Voici un arrêt 12-35.155 -de rejet- qui attire l'attention sur la nouvelle rédaction de l'article 2244 du code civil:
«Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée".
Et anciennement : "Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par un acte d'exécution forcée."
Cela ne sera pas sans conséquences pour l'avenir, sur les règles des délais de forclusion.
Uniformisation de l'effet interruptif des mesures conservatoires et des mesures d'exécution
Comme l'expriment certains commentateurs :
- Revue de Droit bancaire et financier n° 2, Mars 2012, comm. 60 , Codification et partie législative, Commentaire par Stéphane PIEDELIÈVRE
- La Semaine Juridique Edition Générale n° 4, 23 Janvier 2012, 68 Un code en l'état futur d'achèvement . - À propos de la publication de la partie législative du Code des procédures civiles d'exécution Aperçu rapide par Jean-Baptiste Donnier
La première modification substantielle concerne l'article 2244 du Code civil et met un terme à une divergence entre ce texte et l'article 71 de la loi du 9 juillet 1991. Jusqu'à présent, l'article 2244 du Code civil prévoyait l'interruption du délai de prescription extinctive « par un acte d'exécution forcée », tandis que l'article 71 de la loi du 9 juillet 1991 subordonnait l'interruption de cette même prescription à « la notification au débiteur de l'exécution de la mesure conservatoire ».
Il résultait de cette différence de rédaction que les mesures d'exécution avaient un effet interruptif dès leur accomplissement alors que seule la notification d'une mesure conservatoire produisait cet effet interruptif de la prescription. Or, comme le relève le rapport sur l'ordonnance du 19 décembre 2011, rien « n'explique une différence de traitement entre les deux types de mesures » car « la réalisation d'une mesure conservatoire en elle-même manifeste bien la volonté du créancier de recouvrer sa créance ».
L'article 3 de l'ordonnance du 19 décembre 2011 unifie l'article 2244 du Code civil et l'article 71 de la loi du 9 juillet 1991, la nouvelle rédaction de l'article 2244 disposant désormais que le « délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire (...) ou un acte d'exécution forcée ».
L'article 3 de l'ordonnance du 19 décembre 2011 modifie donc certains textes non codifiés dans un souci d'harmonisation, puisqu'auparavant, l'article 2244 prévoyait l'interruption du délai de prescription extinctive « par un acte d'exécution forcée ». De son côté, l'article 71 de la loi du 9 juillet 1991 soumettait l'interruption de cette prescription à « la notification au débiteur de l'exécution de la mesure conservatoire ». L'article 2244 dispose désormais que « le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée ».
Cet arrêt est commenté par :
- François-Xavier AJACCIO, Dictionnaire permanent « assurances », bulletin, mars 2014, p. 5.
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 28 janvier 2014
N° de pourvoi: 12-35.155
Non publié au bulletin Rejet
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les époux X... avaient obtenu, au contradictoire de la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), garantissant la responsabilité décennale de la société Duverger et fils, la désignation d'un expert par ordonnance de référé du 14 octobre 1994, que l'assignation au fond contre cet assureur avait été délivrée le 8 août 2006, que l'ordonnance de changement d'expert rendue sur requête le 17 juin 2003 n'avait pas été signifiée par les demandeurs et que l'ordonnance du 13 octobre 2004 modifiant la mission de l'expert avait été rendue à la demande du technicien, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, retenu à bon droit qu'en l'absence de citation en justice, de commandement ou de saisie, signifié aux intimés aux fins d'interrompre le délai décennal, aucune cause d'interruption de la prescription courant depuis l'ordonnance du 14 octobre 1994 n'était intervenue et que l'action engagée contre la SMABTP était prescrite au jour de la délivrance de l'assignation au fond ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour les consorts X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré prescrite l'action introduite par les consorts X... à l'encontre de la SMABTP ;
AUX MOTIFS QUE l'ordonnance en changement d'expert rendue le 17 juin 2003 ne constituant qu'une mesure d'administration judiciaire n'a aucun effet interruptif ;
