Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 5 novembre 2013
N° de pourvoi: 12-13.923
Non publié au bulletin Cassation partielle
Donne acte à la société Kaufman et Broad du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Allianz et Mutuelles de Poitiers assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 5 décembre 2011), que la société Patrimoine Paradoux, ayant entrepris la construction d'un groupe de maisons divisé en lots vendus en l'état futur d'achèvement, a confié à la société Martinie, architecte, assurée auprès de la MAF une mission de maîtrise d'oeuvre, à la société Soteba, assurée auprès de la société AGF le lot gros oeuvre, la société Aslibat assurée auprès de la Mutuelle de Poitiers assurances, le lot carrelage faïence, et à la société Plâtriers Midi Pyrénées le lot plâtrerie ; que M. et Mme X..., acquéreurs, ont pris livraison le 14 décembre 2004 de leur villa avec réserves et ont acquitté l'intégralité du prix ; que la réception entre la société Patrimoine Paradoux et les constructeurs est intervenue le 3 mai 2005 ; que postérieurement M. et Mme X... ont dénoncé d'autres désordres ; qu'ils ont assigné la société Patrimoine Paradoux aux fins d'obtenir la levée des réserves, la reprise des non conformités et désordres et, avant dire droit, la désignation d'un expert ; que la société Patrimoine Paradoux a appelé en cause les sociétés Martinie, MAF, Soteba, AGF, Aslibat, et Plâtriers Midi-Pyrénées ; qu'après expertise, M. et Mme X... ont sollicité l'indemnisation de leurs préjudices par la société Patrimoine Paradoux, aux droits de laquelle vient la société Kaufman et Broad, qui a formé des recours en garantie ; qu'en cours d'instance, M. et Mme X... ont vendu leur immeuble ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour déclarer M. et Mme X... recevables à agir au titre des désordres relatifs à l'absence de finition de la clôture, aux volets électriques, des chambres, aux carreaux de sol qui sonnent creux, aux façades, à la porte d'entrée, l'arrêt retient qu'en l'absence de clause expresse, la vente d'un immeuble n'emporte pas de plein droit cession, au profit de l'acheteur, des droits et actions à fins de dommages et intérêts qui ont pu naître au profit du vendeur en raison des dommages affectant l'immeuble antérieurement à la vente ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le vendeur d'un immeuble ne conserve un intérêt à agir, même pour les dommages nés antérieurement à la vente, et nonobstant l'action en réparation qu'il a intentée avant cette vente sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, que si l'acte de vente prévoit expressément que ce vendeur s'est réservé le droit d'agir, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Kaufman et Broad à payer à M. et Mme X... la somme de 8 009, 56 euros au titre de la remise en état des murets de clôture, l'arrêt retient que le vendeur d'immeuble à construire répond des dommages intermédiaires en cas de faute de sa part et que la défaillance de la société Kaufman et Broad est caractérisée par son manquement à l'obligation de remettre à l'acquéreur un ouvrage, objet du contrat, exempt de vice ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la faute personnelle de la société Kaufman et Broad, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
Rejette les demandes aux fins de mise hors de cause ;
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les demandes des époux X... relatives aux problèmes d'odeurs d'égout, au remplacement de la porte du garage et au joint de la baignoire et aux désordres sur les murets de clôture, condamne la société Kaufman et Broad à payer aux époux X... diverses indemnités au titre des désordres concernant les problèmes d'odeurs d'égout, le remplacement de la porte du garage et le joint de la baignoire ainsi que la somme de 1 450 euros au titre du préjudice de jouissance, condamne les époux X... à payer à la société Kaufman et Broad les sommes réclamées au titre des consommations d'eau, déboute la société Kaufman et Broad de son action récursoire vis à vis de la Mutuelle de Poitiers au titre du joint de baignoire et de la société AGF, de la société Martinie et de la Maf au titre des odeurs d'égout, l'arrêt rendu le 5 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme X... à payer 3 000 euros à la société Kaufman et Broad ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Kaufman et Broad Midi-Pyrénées.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré les époux X... recevables à agir au titre des désordres relatifs à l'absence de finition de la clôture, aux volets électriques des chambres, aux carreaux de sol qui sonnent creux, aux façades, à la porte d'entrée et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société KAUFMAN & BROAD à payer aux époux X... les sommes de 933, 68 ¿ au titre de l'absence de finition de la clôture, 200 ¿ au titre des volets électriques des chambres, 11. 231, 75 ¿ au titre des carreaux de sol qui sonnent creux, 4. 825, 15 ¿ au titre des différences d'aspect des façades et 627 ¿ au titre de la porte d'entrée ;
