Le juge ne peut refuser d'évaluer une créance dont il constate l'existence dans son principe

 

 

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mai 2022




Cassation partielle


Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 375 F-D

Pourvoi n° Q 20-21.299


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

M. [I] [C], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-21.299 contre l'arrêt n° RG : 18/03940 rendu le 26 mai 2020 par la cour d'appel de Pau (2e chambre civile, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Clinique [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Ekip', société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Clinique [4],

défenderesses à la cassation.

La société clinique [4] et la société Ekip', ès qualités, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [C], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Clinique [4] et de la société Ekip', ès qualités, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, M. Mornet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 26 mai 2020), le 13 août 2008, M. [C], chirurgien général, urologue et gynécologue, a conclu avec la société Clinique [4] (la clinique), un contrat d'exercice professionnel libéral à effet au 21 juillet 2008 pour une durée indéterminée.

2. Le 15 juin 2016, M. [C] a notifié à la clinique qu'il prenait acte de la rupture de son contrat d'exercice professionnel.

3. Le 22 juin 2016, la liquidation judiciaire de la clinique a été prononcée, la société Legrand, devenue la société Ekip', étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire (le liquidateur judiciaire).

4. Le 22 août 2016, M. [C], a déclaré au passif de la liquidation judiciaire, une créance à titre privilégié d'un montant de 511 503 euros en application d'une clause contractuelle prévoyant le paiement par la clinique d'une indemnité en cas de rupture abusive du contrat.

5. Le 19 juillet 2017, M. [C] a assigné le liquidateur judiciaire ès qualités et la clinique en constatation de la résiliation de son contrat aux torts de celle-ci et en admission de sa créance à hauteur de la somme réclamée.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal,

Enoncé du moyen

7. M. [C] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'application de la clause indemnitaire contractuelle, alors « que le juge ne peut refuser de statuer, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en retenant que le Docteur [C] ne justifiait pas du montant de sa créance indemnitaire, dont elle constatait pourtant l'existence en son principe, pour le débouter de sa demande d'indemnisation, la cour d'appel, qui devait fixer le montant de cette créance, a violé les articles 4 et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code civil :

8. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser d'évaluer une créance dont il constate l'existence dans son principe.

9. Pour rejeter la demande de M. [C] tendant à l'application de la clause indemnitaire contractuelle, après avoir retenu que la clinique avait rompu abusivement les relations contractuelles et que le contrat prévoyait une indemnité pour rupture abusive devant être calculée à partir de la moyenne annuelle, calculée sur trois années, des honoraires de l'assurance maladie, l'arrêt retient que la seule attestation d'un expert-comptable n'établit pas les honoraires perçus conformément au contrat.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes relatives à l'indemnité de rupture, l'arrêt rendu le 26 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Clinique [4] et la société Ekip', en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Clinique [4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;