Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 17 décembre 2013
N° de pourvoi: 12-23.253
Non publié au bulletin Cassation partielle
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, qui est recevable comme étant de pur droit :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant marché conclu le 21 janvier 2004 avec la société Snet pour la centrale thermique de Gardanne, la société Alstom Power environnement (la société Alstom) s'est vu confier divers travaux sur ce site, qu'elle a en partie sous-traités à la société ATCI, qui les a elle-même sous-traités à la société Soprovise ; qu'en exécution du contrat d'affacturage conclu le 27 juin 2007 avec la société ATCI, la société Natixis Factor (la société Natixis) a versé à cette dernière des sommes correspondant à l'intégralité des montants dus par la société Alstom au titre des travaux qu'elle avait sous-traités à la société ATCI ; que le 23 novembre 2007, cette dernière a conclu un accord de délégation de paiement avec la société Alstom pour un paiement direct au profit de la société Soprovise, son sous-traitant ; que le 28 novembre 2007, la société Natixis l'ayant informée qu'elle était propriétaire de l'ensemble des créances de la société ATCI, de sorte que la délégation de paiement ne pouvait s'exécuter, la société Alstom a procédé au paiement d'une somme de 374 922,14 euros à son profit ; que la société ATCI a été placée sous sauvegarde le 29 novembre 2007, puis en liquidation judiciaire le 7 février 2008 ; que le 30 janvier 2008, la société Soprovise a assigné en paiement d'une certaine somme la société Natixis, qui a appelé en garantie la société Alstom ;
Attendu que pour dire que la société Natixis ne rapporte pas la preuve d'une faute de la société Alstom et rejeter son appel en garantie, l'arrêt retient que dans les rapports de la société ATCI et de la société Soprovise, la première était considérée comme l'entrepreneur principal, que la société Alstom, qui n'est ni le maître de l'ouvrage ni l'entrepreneur principal à l'égard de la société Soprovise, n'avait pas à réclamer à la société ATCI l'obtention d'une caution dans ses rapports avec le sous-traitant de celle-ci et que seule la société ATCI, entrepreneur principal de la société Soprovise, devait respecter cette obligation légale ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait la société Natixis, cette obligation ne résultait pas du contrat conclu entre la société Snet et la société Alstom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la société Alstom Power systems de sa demande de rejet de pièces communiquées par la société Natixis Factor, l'arrêt rendu le 7 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Alstom Power systems aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Natixis Factor et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour la société Natixis Factor
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Natixis Factor de sa demande de condamnation de la société Alstom Power Systems à la garantir des condamnations prononcées au profit de la société Soprovise par le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 février 2010 ;
AUX MOTIFS QU' aux termes du contrat d'affacturage conclu le 27 juin 2007 entre la société ATCI et la société Natixis Factor, il est stipulé à l'article 8-1 que la société ATCI « autorise la société Natixis Factor à effectuer, à tout moment, un examen de tous documents comptables, à vérifier auprès des clients la réalité des créances qui auront été prises en charge et transmettre en ses lieu et place les originaux des factures » ; qu'en vertu de ce contrat, il appartenait à la société Natixis Factor de s'assurer auprès de la société ATCI ou directement auprès de la société Alstom Power Environnement de ce que les factures cédées correspondaient à des travaux effectués personnellement par la société ATCI ; qu'elle ne saurait arguer de ce que le compte d'exploitation de la société ATCI n'était pas encore établi pour se décharger de son obligation ; qu'en outre, alors qu'une délégation de paiement a été signée le 23 novembre 2007 entre la société Alstom Power Environnement et la société ATCI concernant des factures de la société Soprovise, la société Natixis Factor s'est manifestée dès le 28 novembre 2007 auprès de la société Alstom Power Environnement pour s'opposer à la mise en place de cette délégation de paiement, ce qui montre qu'elle avait connaissance de l'existence d'un sous-traitant, à tout le moins à cette date ;
que, dans les rapports de la société ATCI et de la société Soprovise, la société ATCI était considérée comme l'entrepreneur principal ; que la société Alstom Power Environnement qui n'est ni le maître de l'ouvrage ni l'entrepreneur principal à l'égard de la société Sopovise, n'avait pas à réclamer à la société ATCI l'obtention d'une caution dans ses rapports avec le sous-traitant de celle-ci ; que seule la société ATCI, entrepreneur principal de la société Sorpovise, devait respecter cette obligation légale ; que la société Natixis Factor ne rapporte donc pas la preuve d'une faute de la société Alstom Power Environnement et qu'elle doit être déboutée de son appel en garantie à l'encontre de la société Alstom Power Systems, venant aux droits de la société Alstom Power Environnement ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Natixis Factor entend être garantie de toute condamnation à son encontre par Alstom Environnement ; qu'elle le fait sur des fondements juridiques qu'elle excipe très tardivement puisqu'ils apparaissent dans ses écritures plus de 6 mois après son assignation initiale ; qu'au surplus, elle le fait au visa des articles 1382 et 1383 du code civil en soutenant qu'Alstom Environnement aurait engagé sa responsabilité délictuelle parce qu'elle aurait dû l'avertir de l'existence de sous-traitant afin de lui éviter de financer les factures qui lui ont été remises par son client ATCI ; que pour rappel les articles susvisés obligent l'auteur d'un dommage à le réparer ; qu'ainsi, il paraît difficile de suivre Natixis Factor dans sa démonstration ; qu'elle ne peut légitimement prétendre se décharger sur Alstom Environnement de ses propres obligations ; que c'est à elle