Aux termes des dispositions de l’article 38 de la loi “DALO” tel que promulgué en 2007 1 , un
propriétaire qui rapporte la preuve de l’occupation illicite de son domicile 2 , peut obtenir de la
préfecture un arrêté d’évacuation des occupants sans droits ni titres. Entre 2007 et 2020,
l’utilisation de cet article demeure marginale. Depuis la refonte de la loi par la loi dite
“Kasbarian-Bergé” 3 , l’utilisation de cette procédure a été étendue à tous les locaux à usage
d’habitation.
Dans les des Bouches du Rhône, 228 arrêtés d’évacuation forcée ont été demandés à la
préfecture qui en a accordé 209 et 208 ont été exécutés. Pour un taux effectué de 92%. Seul
un arrêté d’évacuation a été suspendu en référé suspension à Marseille 4
Pour l’heure, seule une infime partie des 228 arrêtés de 2024 a été contestée 5 pour un total
inférieur à 5%. Il ne nous appartient pas de réaliser une analyse des raisons qui poussent les
personnes évacuées de leur domicile à ne pas faire de recours.
Sur l’urgence
Le référé suspension est privilégié en demande. L’article 38 prévoit in extenso, une
suspension de l’arrêté durant la procédure. Il est préférable qu’une décision soit prise plus
tardivement que dans le cadre d’un référé-liberté pour que les occupants du logement aient le
temps de prendre leurs dispositions.
Le Tribunal administratif de Marseille se fonde sur le défaut d’urgence pour rejeter les
référés-suspension introduits à l’encontre des arrêtés d’évacuation. Il considère qu’il y a
défaut d’urgence pour suspendre une expulsion : Lorsqu’une mère avec 4 enfants à charge
dispose de 2 500 euros de revenu CAF 7 ou lorsque des mineurs isolés étrangers occupent un
lieu sans autre solution d’hébergement dans l’attente du recours sur reconnaissance de
minorité
Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision
Le fait qu’un bien soit vide ou inoccupé depuis de nombreuses années a pu être considéré
comme une absence de voie de fait par le juge administratif. D’autres suspensions sont
motivées sur l’absence de diagnostic préalable obligatoire ou son caractère baclé 9
Le juge administratif de Marseille a une appréciation souple. Il accepte en effet un diagnostic
social préalable réalisé dans un l’appartement d’en face, puis dans le bon appartement par voie téléphonique 10 , Ou bien lorsque les enquêteurs sociaux ont reculés car ils ne se sentaient
pas de réaliser un diagnostic social pour 14 « hommes » 11
A contrario, une décision du TA de Lyon a considéré que la préfecture ne démontrait pas les
« manœuvres, menaces voies de fait ou contrainte » 12
Des avancées légales en demi-teintes
Si la loi Kasbarian de 2023 avait pour ambition politique d’accélérer les évacuations forcées
et de mettre fin aux occupations illicites, cette ambition sera toujours rejetée aux calendes
grecques. Cette loi n’a eu pour effet que de continuer un glissement opéré au début des années
2000 avec l’introduction du référé-liberté, celui du basculement d’un contentieux judiciaire
vers le juge administratif. D’autant que les droits constitutionnellement garantis en l’absence
de moyens alloués au logement et à la justice sont des freins concrets à l’accélération de la
procédure et à la mise au pas des « squatteurs »
Toutes choses étant égales par ailleurs, la loi participant à l’enflure normative, n’aura servi
qu’à opérer un changement de juge dans un système dont la bicéphalie judiciaire n’a jamais
été justifiée.
1 Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007
2 « En cas d'introduction (…) à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte »
3 LOI n° 2023-668 du 27 juillet 2023
4 TAM 25 février 2025 N° 2501564
5 Les avocats de la cellule « logement » du syndicat des avocats indique avoir contesté 12 référés suspensions,
soit 5%.
6 Voir notamment François C. 2023. De gré et de force. Comment l’État expulse les pauvres. La Découverte.
7 TAM Ordo, n° 2406143 du 4 juillet 2024
8 TAM 5 juillet 2024 N° 2406055
9 TA, Lyon, Jugement nº 2500962 du 12 février 2025
TA, Caen, Jugement nº 2402829 du 29 octobre 2024
TA de Lyon, Ordo du 5 mai 2025 N° 2504873
Compétences : Droit pénal, Droit international et de l'Union européenne, Droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine, Droit des étrangers et de la nationalité, Droit du travail, Procédure civile
Barreau : Marseille
Adresse : 50 rue de Rome 13001 MARSEILLE
L'article orginel a été écrit à plusieurs mains et faisait le double du présent.
Bonne lecture