Préliminaire de conciliation et fin de non-recevoir
Note M. Pernet, GP 2023 n°16, p. 19 - voir aussi cass. 22-10.679
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 21-19.620
- ECLI:FR:CCASS:2023:C100160
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 08 mars 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, du 02 juin 2021
Président
M. Chauvin
Avocat(s)
SCP Waquet, Farge et Hazan
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 mars 2023
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 160 FS-B
Pourvoi n° K 21-19.620
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 MARS 2023
Mme [T] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-19.620 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2021 par la cour d'appel de Toulouse (6e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [U] [E], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [D], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 juin 2021), le 30 décembre 2019, à l'issue de la dissolution de la SCP d'avocats [E]-[D]-Xuereb (la SCP), au sein de laquelle elle était associée, Mme [D] a saisi le bâtonnier du barreau de Toulouse d'un litige l'opposant à une autre associée, Mme [E], et relatif à la régularisation des comptes et la prise en charge de certains frais de la SCP.
2. Le 23 juillet 2020, en l'absence de décision rendue par le bâtonnier dans le délai de quatre mois, Mme [D] a saisi la cour d'appel sur le fondement des articles 179-5 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
3. Par décision du 4 octobre 2020, le bâtonnier, ayant poursuivi parallèlement la procédure d'arbitrage, a écarté la fin de non-recevoir invoquée et tirée de l'absence de tentative de conciliation préalable soulevée par Mme [E], rejeté les demandes formées par Mme [D] et condamné celle-ci à payer à Mme [E] une certaine somme au titre d'un compte-courant créditeur. Mme [D] a interjeté appel de cette décision.
4. La cour d'appel a ordonné la jonction des deux instances.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [D] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa requête aux fins d'arbitrage du 30 décembre 2019, d'annuler, en conséquence, la décision du bâtonnier du 14 octobre 2020, de dire qu'il n'y a pas lieu de statuer au fond et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors « que les articles 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 179-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui prévoient l'arbitrage du bâtonnier pour les différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel en l'absence de conciliation, n'instaurent pas, à défaut de conditions particulières de mise en oeuvre, une procédure de conciliation obligatoire devant le bâtonnier préalablement à sa saisine aux fins d'arbitrage dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ; qu'en déclarant irrecevable la requête aux fins d'arbitrage adressé au bâtonnier par Mme [D] le 30 décembre 2019 à défaut d'une tentative de conciliation contradictoire devant le bâtonnier, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et les articles 142, 179-1 et 179-4 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
6. Selon le premier de ces textes, le bâtonnier prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau ; tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits.
7. Selon le troisième, en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties.
8. Selon le deuxième, rendu applicable par le quatrième, l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.
9. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.
10. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 30 décembre 2019 par Mme [D] et annuler la décision du bâtonnier, l'arrêt retient que la conciliation s'est inscrite dans le cours de la procédure d'arbitrage, que la procédure de conciliation est un nécessaire préalable à l'engagement de l'action aux fins d'arbitrage auprès du bâtonnier et que la tentative de conciliation, mise en place par le bâtonnier postérieurement à sa saisine, ne saurait ni constituer la tentative de conciliation préalable exigée par les textes, ni pallier l'irrégularité qu'elle engendre, de sorte qu'est fondée la fin de non-recevoir soulevée par Mme [E].
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E] ;
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 8 mars 2023
Cassation
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 160 FS-B
Pourvoi n° K 21-19.620
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 8 MARS 2023
Mme [T] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 21-19.620 contre l'arrêt rendu le 2 juin 2021 par la cour d'appel de Toulouse (6e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [U] [E], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [D], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, MM. Jessel, Mornet, Chevalier, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mmes Le Gall, de Cabarrus, Feydeau-Thieffry, M. Serrier, conseillers référendaires, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 juin 2021), le 30 décembre 2019, à l'issue de la dissolution de la SCP d'avocats [E]-[D]-Xuereb (la SCP), au sein de laquelle elle était associée, Mme [D] a saisi le bâtonnier du barreau de Toulouse d'un litige l'opposant à une autre associée, Mme [E], et relatif à la régularisation des comptes et la prise en charge de certains frais de la SCP.
2. Le 23 juillet 2020, en l'absence de décision rendue par le bâtonnier dans le délai de quatre mois, Mme [D] a saisi la cour d'appel sur le fondement des articles 179-5 et 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.
3. Par décision du 4 octobre 2020, le bâtonnier, ayant poursuivi parallèlement la procédure d'arbitrage, a écarté la fin de non-recevoir invoquée et tirée de l'absence de tentative de conciliation préalable soulevée par Mme [E], rejeté les demandes formées par Mme [D] et condamné celle-ci à payer à Mme [E] une certaine somme au titre d'un compte-courant créditeur. Mme [D] a interjeté appel de cette décision.
4. La cour d'appel a ordonné la jonction des deux instances.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. Mme [D] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa requête aux fins d'arbitrage du 30 décembre 2019, d'annuler, en conséquence, la décision du bâtonnier du 14 octobre 2020, de dire qu'il n'y a pas lieu de statuer au fond et de rejeter sa demande de dommages et intérêts, alors « que les articles 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 179-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, qui prévoient l'arbitrage du bâtonnier pour les différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel en l'absence de conciliation, n'instaurent pas, à défaut de conditions particulières de mise en oeuvre, une procédure de conciliation obligatoire devant le bâtonnier préalablement à sa saisine aux fins d'arbitrage dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci ; qu'en déclarant irrecevable la requête aux fins d'arbitrage adressé au bâtonnier par Mme [D] le 30 décembre 2019 à défaut d'une tentative de conciliation contradictoire devant le bâtonnier, la cour d'appel a violé les dispositions précitées. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et les articles 142, 179-1 et 179-4 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :
6. Selon le premier de ces textes, le bâtonnier prévient ou concilie les différends d'ordre professionnel entre les membres du barreau ; tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits.
7. Selon le troisième, en cas de différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel les avocats intéressés sont inscrits est saisi par l'une ou l'autre des parties.
8. Selon le deuxième, rendu applicable par le quatrième, l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.
9. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non-recevoir.
10. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 30 décembre 2019 par Mme [D] et annuler la décision du bâtonnier, l'arrêt retient que la conciliation s'est inscrite dans le cours de la procédure d'arbitrage, que la procédure de conciliation est un nécessaire préalable à l'engagement de l'action aux fins d'arbitrage auprès du bâtonnier et que la tentative de conciliation, mise en place par le bâtonnier postérieurement à sa saisine, ne saurait ni constituer la tentative de conciliation préalable exigée par les textes, ni pallier l'irrégularité qu'elle engendre, de sorte qu'est fondée la fin de non-recevoir soulevée par Mme [E].
11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E] ;
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