Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 25 novembre 2015
N° de pourvoi: 14-22.102
Publié au bulletin Rejet
Mme Batut (président), président
Me Brouchot, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X...du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme Y... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 15 mai 2014), que M. X...(l'acquéreur) qui, en vertu d'une promesse synallagmatique de vente négociée et rédigée par la société Agence Albert 1er immobilier, devenue la société Foncia Languedoc Provence (l'agent immobilier), mandataire des vendeurs, s'était engagé à acheter, sous diverses conditions suspensives, une maison d'habitation avec dépendances à un certain prix, a, après avoir découvert que divers ouvrages contrevenaient aux règlements d'urbanisme ou aux prescriptions de permis de construire dont l'acte préparatoire ne faisait pas mention, refusé de signer l'acte authentique et engagé de nouvelles négociations à l'issue desquelles il a acquis l'immeuble à un prix moindre, suivant acte reçu par M. Z... (le notaire), le 7 avril 2006 ; que, faute de consignation par l'acquéreur d'une somme suffisante, cet acte n'a été publié que le 11 décembre 2007, aux frais avancés du notaire et de son assureur, la société Mutuelles du Mans assurances IARD (l'assureur), qui, ayant acquitté les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière, ont assigné en remboursement l'acquéreur, débiteur conventionnel de « tous les frais, droits et émoluments de l'acte, de ses suites et de ses conséquences » ainsi que l'agent immobilier, séquestre du dépôt de garantie, auquel ils reprochaient de l'avoir indûment conservé en paiement de sa rémunération ; que l'acquéreur a reconventionnellement opposé, au notaire, la déchéance du droit de recouvrer les frais de la vente, faute d'avoir exigé une consignation conforme aux prescriptions de l'article 6 du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 portant fixation du tarif des notaires, et, à l'agent immobilier qui lui réclamait le solde de sa commission, divers manquements à ses obligations d'information et de conseil ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'acquéreur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'assureur la somme de 37 036, 20 euros, au titre des frais de publication, et au notaire celle de 5 781, 80 euros, au titre de la franchise restée à sa charge, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions délaissées, M. X...faisait valoir que le notaire disposait de la somme nécessaire pour payer les frais d'enregistrement et de publication et qu'en réalité il avait, à tort utilisé cette somme à d'autres fins, ne s'étant au demeurant jamais plaint auprès du conseil du notaire qu'il manquait des fonds pour ce paiement ; qu'en n'ayant pas répondu à ces conclusions opérantes qui démontraient la faute du notaire et l'absence de toute faute de M. X...qui avait ainsi réglé entre les mains du notaire les frais d'enregistrement et de publication, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la méconnaissance par le notaire de l'obligation de consigner une somme suffisante pour assurer le paiement des frais, droits, déboursés et émoluments constitue une faute professionnelle engageant sa responsabilité civile ; qu'est alors refusé au notaire le droit d'obtenir le paiement des émoluments et déboursés qui lui sont dus ; que pour condamner M. X..., acquéreur, au paiement des frais de publication réglés par le notaire, la cour d'appel a considéré que cette faute n'avait pas porté préjudice à l'acquéreur dont l'obligation au paiement d'une telle somme découlait de l'acquisition, qu'en statuant de la sorte quand elle avait pourtant relevé que le notaire avait commis une faute consistant en l'absence de consignation suffisante de sorte qu'il ne pouvait en réclamer le paiement, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 6 du décret du 8 mars 1978 ;
Mais attendu que le notaire qui s'abstient, avant de recevoir un acte, de faire consigner une somme suffisante pour le paiement des frais, droits, déboursés ou émoluments, en méconnaissance des prescriptions de l'article 6 du décret du 8 mars 1978, n'est pas déchu du droit d'en réclamer le paiement à l'acquéreur redevable de ces sommes ; qu'il peut seulement se voir opposer cette faute, et, le cas échéant, une exception de compensation par la partie à laquelle le défaut de consignation porte préjudice ; qu'ayant, d'une part, relevé qu'une fois le prix convenu remis aux vendeurs, les fonds restant en la possession du notaire étaient insuffisants pour procéder à la publication de l'acte, d'autre part, retenu que l'obligation de payer les droits d'enregistrement et taxes de publication, que l'acte authentique mettait à la charge de l'acquéreur, était la conséquence de l'acquisition et non celle d'une faute du notaire, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, en a exactement déduit que l'acquéreur, auquel ni la tardiveté de la publication de l'acte ni l'absence de consignation suffisante n'avaient préjudicié, devait rembourser au notaire et à son assureur l'intégralité des droits dont ils avaient fait l'avance ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen, dirigé contre l'agent immobilier, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'acquéreur fait encore grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que l'agent immobilier est tenu de procéder à toutes les vérifications utiles ou nécessaires, recueillir et communiquer toutes les données susceptibles de peser sur le consentement des parties comme les éléments relatifs aux caractéristiques ou attributs techniques ou juridiques du bien sur lequel porte l'opération considérée sauf à voir sa responsabilité engagée envers les parties ; qu'aussi, en affirmant, pour débouter M. X..., acquéreur, de ses demandes dirigées à l'encontre de l'agent immobilier, que celui-ci n'était pas tenue de s'assurer de la conformité des travaux aux règlements d'urbanisme ni de rechercher si des bâtiments étaient ou non conformes aux permis de construire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 73 du décret n° 72-678 du 20 janvier 1972 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la promesse de vente, dont le descriptif des immeubles était matériellement exact, n'indiquait ni la date de leur construction ni celle de leur achèvement, puis souverainement estimé qu'il n'était pas établi qu'à la date de la signature de cet acte, l'agent immobilier avait eu connaissance des travaux d'agrandissement réalisés par les auteurs de ses mandants dix ans plus tôt, a pu en déduire que cet intermédiaire, qui n'était pas un professionnel de la construction, n'avait pas, pour satisfaire à son devoir d'information et de conseil, à vérifier la conformité de ces travaux aux prescriptions de permis de construire dont elle ignorait l'existence, ni, en l'absence d'éléments faisant apparaître une difficulté sur ce point, à s'assurer que l'implantation des ouvrages répondait aux règlements d'urbanisme ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., et condamne celui-ci à payer la somme globale de 3 000 euros à M. Z... et à la société Mutuelles du Mans assurances IARD, et la même somme à la société Foncia Languedoc Provence venant aux droits de la société Agence Albert 1er immobilier ;
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