation. Conseil d'État, 9 juin 2020, n°434113, commune de Saint-Pierre.
- Toujours selon cette logique, il est désormais acté que le forfait de post-stationnement qui est appliqué aux conducteurs n'ayant pas réglé leur stationnement ne constitue pas une sanction, si bien que les droits de la défense ne sont pas applicable à sa contestation. Conseil d'État, 30 septembre 2020, n°438253, société SIXT AF.
- En revanche, le Conseil Constitutionnel a censuré l'exigence d'un paiement préalable à la contestation du forfait de post-stationnement, le législateur n'ayant pas prévu les garanties de nature à assurer que l'exigence de paiement préalable ne porte pas d'atteinte substantielle au droit d'exercer un recours juridictionnel. A noter qu'il n'est donc pas exclu que le législateur revoie sa copie et réintroduise cette obligtation. Conseil Constitutionnel, Décision n° 2020-855 QPC du 9 septembre 2020, Mme Samiha B. [Condition de paiement préalable pour la contestation des forfaits de post-stationnement], Non conformité totale.
- Pour mener à bien leurs projets ou en cas d'évolution de la répartition des compétences, les personnes publiques peuvent être amenées à réaliser des cessions à titre gratuit de biens du domaine public. Cette pratique est encadrée par l'article L3112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. Le Conseil d'Etat a précisé que la délibération du conseil municipal d'une commune autorisant, décidant ou approuvant le transfert de propriété de biens immobiliers relevant de son domaine public au profit d'une autre personne publique, dans les conditions mentionnées à l'article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, constitue un acte créateur de droits dès lors que les parties ont marqué leur accord sur l'objet et les conditions financières de l'opération et que la réalisation du transfert de propriété n'est soumise à aucune condition. Cette précision est d'importance : le retrait ou l'abrogation d'une décision créatrice de droit étant très encadré par le Code des relations entre le public et l'administration, la cession pourrait ne plus pouvoir être remise en cause, quand bien même l'acte notarié ou l'acte en la forme administrative n'a pas été rédigé et signé par les parties. Conseil d'Etat, 29 juillet 2020, n°427738, SIVOM de la Région de Chevreuse.
- Dans le cadre de l'exécution du contrat de la commande publique, tel un marché public ou une concession, le titulaire peut être amené à occuper le domaine public pour réaliser la prestation qui lui a été confiée. Dans ce cas, la circonstance que le titulaire d'un contrat n'ayant pas pour objet l'occupation du domaine public mais dont le lieu de réalisation se situe sur une dépendance du domaine public ne dispose pas d'un titre l'autorisant à occuper cette dépendance n'a pas pour effet de rendre illicite le contenu du contrat et d'entacher ce dernier d'une irrégularité de nature à justifier que soit écartée, dans le cadre d'un litige entre les parties, l'application des stipulations contractuelles qui les lient. Conseil d'État, 10 juillet 2020, n°427216, société SMEG.
Ces décisions sont d'intérêts pour les gestionnaires du domaine public, mais aussi les occupants, titrés ou non. Elles doivent conduire à une modification des pratiques des gestionnaires.
Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :
- Dans la revue de titres d'occupation, afin de s'assurer de leur conformité et de leur efficacité au regard de l'évolution jurisprudentielle ;
- Cartographier et mesurer les risques induits, ainsi que les mesures correctives à apporter s'agissant de contrat déjà conclus ;
- Vous assister dans la résolution des litiges qui découlent de ces évolutions.
Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes
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