Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), sept. 2013, éd. « Le Moniteur », page 196.

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mardi 5 novembre 2013

N° de pourvoi: 12-27.839

Non publié au bulletin Cassation partielle

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1792-6 et 1147 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 11 septembre 2012), que la société Hôtel de France a confié aux sociétés Mdboxpensum et Mdboxcontract, la conception et la réalisation des travaux de réfection d'un restaurant ; que le restaurant a rouvert après travaux le 3 septembre 2008 ; que la société Hôtel de France a réglé le solde des travaux le 25 septembre 2008 ; que se plaignant de problèmes acoustiques elle a, après expertise et réalisation à ses frais de travaux de reprise, assigné les sociétés Mdboxpensum et Mdboxcontract en indemnisation ;

Attendu que pour déclarer ces sociétés responsables contractuellement des désordres acoustiques affectant le restaurant, l'arrêt retient que des courriers établissent que, pour la société Hôtel de France, le restaurant était achevé et en état d'être reçu, mais que si il y avait bien eu réception tacite au 25 septembre 2008, celle-ci s'était accompagnée de réserves sur les problèmes acoustiques, mentionnés dans un courriel du 16 septembre 2008 ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si compte tenu de la rédaction du contrat du 11 avril 2008 et de la facture du 3 septembre 2008, le paiement effectif des 5 % correspondant au solde du prix, effectué le 25 septembre 2008, emportait levée des réserves, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare les sociétés Mdboxpensum et Mdboxcontract responsables contractuellement des désordres acoustiques affectant le restaurant de la société Hôtel de France, l'arrêt rendu le 11 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;

Condamne la société Hôtel de France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hôtel de France à payer aux sociétés Mdboxpensum et Mdboxcontract la somme globale de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Hôtel de France ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour les sociétés Mdboxpensum et Mdboxcontract

Les sociétés Mdboxpensum et Mdboxcontract font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déclaré responsables contractuellement des désordres acoustiques affectant le restaurant de la société Hôtel de France après sa rénovation ;

AUX MOTIFS QU' en l'absence de réception expresse, l'existence d'une réception tacite suppose la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux ; qu'en l'espèce, le tribunal a estimé que la réception tacite était caractérisée au 25 septembre 2008 par la prise de possession du restaurant, ainsi que par le paiement intégral à cette date du solde des travaux sur présentation d'une facture intitulée « 5 % levée des réserves sur total général » ; qu'après avoir constaté que les désordres d'ordre acoustique ont été signalés par l'exploit d'huissier du 22 juillet 2009, il en a déduit que ceux-ci entraient dans la garantie de parfait achèvement due par les sociétés défenderesses ; que la société Hôtel de France conteste cette analyse, affirmant qu'il n'y a eu ni réception expresse, ni réception tacite ; que les sociétés Mdboxpensum et Mdboxcontract soutiennent par contre que les travaux ont été réceptionnés, sinon de manière expresse à tout le moins tacitement au plus tard le 25 septembre 2008, mais prétendent, contrairement à ce que le tribunal a retenu, que les désordres acoustiques étant apparents ont été purgés par la réception en l'absence de réserves lors de celle-ci ; qu'il est constant qu'il n'y a pas eu de réception expresse, puisque le procès-verbal de réception du 3 septembre 2008 versé aux débats ne porte que la signature de la société Mdboxcontract ; qu'outre le paiement du solde des travaux relevé par les premiers juges en date du 25 septembre 2008, les pièces produites font en revanche apparaître que le restaurant a été présenté à la presse le 9 septembre 2008 et rouvert au public le même mois ; qu'il apparaît encore que, dans un courrier non daté, adressé à la société Mdboxcontract, la société Hôtel de France a écrit que « le chantier ¿ a été mené à bien et rendu à temps en septembre dernier » et n'a fait état que de malfaçons concernant le lot plâtrerie, dont deux rectifiées et trois restant à régler ; que par un autre courriel du 16 septembre 2008, M. X... a également remercié M. Y... de la société Mdboxpensum d'avoir conçu en temps et en heure un restaurant qui plaît aux clients et dans lequel il se sent bien ; qu'au vu de ces courriers établissant que, pour la société Hôtel de France, le restaurant était achevé et en état d'être reçu, c'est de manière pertinente que le tribunal a considéré que sa prise de possession, associée au paiement du solde des travaux le 25 septembre 2008, caractérisait la réception tacite, malgré le besoin de reprendre rapidement l'exploitation interrompue depuis le début des travaux ; que dans le même courriel du 16 septembre, M. X... s'est aussi excusé auprès de M. Y... de l'avoir blessé « en focalisant sur les problèmes de sonorité », en relevant que « nous trouverons certainement une solution à ce problème » ; que la société Hôtel de France justifie par une facture du 25 avril 2009 que, postérieurement à ce courriel, la société Arti Renov a posé un revêtement mural, sans toutefois que le lien puisse être fait avec certitude avec les problèmes acoustiques soulevés ; qu'elle démontre par contre avoir recueilli des attestations de clients dès le mois de juin 2009 et avoir fait constater ces problèmes par le bureau Veritas le 3 juillet 2009, puis sollicité une expertise judiciaire par exploit du 22 juillet 2009 ; qu'il apparaît ainsi que, s'il y bien eu réception tacite au 25 septembre 2008, celle-ci s'est accompagnée de réserves, non seulement sur la plâtrerie, mais aussi sur les problèmes acoustiques ;

