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Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du jeudi 12 décembre 2013

N° de pourvoi: 12-28.366

Non publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., imputant à M. et Mme Y... occupants de l'appartement situé au dessus du sien, d'être à l'origine de nuisances sonores constitutives de troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage, les a assignés, après expertise ordonnée en référé, en vue de leur condamnation à réaliser les travaux préconisés par l'expert ainsi qu'à lui payer certaines sommes en réparation des différents préjudices en relation de causalité avec ces nuisances ; que M. et Mme Y... ont, de leur côté, assigné Mme X... en demandant sa condamnation à payer les travaux préconisés par l'expert, ainsi qu' à leur verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; que les deux instances ont été jointes ;

Attendu que le premier moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen :

Vu le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage ;

Attendu que pour condamner M. et Mme Y... à réaliser à leurs frais les travaux préconisés par l'expert judiciaire et les condamner à payer à Mme X... une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt énonce que la constatation objective d'un trouble, pourvu qu'il présente une certaine permanence ou un caractère répétitif, suffit à entraîner la responsabilité et à justifier la demande de réparation ; qu'il résulte du rapport d'expertise que la valeur des bruits mesurés entre les cuisines et dans le hall était très élevée, supérieure de 7 décibels à la limite imposée par la réglementation de 1999 et que, tout en restant relativement modérés en valeur absolue, ils montraient une émergence d'une dizaine de

décibels par rapport au bruit résiduel, fenêtres fermées, et étaient donc parfaitement audibles ; que l'expert précisait que l'émergence des bruits produits par l'activité familiale courante à l'étage supérieur était importante ;

Qu'en statuant ainsi sans rechercher si la gêne subie excédait les inconvénients normaux de voisinage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme Y... de leur demande reconventionnelle, l'arrêt rendu le 2 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils pour M. et Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné les époux Y... à payer à réaliser à leurs frais les travaux préconisés par l'expert judiciaire et de les avoir en outre condamné à payer à Mme X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-et-intérêts et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE, pour l'exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties, la cour d'appel s'en rapportait à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées et régulièrement communiquées (arrêt, page 4, 3ème alinéa) ;

ALORS QUE l'arrêt attaqué vise uniquement les conclusions des époux Y... en date du 13 septembre 2011 (arrêt, page 3) ; que pourtant, les époux Y... avaient fait déposer et communiquer régulièrement, le 9 août 2012, des conclusions récapitulatives, avec une pièce complémentaire, pour répondre aux dernières conclusions de Mme X..., déposées le 2 août 2012 ; que la cour d'appel a donc violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué, infirmatif sur ce point D'AVOIR condamné les époux Y... à payer à réaliser à leurs frais les travaux préconisés par l'expert judiciaire et de les avoir en outre condamné à payer à Mme X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-et-intérêts et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

AUX MOTIFS QU'il était de principe que nul ne devait causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; que l'action en réparation supposait que soit démontrée l'anormalité du trouble allégué, indépendamment de toute faute ou infraction ; que la constatation objective d'un trouble, pourvu qu'il présente une certaine permanence ou un caractère répétitif, suffisait à entraîner la responsabilité et en justifier la demande de réparation ; que, en l'occurrence, il résultait du rapport d'expertise que la valeur des bruits mesurés entre les cuisines et dans le hall était très élevée, supérieure de 7 décibels à la limite imposée par la réglementation de 1999 et que, tout en restant relativement modérés en valeur absolue, ils montraient une émergence d'une dizaine de décibels par rapport au bruit résiduel, fenêtres fermées, et étaient donc parfaitement audibles ; que l'expert précisait que l'émergence des bruits produits par l'activité familiale courante à l'étage supérieur était importante ; qu'il préconisait divers travaux ; que les époux Y... offraient d'exécuter ces travaux ; que Madame X... ne pouvait être, quant à elle, condamnée à effectuer les travaux préconisés par l'expert, les époux Y... ne se plaignant pas des nuisances sonores en provenance de chez elle ; qu'il y avait lieu de les condamner sans astreinte ; que le préjudice subi par Madame X..., du fait de la nuisance sonore, serait réparé par le versement de la somme de 5 000 euros ;

ALORS QUE, contrairement à ce qu'a dit la cour d'appel, la seule constatation objective d'un trouble présentant une certaine permanence ou un caractère répétitif, ne suffit pas à caractériser le trouble anormal de voisinage ; que la réparation du trouble suppose qu'il dépasse les inconvénients normaux et habituels du voisinage, compte tenu de la situation concrète, et notamment de l'ancienneté de l'immeuble ; que la cour d'appel, ayant constaté l'absence de toute faute des époux Y... et donc l'absence d'infraction à une quelconque norme légale ou règlementaire, ne pouvait les condamner pour troubles de voisinage, en énonçant simplement que le bruit provenant de l'activité normale de leur famille, quoique modéré en valeur absolue, était audible et pouvait constituer une gêne et en faisant allusion à une réglementation postérieure à l'édification de l'immeuble ; que la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

ET ALORS QUE la cour d'appel ne pouvait condamner les époux Y..., au titre du trouble de voisinage causé par le bruit, sans répondre au moyen pertinent développé dans leurs conclusions d'appel (page 6, § 4), selon lequel l'expert judiciaire avait constaté que le propre appartement de la demanderesse en réparation, Madame X..., avait subi des transformations qui expliquaient en grande partie sa perception des nuisances sonores dont elle se plaignait ; que la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.