Les modes de travail ont beaucoup évolué ces dernières années avec la digitalisation des entreprises et les moyens de communication toujours plus performants, permettant dans certaines fonctions, de travailler aussi bien à distance qu’au bureau. Cette situation a été accentuée avec la crise sanitaire. 

Le télétravail est désormais au cœur de la relation de travail et des négocations sur les conditions d’exécution du contrat de travail. Pour certains salariés (développeurs, créateurs de jeux vidéos, fonctions comptables, administratives, ressources humaines, etc), la question se pose de pouvoir télétravailler ponctuellement, mais aussi habituellement depuis leur domicile, depuis leur résidence secondaire, mais aussi depuis l’étranger.

L'idée étant de travailler autrement, en conciliant plus facilement obligations professionnelles et vie privée. Le projet peut aussi venir de l'envie de saisir des opportunités professionnelles avec des entreprises étrangères tout en restant télétravailler en France, ou pour des entreprises françaises depuis l'étranger. 

Télétravailler ponctuellement depuis l’étranger n’exige aucune formalité particulière, si ce n’est l’accord de l’employeur. La législation a pris un train de retard sur l’évolution des modes de travail, puisqu’il existe un vide juridique sur le sujet, alors même que cette situation n’est pourtant plus exceptionnelle. En effet, nombreux sont les salariés qui négocient auprès de leur employeur une semaine ou deux de télétravail depuis leur lieu de vacances, y compris depuis l’étranger. Lorsque la situation est ponctuelle, il n’est pas obligatoire d’affilier le salarié concerné au régime de sécurité sociale de l’Etat où s’exerce le télétravail. 

Télétravailler habituellement depuis l’étranger pose en revanche de nombreuses des difficultés juridiques que l’employeur et le salarié devront anticiper et résoudre afin de sécuriser la relation de travail. 

Quels enjeux pour le télétravail habituel depuis l’étranger ? 

  • Quelle législation sociale applicable ? 

Y compris en situation de télétravail, le salarié peut être confronté à différents risques : accident ou maladie d’origine professionnelle ou non professionnelle, maternité, paternité, décès. 

En situation de télétravail habituel depuis l’étranger, il est très important de déterminer et de connaître le régime de sécurité sociale applicable, qui fixera les règles d’indemnisation du risque rencontré. La solution retenue est parfois coûteuse pour l’employeur qui devra s’immatriculer aux organismes de sécurité sociale du lieu de télétravail du salarié, ce qui peut générer des réticences sur le projet envisagé. 

Au sein de l’Union européenne, tout salarié qui exerce son activité sur le territoire d’un Etat membre ou qui exerce dans l’Etat de résidence au moins 25% de son temps de travail est soumis exclusivement à la législation sociale de cet Etat. Autrement dit, un salarié d’une entreprise allemande qui exerce habituellement en France doit en principe être affilié à la sécurité sociale française, sauf mise en œuvre d’un détachement, qui permette, sous certaines conditions, de conserver la législation sociale du pays d’origine. 

Hors Union européenne, il existe des conventions bilatérales entre pays qui fixent les règles de sécurité sociale applicables entre celles du pays d’origine et celles du pays du travail à l’étranger. Par exemple, pour un salarié d’une firme américaine (Etats-Unis) qui télétravaillerait habituellement depuis la France, il faudra se référer à la Convention bilatérale de sécurité sociale du 2 mars 1987 entre ces deux pays. 

  • Quelle loi pour le contrat de travail ?

L’employeur et le salarié qui s’accordent sur du télétravail habituel depuis l’étranger sont libres de choisir la législation de droit du travail applicable à ce contrat transnational. A défaut de choix, la loi applicable sera celle du pays où le salarié accomplit habituellement son travail. Ainsi, le salarié d’une entreprise espagnole embauché en télétravail habituel en France est soumis à la législation du travail française, sauf accord différent des parties, qui peut notamment prévoir l’application de loi espagnole. 

Il peut s’agir d’un point de négociation important à la signature du contrat de travail. 

Si les parties choisissent d’appliquer la législation du travail étrangère, mais que le contrat s’exécute habituellement en télétravail depuis la France, il faut toutefois savoir que les lois de travail qui constituent le « noyau dur » du droit du travail français devront impérativement s’appliquer, à savoir : 

- Les règles de rupture des contrats à durée déterminée

- La rémunération minimale 

- Les règles impératives en matière de repos et de durée du travail

- L’application de la Convention collective de branche

- La période d’essai, qui doit avoir une durée raisonnable

- Le droit de grève

- La protection contre le licenciement, et plus particulièrement l’exigence d’un entretien préalable au licenciement

- L’application d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cas de licenciement économique collectif (10 salariés minimum sur une période de 30 jours). 

Ces règles impératives étant nombreuses, sauf conformité entre les deux législations, on comprend bien qu’il est relativement difficile de mettre en œuvre une loi différente du lieu d’exécution quand le télétravail s’exerce habituellement depuis la France.