Les intérêts moratoires sont de droit

Selon le Code de la commande publique, "Dès le lendemain de l'expiration du délai de paiement ou de l'échéance prévue par le marché, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires dont le taux est fixé par voie réglementaire" (Code de la commande publique, article L2192-13) et "Toute renonciation au paiement des intérêts moratoires est réputée non écrite" (Code de la commande publique, article L2192-14).

 

La renonciation aux intérêts moratoires, même dans une transaction, est sanctionnée

Outre le caractère réputé non-écrit de la renonciation au paiement des intérêts moratoires, un protocole transactionnel rédigé en violation de cette règle est susceptible d'être annulé par le juge :

"8. En troisième lieu, il appartient au juge du contrat, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés.

9. En jugeant que la méconnaissance de la règle prohibant la renonciation aux intérêts moratoires, laquelle entache d'illicéité le contenu du protocole transactionnel, est de nature à justifier son annulation, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a exactement qualifié les faits dont elle était saisie." (Conseil d'État, 18 mai 2021, n°443153).

Cette renonciation est sanctionnée même lorsqu'elle est faite a posteriori (Conseil d'Etat, 17 octobre 2003, n°249822).

 

Les intérêts moratoires sont dus en cas de retard de paiement, y compris pour l'indemnité prévue au protocole transactionnel

Il avait déjà été jugé que la signature d'une transaction n'emportait pas renonciation tacite à exiger les intérêts moratoires en cas de retard de paiement (Conseil d'Etat, 10 novembre 2004, n°256031).

Le Conseil d'Etat complète cette jurisprudence et ajoute que lorsqu'un accord de transaction fixe, forfaitairement et définitivement pour solde de tous comptes en principal et intérêts, le montant global d'un marché à un nouveau montant incluant les reprises de réserves, les révisions de prix et les intérêts moratoires, pour un règlement prévu au plus tard à une date prévue par cet accord, la somme due au terme de ce dernier ne procède pas d'un contrat distinct du contrat de marché public. Ce versement intervient au contraire en règlement du marché public, quand bien même il est organisé par une transaction.

En cas de retard de paiement, s'appliquent à cette somme, jusqu'à son paiement effectif, les intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics, sans que la signature de la transaction puisse y faire obstacle, et non les intérêts moratoires au taux légal prévus par les dispositions du code civil.

"5. Aux termes de l'article 67 de la loi du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, applicable à la date de la signature du marché litigieux : " Dans le cadre des marchés publics, y compris les travaux sur mémoires et achats sur factures, est réputée non écrite toute renonciation au paiement des intérêts moratoires exigibles en raison du défaut, dans les délais prévus, soit du mandatement des sommes dues, soit de l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé, soit du paiement de celle-ci à son échéance. / La présente disposition est applicable à toute clause de renonciation conclue à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. " Aux termes de l'article L. 2192-14 du code de la commande publique, applicable à la date de signature de la transaction litigieuse : " Toute renonciation au paiement des intérêts moratoires est réputée non écrite. " Ces dispositions interdisent de façon absolue toute renonciation aux intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics, que cette renonciation intervienne lors de la passation du marché ou postérieurement.

6. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par l'accord de transaction signé le 2 juillet 2019, les sociétés NGE Génie Civil et autres et la chambre de commerce et d'industrie Seine Estuaire ont consenti à des concessions réciproques et fixé, forfaitairement et définitivement pour solde de tous comptes en principal et intérêts, le montant global du marché à un nouveau montant hors taxes de 61 millions d'euros incluant les reprises de réserves, les révisions de prix et les intérêts moratoires, pour un règlement prévu au plus tard le 31 août 2019. En jugeant, au motif que l'accord transactionnel constituait un contrat distinct du contrat de marché public, régi par les dispositions du seul code civil, que le retard de paiement, par la chambre de commerce et d'industrie Seine Estuaire, de la somme de 14 979 243,76 euros TTC ne pouvait donner lieu, le cas échéant, qu'au versement des intérêts moratoires au taux légal prévus par les dispositions de ce code, alors que la somme que devait verser la chambre de commerce et d'industrie Seine Estuaire à ses cocontractants, fût-ce au terme d'une transaction, intervenait en règlement du marché public de travaux, auquel devaient s'appliquer, jusqu'à son paiement effectif, les intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics et sans que, conformément à l'interdiction rappelée au point 5, la signature de cette transaction puisse y faire obstacle, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit.

7. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions d'appel des sociétés NGE Génie Civil et autres tendant à ce que la chambre de commerce et d'industrie Seine Estuaire soit condamnée à leur verser la somme de 399 446,50 euros au titre des intérêts moratoires ainsi que des intérêts sur la même somme à compter de la mise en demeure du 11 mars 2020." (Conseil d'État, 22 juillet 2025, n°494323).

 

Intérêts moratoires et protocoles transactionnels : conseils pratiques

L'acheteur public comme le titulaire doivent donc veiller à traiter la question des intérêts moratoires dans le protocole, et à en tenir compte dans le calcul des sommes à verser et le libellé des renonciations.

Une formule maladroite peut conduire à l'annulation du protocole. De même, une clause peu claire quant aux indemnités à verser et aux délais peut créer une incertitude sur le montant des intérêts moratoires à devoir en cas de retard de paiement des indemnités transactionnelles.

 

Le cabinet est à votre écoute pour vous accompagner :

  • Dans la construction, l'analyse ou l'interprétation des pièces contractuelles d'un marché public ;
  • Dans la conclusion et l'exécution d'un marché public ;
  • Dans la négociation et la formalisation d'un protocole transactionnel.

Goulven Le Ny, avocat au Barreau de Nantes

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