Le 22 décembre 2024, je vous proposais sur mon blog un article intitulé « Le recours du candidat évincé de la passation d’un contrat public et des tiers devant le juge du contrat du tribunal administratif ... ».
En complément de cette chronique, je mets à votre disposition un modèle de recours en contestation de la validité du marché public devant le juge du contrat du tribunal administratif.
Le recours de pleine juridiction devant le juge du contrat en contestation de la validité des contrats signés à compter du 4 avril 2014 afin d’obtenir à titre principal la résiliation ou l’annulation du contrat et à titre accessoire ou complémentaire une indemnisation sous condition de délai de recours de deux mois à compter de la publication de l’avis d’attribution du marché public.
L’arrêt Conseil d’Etat, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994 ouvre aux tiers, sans considération de leur qualité, une voie de droit spécifique leur permettant de contester la validité du contrat ou certaines de ses clauses devant un juge de plein contentieux aux pouvoirs étendus.
Ce nouveau recours de pleine juridiction en contestation de la validité du contrat se substitue au recours dit « Tropic » ouvert aux concurrents évincés (Conseil d’Etat, Assemblée, 16 juillet 2007, Société Tropic travaux signalisation, n° 291545) et au recours dirigé par les tiers contre les actes détachables préalables à la conclusion de celui-ci (CE, 4 août 1905, Martin, n° 14220).
En raison de l’impératif de sécurité juridique tenant à ce qu’il ne soit pas porté une atteinte excessive aux relations contractuelles en cours, il ne peut être formé qu’à l’encontre des contrats signés à compter du 4 avril 2014, date de lecture de la décision du Conseil d’Etat.
Pour les contrats signés avant cette date, les tiers insusceptibles de former antérieurement un recours « Tropic » peuvent introduire un recours pour excès de pouvoir contre les actes qui en sont détachables.
Les recours exercés par les concurrents évincés et le préfet de département avant le 4 avril 2014 restent, quant à eux, soumis aux règles de procédure fixées par l'arrêt société Tropic travaux signalisation du 16 juillet 2007.
Ce recours peut être accompagné d'une requête en référé suspension.
TRAME DE RECOURS
RECOURS EN CONTESTATION DE VALIDITE DU MARCHE
POUR :
La Société X…, sise rue des …,75013 PARIS, prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur B… domicilié au dit siège ;
AYANT POUR AVOCAT :
Maître André ICARD, Avocat au Barreau de Paris, domicilié au 72 boulevard Pereire 75017 PARIS, Tél. : 07 84 86 30 49, courriel icardavocat@gmail.com, Toque D0325.
CONTRE :
Le Commune de Z… sis Hôtel de ville - Boulevard …., représentée par son maire en exercice domicilié au dit siège.
RAPPEL DES FAITS
La Société X… s’est portée candidate à l’attribution d’un marché public passé par la commune de Z… en vue, d’une part, de la fourniture et de l’installation des équipements nécessaires … d’autre part, de la maintenance de ces équipements.
Les offres de la société A… ont été préférées aux siennes qui ont été classées en deuxième position.
La Société X… a formé une demande préalable en indemnisation par lettre recommandée avec avis de réception du …
En sa qualité de concurrente évincée, la société X… demande, dans la présente instance, l’annulation du marché ainsi que la condamnation de la commune au paiement d’une indemnité de 85 000 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de son éviction illégale.
I- Sur la recevabilité du recours du candidat évincé.
L’arrêt Conseil d’Etat, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994 ouvre aux tiers, sans considération de leur qualité, une voie de droit spécifique leur permettant de contester la validité du contrat ou certaines de ses clauses devant un juge de plein contentieux aux pouvoirs étendus.
Ce nouveau recours de pleine juridiction en contestation de la validité du contrat se substitue au recours dit « Tropic » ouvert aux concurrents évincés (Conseil d’Etat, Assemblée, 16 juillet 2007, Société Tropic travaux signalisation, n° 291545) et au recours dirigé par les tiers contre les actes détachables préalables à la conclusion de celui-ci (CE, 4 août 1905, Martin, n° 14220).
