Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 12 juin 2013

N° de pourvoi: 12-12.933

Non publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 2011), qu'un arrêté du 11 décembre 2006 a déclaré d'utilité publique le prolongement de la ligne de tramway T1 à Saint-Denis réalisé par la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ; que cette dernière a diligenté à l'encontre de M. Ahmed X..., la procédure d'expropriation d'un immeuble, puis a saisi le juge de l'expropriation d'une demande de fixation de l'indemnité d'expropriation à verser à M. Ahmed X...; que l'indemnité d'expropriation due par la RATP a été fixée par jugement réputé contradictoire du 7 mai 2008 ; que saisie d'un appel-nullité par les ayants-droit de M. Ahmed X...qui était décédé le 9 novembre 1983, la cour d'appel, après avoir annulé le jugement, a enjoint ses héritiers de déposer leur mémoire au fond dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt ;

Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :

Attendu que le pourvoi est immédiatement recevable en cas d'excès de pouvoir ;

Sur le moyen soulevé d'office, après avis donné aux parties :

Vu les articles 117, 562 et 568 du code de procédure civile ;

Attendu que pour évoquer après avoir constaté la nullité du jugement déféré et enjoindre les héritiers de déposer leur mémoire au fond, l'arrêt retient que le jugement rendu est opposable à la succession et que l'indemnité a été fixée sans que celle-ci ait été mise en demeure de faire valoir ses arguments ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'à défaut de saisine régulière du premier juge, l'appel est dépourvu d'effet dévolutif et que la nullité d'une assignation délivrée contre une personne décédée n'est pas susceptible de régularisation, la cour d'appel a, excédant ses pouvoirs, violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement déféré, l'arrêt rendu le 1er décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne la Régie autonome des transports parisiens aux dépens de première instance, d'appel et de cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Régie autonome des transports parisiens à verser aux héritiers X...la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la Régie autonome des transports parisiens.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir été rendu par la cour composée de « Monsieur Michel ZAVARO, Président, spécialement désigné pour présider cette chambre par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS, Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller, désigné par Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de PARIS, Madame Chantal DRENO, Juge de l'Expropriation au tribunal de grande instance d'EVRY, désignée conformément aux dispositions de l'article L 13-1 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique » ;

Alors que la chambre statuant en appel comprend deux assesseurs qui seront choisis par le président de la chambre parmi les juges du ressort visés à l'article L13-1 du Code de l'expropriation ; que les juges de l'expropriation et les magistrats sont désignés par ordonnance du premier président pour une durée de trois ans renouvelable ; que le Premier Président de la cour d'appel de Paris a désigné pour composer la chambre des expropriations à compter du 29 août 2011 « M. Michel Zavaro, président, Mme Dominique Patte, conseillère, Mme Michèle Timbert, conseillère, Mme Sylvie Meslin, conseillère » ; qu'en statuant dans une composition comprenant deux assesseurs non désignés par l'ordonnance du premier président, et donc dénués du pouvoir de se prononcer en matière d'indemnités d'expropriation à la date de sa décision, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs au regard de l'article L13-22 du Code de l'expropriation.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir enjoint à l'hoirie X...de déposer son mémoire au fond dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt après avoir annulé le jugement entrepris ;

Aux motifs que « Par jugement du 7 mai 2008 rendu au contradictoire de Ahmed X..., le juge de l'expropriation de la Seine Saint Denis a fixé l'indemnité d'expropriation due par la RATP aux sommes de 13. 058 € et 22. 258 €. Ses héritiers ont relevé appel du jugement. Ils demandent son annulation et 4. 000 € en application de l'article 700. La RATP conclut qu'elle ignorait le décès d'Ahmed X...au contradictoire duquel elle a conduit sa procédure et qu'elle n'a notifié le jugement que lorsque les héritiers se sont manifestés. Leur appel a été formalisé dans les délais à compter de cette deuxième notification ; elle l'estime cependant mal fondé car la fiche de l'immeuble sur laquelle ne figure pas de certificat de décès fait que ce décès lui est inopposable. Le commissaire du Gouvernement conclut à la confirmation du jugement déféré. Ahmed X... est décédé le 9 novembre 1983. La procédure d'expropriation conduite postérieurement aurait dû être menée au contradictoire de sa succession. La situation juridique ne relève pas des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955 qui règlent les conséquences du défaut de publication des actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1° de l'article 28, mais de l'article 14 du Code de procédure civile. Le jugement rendu est en effet opposable à la succession. Or l'indemnité est fixée sans que celle-ci ait été mise en demeure de faire valoir ses arguments. Il convient donc d'annuler le jugement déféré et pour évoquer, d'inviter la succession d'Ahmed X...à déposer un mémoire au fond dans le délai de deux mois. » (arrêt, p. 3) ;

1°) Alors qu'une cour d'appel peut évoquer les points non jugés par le premier juge lorsqu'elle est saisie d'un jugement ayant ordonné une mesure d'instruction ou ayant mis fin à l'instance en statuant sur une exception de procédure ; qu'en décidant, après avoir annulé le jugement entrepris, qui n'avait pourtant ni ordonné de mesure d'instruction, ni mis fin à l'instance en statuant sur une exception de procédure, mais avait fixé au fond le montant de l'indemnité d'expropriation, qu'il convenait d'évoquer et pour ce faire d'enjoindre à la succession de Monsieur Ahmed X...de conclure sur le fond du litige, usant de la sorte du pouvoir