Dans deux affaires jugées le 21 aout 2024, le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis de la Réunion revient sur les exigences formelles des documents envoyés par la CGSS. Dans la première affaire, une société avait été contrôlée par l’inspection du travail et un PV pour travail dissimulé avait été dressé. Cette société sous-traitant ayant été défaillante, la CGSS s’est retournée contre son donneur d’ordre au titre de la solidarité financière. Au final, la CGSS réclamait au donneur d’ordre donc près de 15.000 euros pour des faits de travail dissimulé commis par son sous-traitant.

Mais le problème est que les chiffres annoncés par la CGSS dans les différents courriers n’étaient pas clair, ce que relève le Tribunal.

En effet, l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale prévoit que « les observations […] comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés. ». Il a été jugé que ces dispositions sont également applicables à la lettre d'observations adressée au donneur d'ordre pour la mise en œuvre de sa solidarité financière (2e Civ., 6 juin 2024, n° 22-16.180).

Et selon une jurisprudence constante, les formalités de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale sont substantielles en ce qu’elles sont destinées à assurer le caractère contradictoire du contrôle et la sauvegarde des droits de la défense. Leur omission entraîne la nullité tant des opérations de contrôle et de redressement que de la procédure subséquente (2e Civ., 3 avril 2014, n°13-11.516).

Notamment, la lettre d’observations doit préciser le mode de calcul des cotisations réclamées.

Selon la jurisprudence, l'indication du mode de calcul des redressements envisagés ressort suffisamment des précisions sur les assiettes et les montants année par année ainsi que les taux de cotisation appliqués. La lettre d’observations n’est cependant pas tenue de comporter tous les détails du calcul du redressement envisagé.

Or, ici, le Tribunal relève que :

« Force est de constater (…) que la lettre d’observations ne mentionne, ni les assiettes ni le mode de calcul du redressement – seules les sommes globales retenues à l’encontre du débiteur principal au titre des cotisations et contributions éludées, des majorations de redressement et d’annulation des réductions ou exonérations sur la période de janvier 2015 à février 2019, sans aucune ventilation, et le chiffrage des cotisations éludées et de majorations de redressement mises à la charge du garant solidaire concernant le seul mois de février 2019, étant indiqués » (TJ Saint-Denis de la Réunion, 21 août 2024, n° 23/00024).

Par suite, le Tribunal de Saint-Denis de la Réunion annule la lettre d’observations, ce qui entraine automatiquement la nullité du redressement.

D’ailleurs, dans un autre jugement du même jour, le même Tribunal a également jugé (cette fois à propos de la mise en demeure de la CGSS) que « la mise en demeure litigieuse ne comporte comme seule indication quant à la nature des cotisations recouvrées « cotisations et contributions sociales personnelles obligatoires » et ne détaille pas la nature des cotisations réclamées. Les mentions portées sur l’appel provisoire de cotisations 2023 ne peuvent pallier cette carence. Madame [T] [W] n’était donc pas à même de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation. » (TJ Saint-Denis de la Réunion, 21 aout 2024, n° 23/00950).

Ainsi, on ne cessera de le répéter, c’est avant tout la forme et la procédure qui permettent d’obtenir l’annulation d’un redressement.

 

Nicolas Taquet

Avocat au Barreau de Pau