Mesdames, Messieurs 

Dans le cadre du projet de réforme du régime fiscal de la location meublée, je me permets de vous donner mon avis technique.

Rappelons qu'il existe deux types principaux de location meublée :

- le meublé touristique,

- le meublé longue durée à des locataires qui en font leur résidence principale ou un logement étudiant pour l'année universitaire.

Les exploitants d'une activité de location meublée bénéficient d'un régime fiscal très favorable, leur permettant de recevoir des revenus sans (trop) payer d'impôt, tout en profitant d'un régime de plus-value à la revente favorable, allant même dans certains cas jusqu'à l'exonération totale.

J'ai bien noté qu'une réforme du régime fiscal de la location meublée est envisagée pour trois motifs principaux :

- supprimer les avantages fiscaux anormaux de la location meublée par rapport au régime fiscal de la location nue et par rapport aux exploitants hôteliers,

- lutter contre les meublés de tourisme, pour lutter contre les effets du surtourisme,

- encourager la location d'un logement à titre de résidence principale.

Dans ce contexte, je propose une réforme répondant à ces objectifs, mais visant également à simplifier la réglementation par alignement du régime de la location meublée sur le droit commun.

Mes propositions :

1) rattacher la location meublée de longue durée au régime des revenus fonciers,

2) rattacher la location meublée touristique au régime de droit commun des bénéfices industriels et commerciaux (BIC),

3) créer des abattements spécifiques en impôt sur le revenu et en IFI pour tous les propriétaires qui louent des logements à titre de résidence principale,

4) respecter le principe de confiance légitime.

Le rattachement des meublés touristiques au régime des BIC

S'agissant du deuxième point, il s'agit de tenir compte du fait que l'activité de meublé touristique est de nature commerciale au sens du droit privé et qu'elle doit naturellement relever du régime des BIC.

Le régime des BIC de droit commun n'est pas spécialement avantageux, puisqu'il s'agit du régime de droit commun de tous les commerçants et notamment des hôteliers. Il permet de bénéficier de certaines exonérations fiscales mais seulement pour les "BIC professionnel", c’est-à-dire les exploitants qui s'impliquent personnellement dans l'activité. 

Les exploitants passifs, relevant des "BIC non professionnels", sont plutôt défavorisés. Contrairement aux LMNP, les BIC non pro ne relèvent pas du régime des plus-values immobilières privées mais de celui des plus-values professionnelles, mais sans profiter de certains régimes de faveur, et en particulier ils ne peuvent pas bénéficier du régime d'exonération de l'article 151 septies. 

Les exploitants de meublé touristique exploitent une véritable entreprise commerciale et il serait anormal et discriminatoire de les rattacher au régime des revenus fonciers.

Un tel rattachement remplacerait une discrimination contre les hôteliers par une nouvelle discrimination, cette fois en leur faveur.

Le rattachement de la location meublée longue durée aux revenus fonciers

Un tel rattachement serait logique au plan juridique car une telle activité est de nature civile.

Ce rattachement ne concernerait pas la location meublée longue durée incluant des services significatifs de parahôtellerie, qui resterait dans le régime de droit commun des BIC.

Un réforme technique des revenus fonciers

Il faudrait prévoir le droit de déduire les dépenses liées à l'acquisition et à l'entretien des meubles, ce qui n'est pas le cas actuellement, alors pourtant que certaines locations nues prévoient déjà certains meubles et notamment une cuisine équipée.

Des abattements IR et IFI pour la location d'un logement en résidence principale

Il faudrait surtout prévoir un avantage fiscal particulier pour les bailleurs qui louent un bien en tant que résidence principale du locataire. Cet avantage pourrait prendre la forme d'un abattement spécial en impôt sur le revenu et d'un autre abattement spécial en IFI.

L'instauration de ces abattements irait dans le sens de l'objectif de la réforme et présenterait un coût limité pour le Trésor, facilement compensé par le gain de la suppression du régime fiscal de la location meublée.

Le maintien du régime fiscal pour les investissements déjà réalisés

Toute suppression d'une niche fiscale doit respecter le principe de confiance légitime. L'Etat doit respecter les contribuables qu'il a incité à profiter d'un régime de faveur et à faire des investissements en application de ce régime. Ce régime de faveur dérogatoire doit être maintenu pour la durée des investissements concernés. 

Il y a un précédent important. En 1996, lors de la suppression du droit d'imputer les déficits BIC sur le revenu global pour les exploitants passifs, il a été prévu que la suppression ne s'appliquait que pour les nouveaux investissements.

Il faut donc prévoir le maintien du régime de la location meublée à hauteur des locaux relevant de ce régime à l'annonce de la réforme.

Les conséquences de la réforme en matière d'IFI

Le rattachement des loueurs en meublée longue durée au régime des revenus fonciers aurait pour effet logique de supprimer le régime spécial prévoyant une exonération en matière d'IFI. Mais cette suppression ne devrait pas concerner les investissements déjà réalisés, en application du principe de confiance légitime.

Les conséquences en matière sociale

Le rattachement des loueurs en meublée de longue durée au régime des revenus fonciers aurait pour conséquence de supprimer leur assujettissement possible en qualité de LMP au régime social des indépendants tel que prévu à l'article L 611-1 du code de la sécurité sociale. Les meublés touristiques resteraient assujettis mais selon les règles de droit commun applicables à tous les commerçants. En tout état cause, il faudrait modifier le régime social des meublés qui renvoie directement à son régime fiscal.

Conclusion

Mes propositions ont le mérite de remplir les objectifs visés par la réforme, de maintenir un principe d'équité et de simplifier la réglementation en étendant aux loueurs en meublé les règles de droit commun.