La loi du 30 ventôse an XII, devenu le code Napoléon, puis le Code civil n’avait pas été modifiée en profondeur depuis plus de deux siècles en matière de droit des obligations. Notions désuètes, jurisprudences abondantes venant combler le manque des textes, incohérences, incertitudes, tel était l’état de notre Code civil.
Il est donc apparu nécessaire de moderniser le droit des contrats et des obligations afin de le rendre plus clair et plus précis, par la codification du droit positif et la prise en compte de l’évolution des mœurs, des technologies et de la pratique.
Ces (r)évolutions aboutissent à un droit plus simple et plus clair, à même, ainsi, d’être utilisé plus largement, notamment dans le cadre des échanges économiques.
Ce processus de modernisation a été initié par deux groupes de travail, celui de Pierre Catala et celui de François Terré. La Chancellerie, les professionnels du droit et les acteurs du monde économique ont été associés à la création de ce texte.
C’est ainsi que le 10 février 2016, le gouvernement a pris, par la voie d’une ordonnance, des mesures modifiant le Code civil, afin de « moderniser, de simplifier, d’améliorer la lisibilité, de renforcer l’accessibilité du droit commun des contrats, du régime des obligations et du droit de la preuve, de garantir la sécurité juridique et l’efficacité de la norme ».
Les deux objectifs généraux de cette réforme
Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations présente les deux objectifs généraux de cette réforme :
- Le premier objectif poursuivi par l’ordonnance est celui de la sécurité juridique. En effet, l’ordonnance rend les textes du Code civil plus accessibles par l’utilisation d’un langage actuel et de notions modernes. C’est ainsi par exemple que l’acte « sous seing privé » devient l’acte « sous signature privée ». De plus, le plan du Titre III du Code civil a été réorganisé et est dorénavant chronologique allant de la formation du contrat à ses effets, en passant par son interprétation, permettant ainsi une compréhension intuitive, logique et pédagogique des règles applicables.
Par ailleurs, certaines notions relatives à la définition du contrat ont disparu, comme la notion de « faire, de ne pas faire et de donner ». A contrario, certaines définitions font leur apparition dans la nouvelle version du Code civil, permettant la codification de notions jurisprudentielles, comme par exemple l’offre ou la promesse unilatérale. Enfin, l’ordonnance met fin à certaines hésitations jurisprudentielles et prend position, notamment s’agissant de la date à laquelle se forme le contrat.
- Le second objectif poursuivi par l’ordonnance est, selon les termes du rapport « de renforcer l’attractivité du droit français, au plan politique, culturel et économique ». Cet objectif est fondé sur le constat que le droit français n’est pas utilisé autant qu’il pourrait l’être. L’abandon de la notion de cause dans le Code civil 2016 en est un exemple parlant. Cette notion était difficile à appréhender, pour les étudiants bien sûr, mais également pour l’ensemble des professionnels et praticiens étrangers. En effet, cette notion est absente de la plupart des droits étrangers. Sa suppression pourra permettre au droit français de reprendre une place de premier choix lorsqu’il s’agira de déterminer par quel droit est régi tel ou tel contrat international. Enfin, l’ordonnance propose de « consacrer certains mécanismes juridiques issus de la pratique, en leur conférant un régime juridique précis et cohérent, tel que la cession de contrat ».
Les nouveautés de cette réforme
Désormais, le Titre III du Code civil est consacré aux différentes sources d’obligations (articles 1100 à 1303-4), le Titre IV au régime général des obligations (articles 1304 à 1352-9) et le Titre IV bis à la preuve des obligations (articles 1353 à 1386-1).
A titre non exhaustif, voici quelques nouveautés du Code civil version 2016 concernant la formation du contrat, son exécution et son extinction.
La définition du contrat, toujours à l’article 1101 du Code civil, prévoit désormais que : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».
Les notions de « donner, faire ou ne pas faire » ont disparu de la définition du contrat.
Comme évoqué, une autre nouveauté est à souligner, la disparition de la notion de cause. En effet, facteur d’insécurité juridique selon la doctrine et la pratique, la nouvelle rédaction de l’article portant sur les conditions de validité du contrat ne fait plus état de la notion de cause. Le nouvel article 1128 remplaçant l’article 1108, prévoit : « Sont nécessaires à la validité d’un contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un contenu licite et certain ».
