Dans le cadre de cette présentation, il ne s’agit pas de reprendre les éléments déjà connus et déjà pratiqués devant les juridictions d’appel, notamment depuis le décret Magendie du 9 décembre 2009, qui a fixé les nombreux délais et sanctions applicables en appel, mais bien plus de tenter de cerner les éléments nouveaux depuis le 1er septembre 2024 découlant du décret du 29 décembre 2023 'portant simplification de la procédure d’appel en matière civile’.
Il faut dire que, une fois de plus, ce n’est pas dans le texte stricto sensu du décret qu’il faut chercher les éventuels écueils nouveaux de procédure, mais bien plus, dans son silence ou ses sous-entendus.
Je rappellerai brièvement que depuis plusieurs années et près de quinze ans, la procédure civile d’appel a été profondément réformée à travers différents textes successifs, à savoir notamment :
- Le décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009, dit décret Magendie,
- Le décret modificatif n°2010-1647 du 28 décembre 2010,
- Le décret n°2017-891 du 6 mai 2017, relatif notamment aux exceptions d’incompétence,
- Le décret fourre-tout n°2020-1452 du 27 décembre 2020.
Au fil de ces différents textes, les devoirs procéduraux des parties se sont considérablement accrus, notamment en termes de délais pour agir et conclure. D’autre part, les sanctions en cas de manquement se sont multipliées et aggravées.
Dans le cadre des différents décrets de procédure, l’attention du législateur s’est portée principalement :
- sur la forme de l’acte d’appel, et ses mentions obligatoires,
- sur la forme des conclusions d’appel, et leurs mentions,
- outre l’aspect temporel de la procédure, à travers la concentration des moyens imposée aux parties, ainsi que les délais pour les exprimer.
Les sanctions imposées par ces réformes ont acquis un caractère automatique : caducité de la déclaration d’appel / irrecevabilité des conclusions.
De surcroît, elles peuvent être le plus souvent soulevées d’office.
N’oublions pas qu’il y a quelques années la principale sanction du défaut d’une partie consistait en la radiation de l’affaire du rôle de la Cour, et l’éventuelle perte du caractère alors encore suspensif de l’appel (prévue à l’article 915 ancien du code de procédure civile).
Ces complexifications successives ont entraîné l’apparition d’un contentieux propre à la régularité de l’appel, ainsi que des procédures devant le Conseiller de la mise en état, et - parallèlement - une aggravation de la sinistralité de la profession d’avocat.
Enfin, la jurisprudence relative à la procédure d’appel est abondante, alimentant parfois un sentiment d’insécurité juridique pour les praticiens. Il suffit de se reporter aux bulletins de la Cour de cassation pour constater que chaque mois de l’année apporte sa kyrielle de questions nouvelles et d’interprétations des textes.
Il convient d’évoquer deux premiers points d’introduction.
I- Sur l’entrée en vigueur de la réforme
Le décret nouveau s‘applique aux instances introduites par déclaration d’appel ou par déclaration de saisine après cassation à compter du dimanche 1er septembre 2024.
La règle est simple et ne souffre guère d’interprétation ou d’aléa. Le critère temporel est unique : c’est celui de la date de la déclaration au RPVA, soit d’un appel, soit après un arrêt de cassation avec renvoi, emportant saisine de la Cour.
Les instances d’appel introduites antérieurement au 1er septembre 2024 ne bénéficieront pas des règles nouvelles.
Deux régimes vont donc coexister, durant quelques années, jusqu’à épuisement du contentieux ancien. Il s’agira de ne pas l’oublier.
Le choix du législateur est ainsi différent de celui opéré pour le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024, dit ‘Magicobus n°1’, qui s’applique aux instances en cours.
II - Sur les objectifs de la réforme
L’objectif poursuivi par la réforme, tel que précisé dans la circulaire de présentation Ministère de la Justice du décret, en date du 2 juillet 2024, est double.
Primo, le décret tend à rendre plus lisible, plus claire, la procédure d’appel.
Le législateur a donc constitué un ensemble de textes, unique et autonome, pour la Cour d’Appel avec une numérotation modifiée. Il n’y a désormais plus de renvoi à la procédure de première instance, par disparition de l’article 907 ancien.
Par ailleurs, Des notions ambiguës - comme celle de « l’indivisibilité du litige » ou des « chefs du jugement » - ont été supprimées.
Des règles dégagées par la Jurisprudence ont été intégrées au corpus règlementaire désormais applicable.
Enfin, le rôle et les pouvoirs spécifiques du CME et du Président de Chambre sont précisés.
Certains auteurs voient dans la norme nouvelle une sorte de mode d’emploi professionnel et non plus des règles à portée générale. Mais, il s’agit d’une voie empruntée régulièrement par notre législateur dans de nombreux domaines, et depuis longtemps.
Secundo, le décret a fait oeuvre d’une certaine souplesse - limitée toutefois - mais nouvelle au profit des parties.
D’une part, dans une certaine mesure (et pour les chefs du jugement critiqués), les parties sont désormais autorisées à compléter leur acte d’appel dans leurs premières conclusions.
D’autre part, les délais de la procédure en circuit court - dite à ‘bref délai’ - sont allongés.
Les délais de procédure dans les différentes procédures ont même presque une certaine tendance à s’unifier.
De plus, le Juge d’appel peut également moduler les délais dont disposent les parties pour conclure, en les réduisant (comme auparavant), mais également en les allongeant.
Enfin, une invitation à pratiquer la mise en état conventionnelle est présentée aux parties.
Il ne faut évidemment pas se leurrer.
La simplification énoncée de la procédure d’appel n’est pas au goût du jour.
Ni les délais, ni les sanctions ne sont remis en cause dans leur principe et, dans l’ensemble, dans leurs modalités.
Si des mesures nouvelles sont arrêtées, elles auront essentiellement pour effet d’alléger les charges des juridictions, notamment celles des Conseillers de la mise en état, mais aucunement celles des auxiliaires de Justice.
Au contraire, les nouvelles normes instituées vont susciter de nouvelles interrogations et de nouveaux risques, qu’il nous faut tenter de percevoir avance anticipation et évaluer.
Notamment, le défaut de sanction clairement évoquée par certains textes à l’égard de certaines obligations procédurales - et par la Direction des Affaires civiles et du Sceau, dans sa circulaire du 2 juillet 2024 - ne permet aucunement d’affirmer que de sanction il n’y en aurait point.
Là encore, c’est à une analyse en creux des dispositions applicables qu’il faut de livrer pour aboutir à la conclusion que l’Art de la procédure d’appel est complexe et dangereux.