La procédure d’appel est, depuis le décret Magendie, encadrée par des délais comme elle ne l’avait jamais été auparavant. Les auteurs de la réforme ne sont en effet nullement inspirés des réflexions des auteurs du Code de procédure civile, notamment celles du Professeur Motulski, qui est détricoté au fur et à mesure de l’empilement des nouvelles normes applicables.
Ainsi, en cause d’appel et particulièrement dans les matières avec représentation obligatoire, les plaideurs sont quelque peu malmenés et des sanctions nouvelles frappent tout manquement à leurs obligations. Notamment, en terme de délais, il incombe à l’appelant de signifier ses conclusions dans un délai de trois mois à compter de sa déclaration d’appel, à peine de caducité d’office de celle-ci (article 908 du code de procédure civile).
Ainsi, la Cour sera dessaisie du recours et l’appel ne pourra même plus être réitéré si l’intimé a pris la précaution de faire signifier la décision attaquée et consommer le délai de recours.

Les cours d’appel, au fil des très nombreuses caducités prononcées, affinent progressivement leur jurisprudence.
C’est ainsi que se dessinent progressivement :
. L’effet prorogatif d’une demande d’aide juridictionnelle sur le délai 908 (Bastia 27 février 2013 & Caen 21 février 2013),
. L’absence d’obligation d’avoir à respecter le délai de trois mois, tandis que l’affaire est instruite en circuit court et sans mise en état par application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile (Paris 26 février 2013),
. La conséquence de conclusions jugées irrecevables sur le délai de trois mois (Dijon 19 février 2013),
. L’effet interruptif de la cessation de fonction du représentant de la partie au procès (Aix en Provence 4 mars 2013)
. L’absence de pouvoir d’appréciation du conseiller de la mise en état sur le prononcé de la caducité (Versailles 28 février 2013).

Si les premières décisions citées ne provoquent pas de surprise chez l’auteur de ces quelques lignes tandis qu’elles appliquent au délai fixé à l’article 908 des règles générales de procédure civile (sur l’interruption de l’instance) ou spéciales (par application d’un texte relatif à l’aide juridictionnelle), la jurisprudence de la Cour d’Appel de Versailles semble en revanche bien sévère tandis qu’elle exclut - par principe - la force majeure comme cause valable de non application de la sanction de la caducité de la déclaration d’appel.
La position adoptée paraît extrêmement sévère tandis que les textes eux-mêmes prévoient que la sanction ne peut être être prononcée tandis qu’il serait justifié d’une cause étrangère (article 930-1 alinéa 2) empêchant de respecter les obligations du décret du 9 octobre 2009. Or cette cause étrangère s’approche justement de la force majeure, sans condition d’extériorité et ni d’irrésistibilité. Faut-il considérer qu’il n’existerait qu’une cause recevable pour échapper à la sanction prévue, à savoir l’impossibilité technique liée à une panne générale du système E-barreau ? Cela semblerait tout de même bien excessif.


AJ et prorogation du délai 908 : Cour d'appel, Bastia, Chambre civile B, 27 Février 2013 – n° 12/00456
«Par ordonnance du 08 février 2012, le magistrat chargé de la mise en état a constaté la caducité de cette déclaration d'appel, faute de conclusions de l'appelante dans les délais fixés par l'article 908 du code de procédure civile , cette caducité ayant été relevée par arrêt de la présente cour, en date du 16 mai 2012, au vu des conclusions de l'appelante déposées le 04 février 2012, faisant valoir une décision du 12 janvier 2012, lui accordant l'aide juridictionnelle.»

AJ et prorogation du délai 908 : Cour d'appel, Caen, 3e chambre civile, 21 Février 2013 – n° 12/02371
«la décision du bureau d'aide juridictionnelle étant une décision d'admission partielle, susceptible de recours, la décision d'admission est devenue définitive à l'expiration du délai de recours de 15 jours ayant commencé à courir à compter de la date de notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, de telle sorte que le délai de dépôt des conclusions de monsieur C., tel que prévu à l'article 908 du code de procédure civile , a été prorogé jusqu'à une date postérieure au 6 mars 2013 (non déterminable en l'absence de l'accusé de réception du courrier de notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle)»

Absence de délai 908 dans le cadre d’un appel par circuit court (article 905) : Cour d'appel, Paris, Pôle 1, chambre 3, 26 Février 2013 – n° 12/12976
«Considérant que l'article 908 du code de procédure civile dispose que « à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure » ;
Considérant que l'article 905 du même code énonce que « lorsque l'affaire semble présenter un caractère d'urgence ou être en état d'être jugée ou lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé ou à une des ordonnances de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l'article 776, le président de la chambre saisi d'office ou à la demande d'une partie fixe à bref délai l'audience à laquelle elle sera appelée ; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762 »;
Considérant que, dans ce cas, il n'est pas imposé aux parties de conclure dans des délais dont le non-respect serait sanctionné et aucun conseiller de la mise en état n'est désigné ;»

