Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », page 672.

Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du jeudi 30 mai 2013

N° de pourvoi: 12-21.706

Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 4 avril 2012), que la SCI RJLDF, propriétaire d'un terrain bâti dans un lotissement, a engagé une action en responsabilité contre M. X..., avocat qu'elle avait chargé de la défense de ses intérêts à l'occasion d'un litige l'ayant opposée à Mme Y..., propriétaire d'un lot voisin, qui, pour l'installation d'une piscine et en exécution d'un accord conclu avec le lotisseur, avait obtenu, par l'acquisition d'une partie d'un terrain contigu au sien, un déplacement de quelques mètres de la limite des lots concernés, reprochant à son conseil d'avoir formé un appel non motivé, partant irrecevable, à l'encontre d'une décision de la juridiction administrative du premier degré, laquelle avait jugé qu'en l'état, la réglementation en vigueur dans le lotissement autorisait expressément ce déplacement, sans qu'il y ait donc lieu de mettre en oeuvre la procédure prévue à l'article L. 315-3, ancien, du code de l'urbanisme, en cas de modification du règlement et du cahier des charges ;

Attendu que la société RJLDF reproche à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en considérant qu'elle n'avait été privée d'aucune chance sérieuse de voir la cour administrative d'appel de Lyon infirmer le jugement rendu par le tribunal administratif de Nice en date du 15 février 1996 dès lors que la clause « servitudes foncières générales » du règlement du lotissement du « Domaine de la Nartelle » aurait permis aux propriétaires de lots voisins de modifier librement la limite séparative de propriété et l'étendue de la zone de constructibilité de leur lot respectif sans avoir recours à la procédure de modification du règlement du lotissement décrite à l'article L. 315-3, devenu l'article L. 442-10, du code de l'urbanisme, en dépit de ce que la cour administrative d'appel, si elle avait été valablement saisie par M. X..., aurait nécessairement constaté que cette clause du règlement du lotissement ne faisait que prohiber la subdivision des lots et autoriser le déplacement des limites séparatives entre deux lots voisins, mais sans pour autant dispenser les propriétaires de fonds voisins, tels que Mme Y..., de recourir à la procédure de l'article L. 315-3 du code de l'urbanisme pour procéder à ce déplacement de la limite séparative, la cour d'appel a violé la clause du règlement du lotissement, l'article L. 315-3, devenu l'article L. 442-10, du code de l'urbanisme, ainsi que l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu'en considérant que la SCI RJLDF n'avait été privée d'aucune chance sérieuse de voir la cour administrative d'appel de Lyon infirmer le jugement rendu par le tribunal administratif de Nice en date du 15 février 1996 dès lors que la clause « servitudes foncières générales » du règlement du lotissement du « Domaine de la Nartelle » aurait permis aux propriétaires de lots voisins de modifier librement la limite séparative de propriété et l'étendue de la zone de constructibilité de leurs lots respectifs sans avoir recours à la procédure de modification du règlement du lotissement décrite à l'article L. 315-3, devenu l'article L. 442-10, du code de l'urbanisme, en dépit de ce que la cour administrative d'appel, si elle avait été valablement saisie par M. X..., aurait nécessairement retenu le caractère d'ordre public que la jurisprudence du Conseil d'Etat conférait à cette procédure empêchant ainsi les règlements de lotissement d'y déroger et Mme Y... de se prévaloir d'une prétendue dispense de recourir à la procédure litigieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 315-3, devenu l'article L. 442-10, du code de l'urbanisme, ainsi que l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'en considérant que la SCI RJLDF n'avait été privée d'aucune chance sérieuse de voir la cour administrative d'appel de Lyon infirmer le jugement rendu par le tribunal administratif de Nice en date du 15 février 1996 dès lors que les polygones de constructibilité des différents lots auraient suivi les évolutions des limites séparatives de propriété sans le recours nécessaire à la procédure de modification du règlement intérieur du lotissement de l'article L. 315-3 du code de l'urbanisme, en dépit de ce que la cour administrative d'appel, si elle avait été valablement saisie par M. X..., aurait nécessairement constaté qu'aucune clause du règlement du lotissement ne prévoyait que le déplacement ultérieur des limites séparatives de propriété affecterait de plein droit l'étendue de la zone de constructibilité respective des différents lots, de sorte que ces zones avaient été définitivement fixées lors de l'approbation préfectorale du règlement du lotissement et que toute modification ultérieure des zones de constructibilité nécessitait donc le recours à la procédure de l'article L. 315-3, devenu l'article L. 442-10, du code de l'urbanisme que n'avait pas sollicité Mme Y..., la cour d'appel a violé cette disposition, ainsi que l'article 1147 du code civil ;

4°/ que le créancier d'une obligation contractuelle est en droit d'obtenir réparation du préjudice direct, certain et personnel qui en découle sans égard à la légitimité du préjudice invoqué ; qu'en déboutant la SCI RJLDF de sa prétention indemnitaire tirée de la perte de chance, en raison de l'irrecevabilité de l'appel interjeté devant la cour administrative de Lyon, de pouvoir faire pression sur Mme Y... et de la conduire vers une transaction, en s'appuyant sur le prétendu caractère « illégitime du but poursuivi », la cour d'appel s'est prononcée par une considération inopérante, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

5°/ qu'en considérant que la perte de chance de pouvoir empêcher les actions parallèles de Mme Y..., en raison de l'irrecevabilité de l'appel interjeté par M. X... devant la cour administrative d'appel de Lyon dès lors que le préjudice invoqué par la SCI RJLDF consistant dans la condamnation par la cour d'appel d'Aix-en-Provence à réduire à 7 mètres la hauteur excessive de son propre immeuble, n'aurait eu aucun lien nécessaire avec le litige portant sur l'implantation de la piscine de Mme Y..., sans rechercher, comme elle y était dûment invitée par la SCI RJLDF, si un succès devant la cour d'administrative d'appel de Lyon n'aurait pas interdit à Mme Y... de prendre ses propres constructions, qui auraient été déclarées illégales par la cour administrative d'appel de Lyon, comme référence pour obtenir la destruction des constructions de la SCI RJLDF, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté que le tribunal administratif avait retenu, d'une part, que l'opération contestée constituait, non une subdivision, interdite, de lots, mais un simple déplacement, à caractère réduit, de leurs limites séparatives expressément autorisé par le règlement du lotissement, en sorte que l'article L. 315-3 du code de l'urbanisme relatif à la procédure à suivre en cas de modification du règlement et du cahier des charges n'était pas applicable en l'espèce et, d'autre part, que l'installation litigieuse était conforme aux dispositions de ce règlement imposant une marge de recul décomptée à partir des limites séparatives et non par la délimitation d'un polygone d'implantation prédéterminé figurant sur le plan de lotissement ; qu'elle n'a pu qu'en déduire qu'était inexistante la chance d'obtenir en appel l'infirmation d'un jugement rigoureusement conforme aux règles d'urbanisme applicables telles qu'interprétées par la jurisprudence ; qu'ensuite, ayant à bon droit énoncé que l'avocat a pour devoir de déconseiller l'exercice d'une voie de droit vouée à l'échec ou, à plus forte raison, abusive, et qu'il n'eût pas été légitime de former un appel dans le seul but de faire pression sur l'adversaire afin d'obtenir des concessions de sa part dans un litige sans lien avec la présente affaire, elle en a exactement déduit que le préjudice invoqué à ce titre n'était pas indemnisable ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société RJLDF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société RJLDF et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;