qu'il appartenait de vérifier auprès d'Alstom Environnement le statut d'ATCI dans la chaîne des intervenants avant d'accepter de factoriser en totalité le poste client ; qu'elle n'indique pas avoir pris cette précaution alors même qu'elle a su se manifester quand il s'est agi de contrecarrer la mise en place d'une délégation de paiement direct entre Alstom Environnement et Soprovise et s'y opposer sans tarder au motif que les factures concernées lui appartenaient ; qu'en matière de responsabilité délictuelle la jurisprudence a dans certains cas considéré que la faute de celui qui prétend être victime d'un dommage peut aller jusqu'à exonérer partiellement ou totalement la responsabilité du prétendu auteur du dommage ; qu'en l'espèce, Natixis factor ne saurait rechercher la responsabilité d'Astom Environnement pour les violations qu'elle a elle-même commises ; qu'en conséquence, le tribunal déboutera Natixis Factor de sa demande en garantie ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en l'espèce, la société Natixis Factor faisait valoir que la société Alstom Power Environnement s'était engagée, dans le contrat par lequel la SNET lui avait confié la réalisation de travaux sur la centrale de Gardanne, à vérifier la solvabilité des sous-traitants, pour en déduire que la société Alstom avait engagé sa responsabilité à l'égard de l'affactureur en s'abstenant d'exiger de la société ATCI la justification de cautions pour les travaux sous-traités (conclusions signifiées le 28 mars 2012, p. 6 § 1) ; qu'en jugeant que la société Alstom Power Environnement n'avait pas à réclamer à la société ATCI l'obtention d'une caution dans ses rapports avec le sous-traitant de celle-ci, sans rechercher si une telle obligation ne résultait pas du contrat conclu avec la SNET, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la faute de la victime ne la prive de tout droit à indemnisation que lorsqu'elle constitue la cause exclusive du dommage ;
qu'en l'espèce, la société Natixis Factor faisait valoir qu'il ne pouvait lui être reproché une faute excluant toute indemnisation dans la mesure où, en l'absence de faute de la société Alstom Power Environnement, la société ATCI aurait obtenu les cautionnements imposés par la loi du 31 décembre 1975, de sorte que la société Soprovise n'aurait engagé aucune action à l'encontre du factor (conclusions signifiées le 28 mars 2012, p. 10 § 1 à 4) ;
qu'en jugeant, par motifs adoptés, que la faute reprochée à la société Natixis Factor la privait de tout droit à indemnisation, sans constater que cette faute constituait la cause exclusive du dommage dont elle demandait réparation, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Natixis Factor de sa demande subsidiaire tendant à voir constater que la société Natixis Factor était subrogée dans l'ensemble des droits de la société Soprovise en raison de la quittance subrogative du 25 mars 2010 et, en conséquence, à voir condamner la société Alstom Power Systems à lui payer une somme de 371.045, 54 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 décembre 2007 ;
AUX MOTIFS QUE la société Natixis Factor soutient à titre subsidiaire qu'elle est subrogée dans les droits et actions de la société Soprovise, suivant quittance du 25 mars 2010 et qu'elle est en droit de se prévaloir de la carence de la société Alstom Power Environnement pour ne pas avoir exigé de la société ATCI une caution en garantie du paiement des travaux exécutés par la société Soprovise ; qu'aux termes de cette quittance subrogative, il est exposé que : - compte tenu de l'exécution provisoire ordonnée par le jugement du 25 février 2010, la société Natixis Factor règle à la société Soprovise la somme de 411.583,26 euros ; - moyennant ce règlement la société Soprovise subroge la société Natixis Factor dans tous ses droits et actions dans le cadre et en vertu des prestations et travaux qu'elle a exécutés concernant la centrale de Gardanne à la demande de la société ATCI ; que la société Natixis Factor, en payant la somme susvisée, n'a fait qu'exécuter les termes du jugement ; qu'en outre, la société Soprovise a obtenu le paiement de la somme correspondant aux factures qui lui étaient dues par la société ATCI, cédées à la société Natixis Factor et dont cette dernière a elle-même perçu le paiement de la société Alstom Power Environnement ; que la société Soprovise a été ainsi intégralement remplie de ses droits et ne peut invoquer aucune autre créance ou action au titre des relations contractuelles ayant existé avec la société ATCI ; qu'en conséquence, la société Natixis Factor ne peut se prévaloir de cette quittance pour agir à l'encontre de la société Alstom Power Environnement ;
qu'elle doit dès lors être déboutée de sa demande en paiement sur le fondement de cette quittance ;
ALORS, D'UNE PART, QU'il résulte de l'article 1250, 1° du code civil que celui qui s'acquitte d'une dette qui lui est personnelle peut prétendre bénéficier d'une subrogation conventionnelle, s'il a, par son paiement et du fait de cette subrogation, libéré envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Soprovise avait subrogé la société Natixis Factor dans tous ses droits et actions dans le cadre et en vertu des prestations et travaux qu'elle avait exécutés concernant la centrale de Gardanne à la demande de la société ATCI ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande subsidiaire de la société Natixis Factor se prévalant sur les droits acquis du fait de cette subrogation, sur le fait que l'affactureur s'était borné à exécuter les termes du jugement du 18 février 2010, cependant qu'une telle circonstance était impropre à remettre en cause les effets de la subrogation conventionnelle consentie par la société Soprovise, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en relevant, pour rejeter la demande subsidiaire de la société Natixis Factor, que la société Soprovise avait été intégralement remplie de ses droits du fait du paiement opéré par l'affectureur, cependant qu'une telle circonstance, à la supposer avérée, ne faisait pas obstacle à la subrogation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250 du code civil.
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