Les notions d’offre et d’acceptation, autrefois uniquement jurisprudentielles, que l’on pouvait retrouver sous l’article 1101, ont désormais une sous-section entière à leurs noms (articles 1113 à 1122). Ces deux notions sont définies, leurs conditions posées et leurs sanctions énoncées. L’article 1113 énonce : « Le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. Cette volonté peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur ».
Concernant les contrats préparatoires, sont consacrées les notions jurisprudentielles de pacte de préférence et de promesse unilatérale qui font l’objet de deux articles dans la nouvelle version du Code civil (articles 1123 et 1124). L’article 1123 définit le pacte de préférence et expose les sanctions de sa violation. L’article 1124, quant à lui, définit la promesse unilatérale et prévoit la sanction de la révocation de cette promesse.
S’agissant de la durée des contrats, l’ordonnance propose une section entière (articles 1210 à 1215) sur ce thème. Rappelons que l’actuelle rédaction du Code civil ne comporte aucune disposition générale sur ce sujet, pourtant source d’un important contentieux. Ainsi, par exemple, l’article 1210 entérine la prohibition des engagements perpétuels.
Concernant le contenu du contrat, il est à noter que le nouvel article 1170 du Code civil consacre la célèbre jurisprudence « Chronopost » de 1996 relative aux clauses limitatives de responsabilité : celles-ci seront réputées non écrites si elles privent « de sa substance l’obligation essentielle du débiteur ».
S’agissant des effets du contrat entre les parties, l’ordonnance en date du 10 février 2016 introduit la notion d’imprévision dans le Code civil (article 1195), notion traditionnellement issue de la jurisprudence administrative : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ».
Par ailleurs, la section 4 du chapitre IV relatif aux effets du contrat introduit le régime juridique de la cession du contrat (articles 1216 à 1216-3).
La section 5 de ce même chapitre, propose, quant à lui, de réunir toutes les dispositions concernant l’inexécution du contrat en une seule et unique section (articles 1217 à 1231-7), remédiant ainsi aux dispositions éparses et incomplètes de l’actuelle rédaction du Code civil.
Une autre nouveauté est à noter, elle concerne la définition de la force majeure (article 1218), actuellement fixée par la jurisprudence : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 ».
De la même façon, l’exception d’inexécution, aujourd’hui absente du Code civil, mais consacrée par la jurisprudence, fait son apparition avec le nouvel article 1219. Celui-ci définit l’exception d’inexécution comme la possibilité qu’a une partie de refuser d’exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
Concernant la résolution du contrat, l’ordonnance introduit dans le Code civil la résolution unilatérale par notification du créancier de l’obligation non exécutée (article 1226).
Il convient de noter que le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Dans ce cas, le créancier devra prouver « la gravité de l’inexécution ». Le créancier devra alors justifier la suffisante gravité de l’inexécution.
S’agissant de la responsabilité extracontractuelle, un nouveau dispositif est mis en œuvre, la mise en demeure du créancier (articles 1345 à 1345-3). Celle-ci permet au débiteur de se libérer « en consignant la somme due ou en séquestrant la chose devant être livrée ».
S’agissant des modes de preuve, un nouveau principe voit le jour avec cette réforme du droit des obligations, celui selon lequel une copie fiable a la même force probante que l’original (article 1379) : « La copie fiable a la même force probante que l’original. La fiabilité est laissée à l’appréciation du juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d’un écrit authentique. Est présumée fiable jusqu’à preuve du contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée ».
« Ce nouveau texte achève de placer sur le même plan l’écrit sur support papier et l’écrit sur support électronique, dont le régime juridique, et par conséquent celui de leurs copies, doit être le même, afin de prendre en compte les évolutions technologiques ».
A noter également, et cela n’est pas passé inaperçu, allant même jusqu’à la création d’un hashtag sur les réseaux sociaux « #JeSuis1382 », que l’historique article 1382 sera désormais connu et appris par tous les étudiants en droit sous le numéro 1240. L’article 1382 nouvelle formule concerne, lui, la preuve par présomption judiciaire.
Pour conclure et afin de résumer cette réforme du droit des obligations, le nouveau texte se veut plus clair en adoptant un plan chronologique et plus actuel en supprimant les notions désuètes et en modernisant les terminologies. Cette réforme consacre également des notions jusque-là uniquement jurisprudentielles ou doctrinales et ajoute les nouveautés apparues nécessaires en deux siècles.
L’entrée en vigueur de cette réforme
Il est à noter que ces nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2016. Le temps pour nous d’appréhender la nouvelle numérotation et de faire le deuil des articles 1134 et 1382 !
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