Le délai biennal de l'art. 1648 pour intenter l'action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue est un délai de prescription susceptible de suspension

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 23-15.693
  • ECLI:FR:CCASS:2025:C300187
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 03 avril 2025

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, du 15 mars 2023

Président

Mme Teiller (président)

Avocat(s)

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Sevaux et Mathonnet

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 avril 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 187 F-D

Pourvoi n° G 23-15.693




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025

1°/ M. [D] [Z],

2°/ Mme [T] [S], épouse [Z],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° G 23-15.693 contre l'arrêt rendu le 15 mars 2023 par la cour d'appel de Rouen (1ère chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [E] [I], épouse [L], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à la société Adelys immo, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], représentée par son liquidateur amiable, M. [Y] [H],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [Z], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Guillaudier, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 15 mars 2023), par acte authentique du 21 août 2014, Mme [I] (la venderesse) a vendu une maison d'habitation à M. et Mme [Z] (les acquéreurs).

2. Un diagnostic de performance énergétique avait été effectué par la société Adelys immo (le diagnostiqueur).

3. Estimant que la consommation énergétique de la maison ne correspondait pas à celle indiquée dans le diagnostic, les acquéreurs en ont fait réaliser un autre le 12 mars 2015.

4. Par acte du 24 novembre 2015, ils ont saisi le juge des référés qui a ordonné une expertise le 23 décembre 2015.

5. L'expert a déposé son rapport le 4 janvier 2019.

6. Par actes des 3 et 4 juillet 2019, les acquéreurs ont assigné la venderesse et le diagnostiqueur en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. Les acquéreurs font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action en garantie des vices cachés à l'encontre de la venderesse, alors « que le délai prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil pour exercer l'action en garantie des vices cachés est un délai de prescription susceptible de suspension en application de l'article 2239 de ce code ; qu'en jugeant tardive l'action en garantie exercée par les époux [Z] le 4 juillet 2019 cependant qu'elle constatait qu'ils avaient eu connaissance du vice le 12 mars 2015 et qu'une ordonnance de référé du 23 décembre 2015 avait ordonné une mesure d'expertise judiciaire exécutée le 4 janvier 2019, jour de dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1648 et 2239 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1648, alinéa 1er, et 2239 du code civil :

9. Le délai biennal prévu par le premier de ces textes pour intenter l'action en garantie à raison des vices cachés de la chose vendue est un délai de prescription susceptible de suspension en application du second de ces textes (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-15.809, publié).

10. Pour déclarer irrecevable l'action des acquéreurs en garantie des vices cachés, l'arrêt retient que le point de départ du délai biennal prévu à l'article 1648 du code civil est la date du 12 mars 2015, qu'il a été interrompu par l'assignation en référé-expertise du 24 novembre 2015 jusqu'à la désignation de l'expert judiciaire le 23 décembre 2015, date à laquelle ce délai a de nouveau couru, et qu'à défaut de nouvel acte interruptif de forclusion dans ce nouveau délai qui expirait le 23 décembre 2017, les acquéreurs, qui ont engagé tardivement leur action contre la venderesse le 4 juillet 2019, sont forclos.

11. En statuant ainsi, alors que le délai biennal, interrompu le 24 novembre 2015, avait été suspendu par l'ordonnance du juge des référés du 23 décembre 2015 jusqu'au 4 janvier 2019, date de dépôt du rapport d'expertise, de sorte qu'il n'était pas expiré au jour de l'assignation au fond, le 4 juillet 2019, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action en garantie des vices cachés intentée par M. et Mme [Z] à l'encontre de Mme [I] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300187

Publié par ALBERT CASTON à 15:41  

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