Responsabilité de l'expert judiciaire - conditions
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 19-26.167
- ECLI:FR:CCASS:2021:C200715
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 08 juillet 2021
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 29 octobre 2019
Président
M. Pireyre (président)
Avocat(s)
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Boulloche
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juillet 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 715 F-D
Pourvoi n° K 19-26.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021
1°/ M. [F] [J],
2°/ Mme [N] [C], épouse [J],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° K 19-26.167 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à M. [C] [O], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Boulloche, avocat de M. [O], et après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 octobre 2019), et les productions, à l'occasion de travaux de démolition et d'extension entrepris sur le fonds voisin de celui de leur maison d'habitation, M. et Mme [J] ont obtenu, en référé, l'instauration d'une mesure d'expertise afin de prévenir les désordres pouvant en résulter et d'évaluer les nuisances qu'ils subissaient.
2. M. [O], commis en remplacement de l'expert initialement désigné, qui a tenu une première réunion d'expertise le 16 juin 2006, alors que les travaux de gros oeuvre étaient déjà réalisés sur le fonds voisin, a déposé son rapport définitif le 22 mai 2015.
3. Se plaignant des conséquences dommageables résultant de plusieurs fautes qu'ils imputaient à M. [O], M. et Mme [J] l'ont assigné en responsabilité et indemnisation le 19 janvier 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de dire, sur la tromperie résultant de la fausse qualité d'expert, qu'aucune faute n'était établie à l'encontre de M. [O] à cet égard alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en recherchant exclusivement si le retrait de M. [O] de la liste des experts près la cour d'appel de Versailles pouvait établir un comportement fautif, quand, pour démontrer que l'expert n'avait pas les compétences nécessaires, les époux [J] n'invoquaient pas les causes de son retrait mais l'absence d'inscription sur cette liste entre 2006 et 2008 puis à nouveau à compter de 2009, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la cour
5. Pour débouter M. et Mme [J] de leur demande de condamnation de M. [O] à leur verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour tromperie sur la fausse qualité d'expert, l'arrêt, après avoir analysé les conditions de sa désignation pour accomplir cette mission d'expertise, retient qu'elle n'était pas irrégulière et qu'à supposer qu'une erreur ait été commise dans cette désignation, elle ne lui était pas imputable à faute.
6. La cour ne s'étant ainsi pas bornée à rechercher exclusivement si le retrait de M. [O] de la liste des experts était de nature à établir un comportement fautif, le moyen, qui manque en fait, n'est pas fondé.
Sur le second moyen
M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir condamner M. [O] à leur verser la somme de 39 733 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des divers préjudices subis, et celle de 4 972,41 euros à titre de remboursement des provisions d'expertise alors :
« 1°/ que les juges doivent motiver leur décision ; que l'ordonnance du 23 mars 2006 accueillant la demande d'expertise a notamment décidé que l'expert devrait donner son avis sur « toutes difficultés consécutives à l'existence de servitudes, d'emprises, de mitoyenneté ou encore sur les éventuels troubles de voisinage actuels ou prévisibles causés par les travaux » ; que les époux [J] reprochaient entre autres à M. [O] de n'avoir « à aucun moment, fourni aucun élément d'ordre cadastral alors qu'il avait tout loisir de s'adjoindre les services d'un géomètre expert » ; qu'en rejetant les demandes de réparation des époux [J] sans répondre à ces conclusions de nature à caractériser une faute de l'expert pour ne pas avoir accompli la mission qui lui était confiée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que, pour considérer que les désordres tenant à l'humidité constatée sur le mur des époux [J] n'étaient pas imputables à M. [O], la cour d'appel a relevé que le constat réalisé par un expert privé le 7 avril 2006 n'était pas produit aux débats ; qu'en se prononçant ainsi, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ce constat qui figurait sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions des époux [J], dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge ne doit pas dénaturer les écrits sur lesquels il se fonde ; qu'en retenant que le constat d'un expert privé du 7 avril 2006 n'aurait pas été produit aux débats au prétexte que la pièce n° 33 aurait correspondu à une lettre adressée par le conseil des époux [J] à M. [O] le 26 juin 2006, quand il résultait clairement et précisément du bordereau de communication de pièces que le constat d'un expert privé du 7 avril 2006 était produit sous le numéro 33 et que la lettre du 26 juin 2006 était produite sous le numéro 30, la cour d'appel a violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
7. Pour débouter M. et Mme [J] de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice résultant des dommages occasionnés à leur immeuble, des nuisances générées par les travaux effectués sur le fonds voisin et des souffrances qu'ils ont ressenties devant l'inertie de M. [O], l'arrêt, après avoir constaté qu'aucun élément du dossier ne démontre que des mesures de sauvegarde étaient nécessaires et qu'il résulte d'un constat d'huissier réalisé avant les travaux la présence, sur le mur pignon de leur habitation, de trous de fixation et de micro-fissurations, retient que le seul constat d'huissier du 6 mai 2013, qui relève l'existence de désordres affectant l'intérieur de leur immeuble, dont il est inconcevable qu'il puisse être confirmé par les constatations antérieures effectuées le 7 avril 2006 par un expert privé, ne fait pas la preuve de leur imputabilité aux travaux réalisés par leurs voisins.
