Nullité d'un rapport d'expertise pour non-réponse à un dire

 
Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 23 novembre 2017
N° de pourvoi: 16-13.239

Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Flise (président), président
Me Le Prado, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Didier et Pinet, SCP Ohl et Vexliard, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)

 


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 6 janvier 2006, la société Eurobail a vendu à la société Ucabail, aux droits de laquelle vient la société Finamur, un immeuble à destination d'hôtel restaurant, exploité par la société Détente hôtel depuis le 1er avril 1996 ; que le même jour, l'immeuble a été donné en crédit-bail à la société Murotel ; qu'en 1999, la société Eurobail avait confié à la société Camozzi bâtiments, aux droits de laquelle vient la société Entreprise Bourdarios, des travaux de réfection de la couverture du bâtiment, qui ont été sous-traités pour partie à M. X...; que le 5 septembre 2006, un important affaissement du faux-plafond du local restaurant de cet ensemble immobilier est survenu et que le 9 septembre 2006, la toiture de l'immeuble s'est effondrée, rendant toute exploitation impossible ; que M. Y..., expert judiciaire, a été désigné et a rendu son rapport le 20 octobre 2008 ; que, par ordonnance du 5 août 2008, une seconde expertise a été ordonnée et a été confiée à Mme Z..., pour déterminer le préjudice commercial des sociétés exploitantes ; que la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de la société Finamur, a accepté de préfinancer certains travaux de démolition et de reconstruction ; que les 20 et 21 septembre 2010, les sociétés Murotel et Détente hôtel ont assigné les sociétés Finamur, Camozzi bâtiments et Eurobail ainsi que M. X...en réparation de leurs préjudices ; que la société Compagnie fermière de gestion et de participation (la société Cofegep), chargée par la société Eurobail de l'ensemble des tâches de gestion immobilière de son parc immobilier, a été appelée à la cause et son assureur, la société Axa France IARD, est intervenu volontairement à l'instance ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, sur les deuxième et troisième moyens et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 276, alinéa 3, du code de procédure civile ;

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise Drape, l'arrêt énonce que la société Eurobail a adressé le 2 février 2010 un dire à l'expert Z...accompagné d'une longue note de M. A..., puis le 24 février 2010 un nouveau dire pour contester l'évaluation proposée par l'expert du coût de remplacement de la vaisselle détruite le 9 septembre 2006 ensuite de l'effondrement de la charpente et de la couverture de la salle de réunion ; que le conseil de la société Eurobail, s'il rappela dans son dire qu'il avait adressé un dire le 2 février précédent, s'abstint de rappeler sommairement le contenu de celui-ci et surtout de la longue note de M. A...; que conformément à l'article 276, alinéa 3, du code de procédure civile, l'expert a légitimement considéré que la société Eurobail devait être tenue pour avoir abandonné sa réclamation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que, dans son dire du 24 février 2010, la société Eurobail se référait expressément à la note de M. A..., ce dont il se déduisait qu'il appartenait à l'expert de prendre en considération cette réclamation qui n'avait pas été abandonnée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 2241 du code civil ;

Attendu que, pour déclarer non prescrites les demandes de la société Axa, en sa qualité d'assureur de la société Finamur, l'arrêt énonce que les sociétés Murotel et Détente hôtel ont, ensuite du dépôt du rapport de l'expert Y...le 20 octobre 2008, fait assigner la société Eurobail par exploits du 21 septembre 2010 afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices matériels et financiers, soit avant l'expiration du délai de deux années édicté par le premier alinéa de l'article 1648 du code civil ; qu'eu égard au lien unissant l'action des sociétés Murotel et Détente hôtel fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil à celle de la société Axa fondée sur la garantie des vices cachés, mais aussi le défaut de délivrance conforme, il apparaît que l'effet interruptif de prescription de l'assignation du 21 septembre 2010 s'étend à l'action de la société Axa ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'assignation délivrée à la société Eurobail par les sociétés Murotel et Détente hôtel ne pouvait profiter à la société Axa, qui, en qualité d'assureur de l'acquéreur de l'immeuble, poursuivait la réparation d'un préjudice distinct, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Met hors de cause, sur sa demande, la société Entreprise Bourdarios ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à annulation du rapport de l'expert Z..., condamne la société Eurobail à payer à la société Détente hôtel les sommes de 118 245 euros, 20 000 euros et 11 847 euros, à la société Murotel la somme de 5 384, 99 euros et à la société Axa France IARD la somme de 320 227 euros, l'arrêt rendu le 6 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;