Le recours doit être exercé, y compris pour les contrats relatifs à des travaux publics, dans un délai de deux mois « à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées ».
Cette condition de publicité peut être remplie « notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ».
Pour les marchés passés selon une procédure formalisée, la publication d’un avis d’attribution au JOUE, suffit pour déclencher ce délai.
Cet avis doit alors indiquer les modalités de la consultation du contrat, dans la rubrique « autres informations » de l’avis.
En procédure adaptée, l’acheteur doit adapter sa publicité à l’objet et au montant du contrat.
En cas d’omission des modalités de consultation d'un marché public de Défense dans l’avis d’attribution, le délai de recours de deux mois en contestation de validité « Tarn et Garonne » est porté à un an.
Dans le cas où l'administration a omis de mettre en œuvre les mesures de publicité appropriées permettant de faire courir le délai de recours de deux mois, un recours contestant la validité du contrat ( Conseil d'État, Assemblée, 04/04/2014, 358994, Publié au recueil Lebon – Département Tarn et Garonne) doit néanmoins, pour être recevable, être présenté dans un délai raisonnable à compter de la publication de l'avis d'attribution du contrat. (Conseil d'État, Assemblée, 13/07/2016, 387763, Publié au recueil Lebon - Czabaj).
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 25/04/2022, 19MA05387
« Tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses » est recevable à former ce recours.
Conseil d’Etat, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994
Ce recours est ainsi ouvert à tout concurrent évincé ou à tout autre tiers susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon directe et certaine par le contrat ou sa passation
DISCUSSION
II - Sur la validité du marché public :
Conseil d'État, Section, 05/02/2016, 383149, Publié au recueil Lebon (syndicat mixte des transports en commun Hérault Transport)
« Si le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui d'un recours de plein contentieux contre un contrat, les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. »
A la jurisprudence Conseil d’Etat, Assemblée, 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a apporté sa pierre en posant en un considérant limpide inspiré du célèbre arrêt (certes portant sur un autre type de contentieux) SMIRGEOMES :
« Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif ne peut ainsi, à l’appui d’un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d’ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction ; »
Tribunal administratif de Cergy Pontoise, 29 juin 2017, n°1502262 (PDF, 202 Ko)
Conclusions du rapporteur public
Ainsi, en présence d'une recours introduit par un candidat évincé, sont opérants :
- d'une part les manquements aux règles applicables à la passation du contrat qui sont en rapport direct avec son éviction, c’est à dire qui ont exercé une influence effective : ce pourra être des moyens tirés de la méconnaissance d’une règle de publicité ou de mise en concurrence, mais aussi des moyens dirigés contre des irrégularités affectant l’analyse des offres,
- d'autre part les vices identifiés par la jurisprudence Conseil d'État, Assemblée, 28/12/2009, 304802, Publié au recueil Lebon « Commune de Béziers 1 », n° 304802, p. 509, c’est à dire affectant le contenu du contrat, le consentement des parties ou tout vice d'une particulière gravité que le juge administratif devrait relever d'office.
Sur l’atteinte portée aux principes de transparence des procédures et d’égalité d’accès des candidats à la commande publique et sur les qualités substantielles de la prestation commandée.
