Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 décembre 2021




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 883 F-D

Pourvoi n° G 20-22.834




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2021

Le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3], dont le siège est [Adresse 1], représenté par son syndic, la société Cogerens, société à responsabilité limitée dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 20-22.834 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2020 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant à la société Engie énergie service, venant aux droits de GDF Suez énergie services cofely, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jariel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Engie énergie service, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jariel, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 15 septembre 2020), se plaignant de la contamination par la légionelle du système d'alimentation des installations d'eau chaude sanitaire de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] (le syndicat) a, après expertise, assigné la société Engie énergie services, venant aux droits de la société GDF SUEZ énergie services - Cofely, laquelle était venue aux droits de la société Cofatech services, en charge de la maintenance de ces installations, en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

2. Le syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées à l'encontre de la société Engie énergie services, alors « que, subsidiairement, si, en raison d'une interruption de prescription, aucun délai n'a commencé à courir, la suspension qui lui succède provoque uniquement un report du point de départ de la prescription sans déduction d'aucun laps de temps ; qu'en l'espèce, l'arrêt infirmatif attaqué a constaté que la prescription quinquennale débutant le 7 septembre 2007 avait été interrompue entre les 18 septembre et 8 octobre 2008, puis suspendue entre les 8 octobre 2008 et 21 août 2012 ; qu'en déclarant prescrite l'action du syndicat à la date du 9 août 2016, ajoutant ainsi aux 1436 jours échus entre le 21 août 2012 et l'assignation [en référé] du 27 juillet 2016, les 377 jours écoulés entre le 7 septembre 2007 et le 18 septembre 2008, avant la première interruption de prescription, quand ceux-ci ne pouvaient être comptabilisés de sorte que la prescription expirait le 20 août 2017 à vingt-quatre heures et laissait place à une régularisation le 14 octobre 2016, la cour d'appel a violé les articles 2230, 2231 et 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2231 et 2241 du code civil :

3. Aux termes du premier de ces textes, l'interruption efface le délai de prescription acquis, et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.

4. Selon le second, la demande en justice interrompt le délai de prescription.
5. Pour déclarer prescrite l'action du syndicat, l'arrêt constate qu'entre le 7 septembre 2007, date à laquelle le syndicat a connu les faits lui permettant d'exercer une action en responsabilité contractuelle, et le 18 septembre 2008, date de l'assignation en référé-expertise, 377 jours s'étaient écoulés.

6. Il ajoute qu'entre le 21 août 2012, soit six mois après le dépôt du rapport d'expertise, et le 27 juillet 2016, date de l'assignation, 1436 jours s'étaient écoulés.

7. Retenant que 4 ans, 11 mois et 18 jours s'étaient ainsi écoulés, il en déduit que l'action était prescrite depuis le 9 août 2016, et que l'autorisation donnée au syndic pour agir en justice le 14 octobre 2016 l'avait été postérieurement à cette date.

8. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription acquis antérieurement à l'assignation en référé, qui avait été effacé, ne pouvait être ajouté aux jours écoulés postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Engie énergie services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Engie énergie services et la condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3].

Le demandeur au pourvoi (le syndicat des copropriétaires [Adresse 3], l'exposant) reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes formulées à l'encontre de son prestataire (la société Engie Energie Services) et d'avoir, en conséquence, prononcé la mise hors de cause de celui-ci ;

ALORS QU'une assignation en justice atteinte d'une irrégularité de procédure, de forme ou de fond, interrompt tout délai de prescription comme de forclusion pendant la durée de l'instance ; qu'en l'espèce, l'arrêt infirmatif attaqué a relevé que, le 8 octobre 2013, la copropriété avait fait assigner son prestataire en responsabilité contr actuelle ; qu'en omettant de tenir compte de cette interruption de la prescription qui avait fait courir un nouveau délai de cinq ans à compter du jugement du 14 mars 2016, lequel avait définitivement décidé qu'était irrecevable la demande de la copropriété pour la raison que le syndic n'avait pas été régulièrement habilité, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;

ALORS QUE, en toute hypothèse, pour déclarer irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires, l'arrêt infirmatif attaqué a constaté que, le 27 juillet 2016, son syndic avait fait délivrer une assignation dans le délai de prescription quinquennale sans y avoir été habilité et qu'il n'y avait été autorisé qu'une fois la prescription expirée de sorte qu'aucune régularisation ne pouvait plus intervenir ; qu'en se prononçant de la sorte quand le défaut de pouvoir du représentant du syndicat des copropriétaires constitue une irrégularité de procédure non susceptible de priver l'assignation de ses effets quant à l'interruption de prescription, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil et 117 et suivants du code de procédure civile ;

ALORS QUE, subsidiairement, si, en raison d'une interruption de prescription, aucun délai n'a commencé à courir, la suspension qui lui succède provoque uniquement un report du point de départ de la prescription sans déduction d'aucun laps de temps ; qu'en l'espèce, l'arrêt infirmatif attaqué a constaté que la prescription quinquennale débutant le 7 septembre 2007 avait été interrompue entre les 18 septembre et 8 octobre 2008, puis suspendue entre les 8 octobre 2008 et 21 août 2012 ; qu'en déclarant prescrite l'action du syndicat à la date du 9 août 2016, ajoutant ainsi aux 1436 jours échus entre le 21 août 2012 et l'assignation en référé du 27 juillet 2016, les 377 jours écoulés entre le 7 septembre 2007 et le 18 septembre 2008, avant la première interruption de prescription, quand ceux-ci ne pouvaient être comptabilisés, de sorte que la prescription expirait le 20 août 2017 à vingt-quatre heures et laissait place à une régularisation le 14 octobre 2016, la cour d'appel a violé les articles 2230, 2231 et 2241 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2021:C300883