Repris du Bulletin du Barreau de Paris :

http://www.lebulletin.fr/edito-article

To be or not to be ?

Nous pouvons aujourd'hui encore nous poser cette question. Son motif en serait le projet de voir se développer en Europe - et donc en France - des ABS. Cet acronyme n'est pas celui d'un frein ou d'un délit mais celui d'une structure d'exercice professionnel... l'Alternative Business Structure...en d'autres termes, une autre façon d'exercer notre métier.

Être ou ne pas être pour l'ABS ? Ce projet d'inspiration libérale anglo-saxonne, l'on s'en doutait, vise, in fine, à faire du droit sans obligation déontologique, ni même contrôle de compétence, au nom d'un douteux principe qui reviendrait à penser que tout le monde peut exercer n'importe quelle activité - droit, commerce, conseil en investissement... - n'importe comment, du moment que des clients sont prêts à le payer.

Être avocat n'est pas un privilège. C'est un choix d'excellence, de compétence et de déontologie. Celui du professionnel comme celui de son client. On ne peut pas à la fois lutter contre l'exercice illégal du droit, fléau qui porte atteinte à l'égalité des citoyens devant la justice, et accepter dans le même temps d'exercer notre profession dans une boutique multiservice où nul ne saura où se situent les frontières entre les métiers, ni comment se traitent les conflits d'intérêts.

Le barreau de Paris, comme les autres institutions représentatives de notre profession, s'élève fortement contre cette initiative. Nous sommes allés le dire à la Chancellerie et à Bruxelles. Nous espérons avoir été entendus.

Notre vigilance doit rester éveillée et nous devons approfondir notre réflexion quant aux évolutions des modes d'exercice de la profession d'avocat. Le droit est un instrument d'influence déterminant dans un contexte de concurrence économique qui ne recule devant aucun stratagème. Le droit continental est une place forte et un outil de rayonnement. Notre déontologie et nos modes d'exercice en sont les piliers.

Être ou ne pas être avocat ? La question ne se pose pas en ces termes, et il faut se préparer à répondre à une autre qui est « comment le rester? ».

Christiane Féral-Schuhl

Bâtonnier de Paris