1°) ALORS QUE les défauts de conformité apparents, comme les vices de construction, sont couverts par la réception tacite non assortie de réserves ;

qu'en se bornant, pour juger que la réception tacite en date du 25 septembre 2008 résultant de la prise de possession et du paiement du solde du prix était accompagnée de réserves, à relever que celles-ci résultaient du courriel de M. X... en date du 16 septembre 2008, d'attestations de clients du mois de juin 2009, des constatations du bureau Veritas du 3 juillet 2009 ainsi que de la demande d'expertise judiciaire en date du 22 juillet 2009, sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si dès lors que le contrat du 11 avril 2008 et la facture du 3 septembre 2008 précisaient expressément que le règlement des 5 % correspondant au solde du prix emportait levée des réserves, le paiement effectif de cette somme par la société Hôtel de France effectué le 25 septembre 2008 n'excluait pas toutes réserves de sa part et n'emportait pas ainsi levée de toutes réserves sur les problèmes acoustiques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 et 1147 du code civil ;

2°) ALORS QUE les réserves qui assortissent la réception d'un ouvrage doivent être concomitantes de cette réception et ne peuvent résulter de comportements antérieurs à celle-ci; qu'en se fondant, pour juger que la réception tacite du 25 septembre 2008 s'était accompagnée de réserves sur les problèmes acoustiques, sur un courrier du 16 septembre 2008, par lequel M. X... s'était excusé auprès de M. Y... de l'avoir blessé en focalisant sur les problèmes de sonorité et avait relevé qu'une solution serait certainement trouvée à ce problème, la cour qui s'est ainsi référée à une circonstance antérieure à la réception des travaux, a violé les articles 1792-6 et 1147 du code civil ;

3°) ALORS QUE les réserves qui assortissent la réception d'un ouvrage doivent être concomitantes de cette réception et ne peuvent résulter de comportements postérieurs à celle-ci ; que la cour, en se fondant en outre, pour juger que la réception tacite du 25 septembre 2008 s'était accompagnée de réserves sur les problèmes acoustiques, sur la circonstance que la société Hôtel de France avait recueilli des attestations de clients dès le mois de juin 2009, fait constater ces problèmes par le bureau Veritas le 3 juillet 2009 et sollicité une expertise judiciaire le 22 juillet 2009, s'est référée à des circonstances postérieures à la réception du 25 septembre 2008 et a ainsi violé les articles 1792-6 et 1147 du code civil.