Sur la validité des conclusions : Cour d'appel, Dijon, Chambre civile C, 19 Février 2013 – n° 12/01562
«Qu'il résulte, en revanche, de l'absence de justification que l'adresse mentionnée dans les conclusions correspond au domicile réel de l'appelant, que ses conclusions ne sont pas recevables par application des articles 960 et 961 du code de procédure civile ;
Que des conclusions irrecevables étant assimilées à une absence de conclusions, il convient de constater qu'en méconnaissance des dispositions de l'article 908 du code de procédure civile , l'appelant n'a pas transmis de conclusions recevables dans les trois mois suivant sa déclaration d'appel, de sorte que la caducité de cet acte est encourue par application de l'article 910 ;»

Sur l’absence totale de pouvoir d’appréciation du conseiller de la mise en état : Cour d'appel, Versailles, 1re chambre, 1re section, 28 Février 2013 – n° 12/08326
«Les demanderesses à la requête font valoir que si l'objectif poursuivi par l'article 908 du code de procédure civile est d'éviter l'utilisation du temps de la procédure par l'appelant à des fins purement dilatoires en privant anormalement l'intimé du bénéfice de la décision de première instance, tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la décision de première instance est assortie de l'exécution provisoire. Elles ajoutent que l'intimé n'a jamais fait état d'un quelconque grief.
En outre, elles expliquent le retard qui leur est reproché par la désorganisation matérielle momentanée du cabinet de leur avocat consécutive à une absence injustifiée de son assistante et unique salariée.
Enfin, elles considèrent qu'il ne faut pas privilégier une lecture trop formaliste du texte applicable qui va à l'encontre des exigences posées par la Convention Européenne des droits de l' homme pour pouvoir avoir accès à une juridiction.
En l'espèce, les appelantes ont interjeté appel du jugement rendu le 7 juin 2012 par le tribunal de grande instance de Versailles le 12 juillet 2012 mais elles n'ont signifié et déposé des conclusions que le 30 octobre 2012.
Or aux termes des articles 908 et 911-1 du code de procédure civile le conseiller de la mise en état relève d'office la caducité de la déclaration d'appel lorsque l'appelant n'a pas conclu dans le délai de trois mois à compter de cette déclaration d'appel.
Contrairement à ce que soutiennent ‘les appelantes’, les textes sus-visés ne donnent pas le pouvoir au magistrat de tenir compte d'un grief quelconque, ou d'un cas de force majeure, ni de prendre en considération l'exécution provisoire ou non de la décision entreprise.
En outre, s'il est exact que la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile a désormais encadré la procédure dans des délais très stricts sanctionnés d'office, elle l'a fait dans le but, conforme à l'intérêt général, d'accélérer le déroulement des procédures, ce qui n'est pas en contradiction avec le droit au procès équitable garanti par l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni avec le principe de proportionnalité entre le but poursuivi et les moyens mis en oeuvre, l'automaticité des sanctions étant la condition nécessaires de l'effectivité de la réforme.
En conséquence, la sanction de la caducité de la déclaration d'appel, qui vient sanctionner le non respect par les appelantes de leur obligation de conclure dans le délai de trois mois à compter à compter de l'acte d'appel, s'imposait au conseiller de la mise en état.»

L’interruption du délai par l’effet de la cessation des fonctions du représentant : Cour d'appel, Aix-en-Provence, 6e chambre B, 4 Mars 2013 – n° 11/17328
«L'article 908 du code de procédure civile dispose qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure.
Ce texte entré en vigueur le 01/01/2011, est applicable aux appels formés à compter de cette date.
En l'espèce, l'appel a été interjeté le 12/10/2011.
Monsieur D. devait donc conclure avant le 12/01/2012.
La procédure a toutefois été interrompue le 01/01/2012 en raison de la cessation des fonctions de la SCP P. F., avoué de Madame A..
Le 23/01/2012, Mongi D. a formé une demande d'aide juridictionnelle qui lui a été accordée le 30/01/2012.
La procédure n'a repris son cours que le 20/06/2012, en l'état où elle se trouvait le 01/01/2012, lorsque Maitre Annie B., avocat, s'est constituée aux lieu et place de la SCP P.-F..
L'appelant lui a alors notifié ses conclusions le 28/06/2012.
A la date de l'interruption de la procédure, Monsieur D. disposait encore d'un délai de 12 jours pour conclure au fond et ce délai n'était pas expiré lorsqu'il a notifié ses écritures à l'intimé.
Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande.»

Maître Alexis Devauchelle
Avocat à la Cour, Ancien Avoué
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