Quelles sont les modalités d'articulation des voies de recours nationales afin que, dans le cadre de la mise en œuvre de la directive sécurité et santé des travailleurs au travail, soit garanti le respect du principe d'effectivité du droit de l'Union européenne ( UE ) pour les parties intéressées et, en particulier, la protection des droits de la défense ? La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) apporte des éléments de réponse dans un arrêt publié le 26 septembre.

Au cas d'espèce, après le décès d'un électricien par électrocution lors d'une intervention, une procédure administrative est ouverte contre son employeur. Parallèlement, une procédure pénale pour négligence et homicide involontaire est engagée contre le contremaître, avec la participation des proches de la victime. La juridiction administrative, saisie de l'affaire, conclut que cet incident ne constitue pas un « accident du travail » ; elle annule, en conséquence, les sanctions administratives infligées à l'employeur. Or, selon une législation nationale, interprétée par la Cour constitutionnelle roumaine, cette décision administrative empêche la juridiction pénale de reconsidérer la qualification de l'accident en tant qu'accident du travail.

Dans ce contexte, la cour d'appel de Braşov (Roumanie) a demandé à la Cour de justice de se prononcer sur la compatibilité de cette loi nationale, telle qu'interprétée par la Cour constitutionnelle, avec le droit de l'Union européenne en matière de sécurité des travailleurs. À la CJUE, il revenait de dire si le droit de l'Union permet à une juridiction administrative de bloquer la requalification d'un accident du travail par une juridiction pénale, et si les juridictions nationales peuvent être empêchées de suivre le droit de l'Union en raison de décisions de leur Cour constitutionnelle.

Les juges européens avaient ainsi à se prononcer sur la compatibilité avec le droit de l'Union d'une réglementation nationale qui prévoit qu'une décision définitive d'une juridiction administrative qualifiant un événement comme « accident du travail » lie toutes les autres juridictions, y compris celles qui pourraient être amenées à se prononcer sur la responsabilité civile de l'employeur ; avec pour conséquence que les ayants droit de la victime ne peuvent se faire entendre devant la juridiction administrative.

La Cour considère que la réglementation nationale en question est incompatible avec le droit de l'Union européenne. En effet, les ayants droit d'un travailleur victime d'un accident doivent pouvoir faire valoir leurs droits devant toutes les juridictions concernées par l'affaire. Le fait qu'une décision définitive ait été rendue par une autre juridiction ne peut les priver de ce droit . La CJUE rappelle l'importance du droit à un procès équitable et affirme que ce droit ne peut être limité par l'application stricte du principe de l'autorité de la chose jugée lorsque cela porte atteinte aux droits fondamentaux des individus. Dans le cas présent, les ayants droit d'un travailleur victime d'un accident ont le droit d'être entendus sur la question de savoir si cet événement constitue bien un accident du travail et ce, même si une autre juridiction a déjà statué sur cette question.

À la Cour de justice, il revenait également de dire si un juge national peut refuser d'appliquer une décision de sa Cour constitutionnelle nationale lorsqu'il estime, au vu d'une interprétation de la CJUE, que cette décision est contraire au droit de l'Union européenne. Les juges européens répondent par la positive à cette seconde question. L'arrêt rendu affirme clairement la primauté du droit de l'Union. Il donne aux juges nationaux la possibilité de refuser d'appliquer des décisions nationales qui sont contraires au droit de l'Union, même si ces décisions émanent de la plus Haute Juridiction nationale. Cette décision renforce l'unité du marché intérieur et garantit une meilleure protection des droits des justiciables. En pratique donc, lorsque le droit national entre en conflit avec le droit de l'Union, c'est le droit de l'Union qui prévaut. Les juges nationaux ont le devoir de faire tout leur possible pour assurer l'application du droit de l'Union, même si cela signifie de ne pas appliquer une décision de leur propre cour constitutionnelle.(Lexis nexis- La Semaine Juridique Social n° 39, 1er octobre 2024, act. 611. -  CJUE, 26 sept. 2024, aff. C-792/22, Energotehnica-.)

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