Au terme de l’article L.2152-1 du code de la commande publique : « L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées. »
Au terme de l’article L.2152-2 du code de la commande publique : « Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale. »
Au terme de l’article R.2151-8 du code de la commande publique : « Les acheteurs peuvent autoriser La présentation de variantes dans les conditions suivantes : 1° Pour les marchés passés selon une procédure formalisée : a) Lorsque le marché est passé par un pouvoir adjudicateur, les variantes sont interdites sauf mention contraire dans l'avis de marché ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt ; b) Lorsque le marché est passé par une entité adjudicatrice, les variantes sont autorisées sauf mention contraire dans l'avis de marché ou dans l'invitation à confirmer l'intérêt ; 2° Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, les variantes sont autorisées sauf mention contraire dans les documents de la consultation. »
Aux termes de l’article 2 du cahier des clauses administratives et techniques du marché, il était demandé aux candidats de fournir et poser des « matériels actifs pour 6 multiplex comprenant multiplexage, démultiplexage (voies indépendantes) équipé d’un système à annulation d’échos, filtrage et précorrection » ;
En l’espèce, l’offre présentée par la société A… attributaire du marché, qui, ne comportant qu’une seule proposition technique, ne peut être regardée comme contenant une variante, portait sur la fourniture de matériels qui, au lieu de l’amplification indépendante de chaque voie demandée dans le cahier des clauses administratives et techniques, étaient équipés d’un dispositif d’amplification commune.
En conséquence, l’offre de la société A, qui ne respecte donc pas les exigences formulées par l’article 2 précité du cahier des clauses administratives et techniques du marché, est irrégulière et aurait dû être éliminée.
La passation du marché est entachée de vices dont il appartient au juge du contrat d’apprécier les conséquences.
Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité éventuellement commise et l’objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d’accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l’annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l’intérêt général ou aux droits des cocontractants, d’annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.
En déclarant attributaire un soumissionnaire dont l’offre était irrégulière et aurait dû être éliminée, la commune de Z… a porté atteinte aux principes de transparence des procédures et d’égalité d’accès des candidats à la commande publique, mais s’est également méprise sur les qualités substantielles de la prestation dont elle a passé commande.
Son consentement est, en conséquence, entaché d’une irrégularité non régularisable.
L’annulation du marché de ce lot ne portant pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la société requérante sollicite l’annulation du marché.
III - Sur les conclusions indemnitaires :
Lorsqu’une entreprise candidate avait des chances sérieuses d’emporter le marché, elle a droit à être indemnisée de son manque à gagner.
L’offre de la société française d’émetteur a été classée en deuxième position lors de l’examen des candidatures à l’attribution du marché.
Cette entreprise disposait ainsi d’une chance sérieuse d’emporter le marché, si la commune de Z… avait conduit régulièrement la procédure.
Elle a ainsi droit à l’indemnisation de l’intégralité du manque à gagner résultant, pour elle, de son éviction, incluant nécessairement, en l’absence de stipulation contraire du contrat, les frais de présentation de l’offre intégrés dans ses charges, mais excluant le remboursement des frais généraux de l’entreprise qui seraient affectés à ce marché.
Ce manque à gagner doit être déterminé en fonction du bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l’avait obtenu.
Les documents comptables et financiers versés par la requérante attestent du manque à gagner découlant de la non attribution du marché en litige.
En conséquence, la société requérante sollicite la condamnation de la commune de Z…au paiement de la somme de 85.000 euros.
IV - Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il serait inéquitable, dans les circonstances de l’espèce, de laisser à la charge de la société requérante candidate évincée les frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour faire valoir ses droits, celle-ci demande au tribunal administratif de céans de mettre à la charge de la commune de Z… la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.
PAR CES MOTIFS
et tous autres à produire, déduire ou suppléer, au besoin d'office, l’exposant conclut qu'il plaise au Tribunal administratif de PARIS de :
- ANNULER ou RESILIER le marché de fourniture, d’installation et de maintenance des équipements …;
- CONDAMNER la commune de Z… à verser à l’exposante la somme de 85 OOO euros en réparation de son manque à gagner du fait de la non attribution du marché ;
- METTRE A LA CHARGE de la Commune de Z… la somme de 3 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
SOUS RESERVE DE TOUS AUTRES ELEMENTS DE DROIT OU DE FAIT A PRODUIRE ULTERIEUREMENT PAR MEMOIRES COMPLEMENTAIRES, ET SOUS RESERVE DE TOUS AUTRES RECOURS.
PARIS, le 23 décembre 2024
André ICARD
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