8. En l'état de ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a pu décider, par ces seuls motifs et abstraction faite des motifs surabondants, justement critiqués par la deuxième et la troisième branches du moyen, tenant à l'absence de production de la pièce n° 33 du bordereau de communication dont elle avait retenu, après l'avoir dénaturé, qu'elle était sans rapport avec le constat du 7 avril 2006, que M. et Mme [J] ne rapportaient pas la preuve que le retard mis par M. [O] à déposer son rapport était à l'origine du préjudice dont ils se plaignaient.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [J] et les condamne à payer à M. [O] la somme globale de 3 000 euros ;
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 juillet 2021
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 715 F-D
Pourvoi n° K 19-26.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021
1°/ M. [F] [J],
2°/ Mme [N] [C], épouse [J],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° K 19-26.167 contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2019 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant à M. [C] [O], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Boulloche, avocat de M. [O], et après débats en l'audience publique du 2 juin 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 octobre 2019), et les productions, à l'occasion de travaux de démolition et d'extension entrepris sur le fonds voisin de celui de leur maison d'habitation, M. et Mme [J] ont obtenu, en référé, l'instauration d'une mesure d'expertise afin de prévenir les désordres pouvant en résulter et d'évaluer les nuisances qu'ils subissaient.
2. M. [O], commis en remplacement de l'expert initialement désigné, qui a tenu une première réunion d'expertise le 16 juin 2006, alors que les travaux de gros oeuvre étaient déjà réalisés sur le fonds voisin, a déposé son rapport définitif le 22 mai 2015.
3. Se plaignant des conséquences dommageables résultant de plusieurs fautes qu'ils imputaient à M. [O], M. et Mme [J] l'ont assigné en responsabilité et indemnisation le 19 janvier 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de dire, sur la tromperie résultant de la fausse qualité d'expert, qu'aucune faute n'était établie à l'encontre de M. [O] à cet égard alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en recherchant exclusivement si le retrait de M. [O] de la liste des experts près la cour d'appel de Versailles pouvait établir un comportement fautif, quand, pour démontrer que l'expert n'avait pas les compétences nécessaires, les époux [J] n'invoquaient pas les causes de son retrait mais l'absence d'inscription sur cette liste entre 2006 et 2008 puis à nouveau à compter de 2009, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la cour
5. Pour débouter M. et Mme [J] de leur demande de condamnation de M. [O] à leur verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour tromperie sur la fausse qualité d'expert, l'arrêt, après avoir analysé les conditions de sa désignation pour accomplir cette mission d'expertise, retient qu'elle n'était pas irrégulière et qu'à supposer qu'une erreur ait été commise dans cette désignation, elle ne lui était pas imputable à faute.
6. La cour ne s'étant ainsi pas bornée à rechercher exclusivement si le retrait de M. [O] de la liste des experts était de nature à établir un comportement fautif, le moyen, qui manque en fait, n'est pas fondé.
Sur le second moyen
M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir condamner M. [O] à leur verser la somme de 39 733 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des divers préjudices subis, et celle de 4 972,41 euros à titre de remboursement des provisions d'expertise alors :
« 1°/ que les juges doivent motiver leur décision ; que l'ordonnance du 23 mars 2006 accueillant la demande d'expertise a notamment décidé que l'expert devrait donner son avis sur « toutes difficultés consécutives à l'existence de servitudes, d'emprises, de mitoyenneté ou encore sur les éventuels troubles de voisinage actuels ou prévisibles causés par les travaux » ; que les époux [J] reprochaient entre autres à M. [O] de n'avoir « à aucun moment, fourni aucun élément d'ordre cadastral alors qu'il avait tout loisir de s'adjoindre les services d'un géomètre expert » ; qu'en rejetant les demandes de réparation des époux [J] sans répondre à ces conclusions de nature à caractériser une faute de l'expert pour ne pas avoir accompli la mission qui lui était confiée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que, pour considérer que les désordres tenant à l'humidité constatée sur le mur des époux [J] n'étaient pas imputables à M. [O], la cour d'appel a relevé que le constat réalisé par un expert privé le 7 avril 2006 n'était pas produit aux débats ; qu'en se prononçant ainsi, sans avoir invité préalablement les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier de ce constat qui figurait sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions des époux [J], dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge ne doit pas dénaturer les écrits sur lesquels il se fonde ; qu'en retenant que le constat d'un expert privé du 7 avril 2006 n'aurait pas été produit aux débats au prétexte que la pièce n° 33 aurait correspondu à une lettre adressée par le conseil des époux [J] à M. [O] le 26 juin 2006, quand il résultait clairement et précisément du bordereau de communication de pièces que le constat d'un expert privé du 7 avril 2006 était produit sous le numéro 33 et que la lettre du 26 juin 2006 était produite sous le numéro 30, la cour d'appel a violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
7. Pour débouter M. et Mme [J] de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice résultant des dommages occasionnés à leur immeuble, des nuisances générées par les travaux effectués sur le fonds voisin et des souffrances qu'ils ont ressenties devant l'inertie de M. [O], l'arrêt, après avoir constaté qu'aucun élément du dossier ne démontre que des mesures de sauvegarde étaient nécessaires et qu'il résulte d'un constat d'huissier réalisé avant les travaux la présence, sur le mur pignon de leur habitation, de trous de fixation et de micro-fissurations, retient que le seul constat d'huissier du 6 mai 2013, qui relève l'existence de désordres affectant l'intérieur de leur immeuble, dont il est inconcevable qu'il puisse être confirmé par les constatations antérieures effectuées le 7 avril 2006 par un expert privé, ne fait pas la preuve de leur imputabilité aux travaux réalisés par leurs voisins.
8. En l'état de ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a pu décider, par ces seuls motifs et abstraction faite des motifs surabondants, justement critiqués par la deuxième et la troisième branches du moyen, tenant à l'absence de production de la pièce n° 33 du bordereau de communication dont elle avait retenu, après l'avoir dénaturé, qu'elle était sans rapport avec le constat du 7 avril 2006, que M. et Mme [J] ne rapportaient pas la preuve que le retard mis par M. [O] à déposer son rapport était à l'origine du préjudice dont ils se plaignaient.
9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [J] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [J] et les condamne à payer à M. [O] la somme globale de 3 000 euros ;
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