ET QUE les consorts X... se prévalent de l'ordonnance rendue le 13 octobre 2004 en tant qu'acte interruptif de prescription en ce que cette décision aurait modifié la mission de l'expert ; que cette décision a été rendue à la demande de l'expert judiciaire, qui se heurtait à une difficulté concernant l'opportunité de procéder à une nouvelle évaluation des tableaux concernés par le sinistre ; que cette ordonnance rendue au visa de l'article 279 du Code de procédure civile, s'analysant en une décision émanant du juge chargé du contrôle de l'expertise, ne constitue pas un acte interruptif de prescription ; qu'en l'absence de citation en justice, de commandement ou de saisie, signifié aux intimés aux fins d'interrompre le délai décennal, c'est à bon droit que le premier juge a constaté l'acquisition de la prescription en l'état de l'assignation délivrée le 8 août 2006 ;
ET AUX MOTIFS, adoptés du jugement, QUE pour échapper à la prescription invoquée par les défendeurs, il appartient à Alain X... et Nicole Y... épouse X... de démontrer que le délai décennal a été valablement interrompu ; qu'ils font valoir à cet égard le prononcé de deux ordonnances qu'ils prétendent avoir eu un effet interruptif de prescription ; - l'une tendant au remplacement de l'expert initialement désigné, rendue le 17 juin 2003 par le Président du Tribunal de commerce de TARASCON, statuant en cabinet sur une requête présentée par le conseil de Alain X... et Nicole Y... épouse X... libellée ainsi « par ordonnance en date du 14 octobre 1994 de votre juridiction, vous aviez désigné en qualité d'expert M. Jean Z.... La procédure est toujours en cours et je souhaiterai le remplacement de cet expert dans la mesure où celui-ci est aujourd'hui décédé » ; - l'autre rendue le 13 octobre 2004, par la Présidente du Tribunal de commerce de TARASCON, statuant en cabinet sur une requête présentée par l'expert Monsieur B..., visant à obtenir l'autorisation de procéder à une nouvelle évaluation des tableaux ; que l'interruption de la prescription impose un acte positif qui doit émaner de la personne qui veut éviter la prescription, en l'espèce Alain X... et Nicole Y... épouse X... et doit être délivré à la partie, en l'occurrence la compagnie d'assurance, contre laquelle on veut prescrire ; qu'à cet égard, il apparaît que la demande ayant conduit à l'ordonnance du 13 octobre 2004 est à l'initiative de l'expert et non de Alain X... et Nicole Y... épouse X... ;
que la requête sur laquelle repose l'ordonnance du 17 juin 2003 émane certes du conseil de Alain X... et Nicole Y... épouse X..., mais n'a pas été signifiée par les époux X... à la SMABTP ; qu'en outre, Alain X... et Nicole Y... épouse X... n'établissent pas en quoi le contenu de leur demande, cité in extenso supra, est incompatible avec la prescription ; qu'ainsi, même si l'on adopte une conception extensive de la notion de citation prévue à l'article 1244 du Code civil il apparaît qu'aucun effet interruptif ne peut être attaché aux deux demandes litigieuses, (celles ayant précédé les deux ordonnances) dont se prévalent Alain X... et Nicole Y... épouse X... ; que par suite il y a lieu de déclarer prescrite l'action introduite par Alain X... et Nicole Y... épouse X... à l'encontre de la SMABTP ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'ordonnance du 17 juin 2003 portant changement d'expert, rendue à la requête d'une des parties et notifiée à toutes les parties aux opérations d'expertise, constituait une décision juridictionnelle et non une mesure d'administration judiciaire, et était interruptive de prescription si bien que la Cour d'appel a violé l'article 2244 du Code civil dans sa rédaction applicable (loi du 5 juillet 1985) ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision, a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, si bien que dès lors que l'ordonnance du 13 octobre 2004, qui avait été rendue sur requête et au vu des explications contradictoires des parties, avait modifié la mission de l'expert en ordonnant une nouvelle évaluation d'un seul des tableaux, puis avait été notifiée aux parties par le greffe, la Cour d'appel ne pouvait juger que cette décision n'était pas interruptive de prescription sans violer l'article 2244 du Code civil dans sa rédaction applicable (loi du 5 juillet 1985).
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