AUX MOTIFS QU'en l'absence de clause expresse, la vente d'un immeuble n'emporte pas de plein droit cession au profit de l'acheteur des droits et actions à fins de dommages et intérêts qui ont pu naître au profit du vendeur en raison des dommages affectant l'immeuble antérieurement à la vente ; que l'obligation légale de garantie qui peut être mise en oeuvre par les propriétaires successifs au titre des vices et défauts constatés par eux et dont ils peuvent demander réparation se distingue, en effet, du bénéfice de l'action exercée par celui qui vend l'immeuble alors que la procédure judiciaire est pendante ; que la lecture de l'acte authentique de vente X...- Y... du 13 août 2007 révèle qu'aucune clause ne prévoit la transmission aux acquéreurs de l'action introduite par les époux X... eux-mêmes ; que la rubrique « désordres travaux » insérée à la page 15 de l'acte informe les acheteurs de l'existence du procès en cours et mentionne tous les désordres qui en font l'objet, au nombre d'une dizaine ; qu'elle rappelle l'engagement pris par les vendeurs dans le compromis de vente d'effectuer à leurs frais, avant la signature de l'acte notarié, les travaux de remise en état du problème d'odeur dans les toilettes avec fuite d'eau sur le réseau détecté dans la cuisine, lequel a été respecté ; qu'elle avise les acquéreurs de la présence de fissures sur les murets de la clôture, constatés par l'expert, dont le montant de la remise en état ne sera connu qu'à l'issue du procès et prévoit que « le vendeur assumera les conséquences financières de la procédure et bénéficiera des remboursements éventuels y afférents », ledit vendeur s'engageant parallèlement à « remettre aux acquéreurs l'intégralité de l'indemnité qui lui sera éventuellement versée », toutes dispositions qui établissent clairement l'absence de tout transfert par les époux X... au profit des époux Y... de l'action judiciaire en cours ; qu'elle signale audits acquéreurs les désordres pour lesquels ils ont émis des réserves mais sans stipuler un quelconque engagement envers ceux-ci ; qu'aucune de ces dispositions n'opère transfert des droits et actions à fins de dommages et intérêts dont les vendeurs sont titulaires vis à vis du maître de l'ouvrage au titre des désordres objets d'un litige engagé avant la vente, quel que soit leur nature ; le fait que le troisième type de désordres évoqué soit précédé de la mention « à titre purement informatif » ne peut être analysé comme tel, ce libellé étant manifestement destiné à les distinguer des précédents en ce que, pour ceux-ci, aucun engagement de réparation en nature ou par rétrocession n'est pris par les vendeurs à l'égard des acquéreurs ; qu'elle ne les empêche nullement d'en conserver le bénéfice ; qu'ainsi, aucune clause expresse de l'acte de revente n'affecte les droits des époux X... vis à vis de la SARL KAUFMAN ET BROAD MIDI PYRENEES au titre des désordres portant sur l'immeuble, objets d'une instance en cours au moment de la vente ; que le créancier d'une somme allouée à titre de dommages et intérêts est libre d'en user comme bon lui semble en vertu du principe de non affectation de la créance de dommages et intérêts ; la convention particulière pouvant exister à ce sujet entre créancier et acquéreur de l'ouvrage reste étrangère au débiteur tenu de s'en acquitter entre les mains du créancier vendeur ; que les époux X... doivent donc être déclarés recevables à agir pour la finition de la clôture, les volets électriques des chambres, les carreaux qui sonnent creux, les façades, la porte d'entrée mais aussi pour les fissures sur le muret ;
ALORS QUE la vente emporte transfert à l'acquéreur des droits et actions attachés à la chose ; qu'en jugeant recevable l'action des époux X... exercée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la société KAUFMAN & BROAD au titre des désordres affectant l'immeuble cédé, bien qu'une telle action attachée à la chose ait été transmise avec elle aux époux Y..., la Cour d'appel a violé les articles 1165 et 1134 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société KAUFMAN & BROAD à payer aux époux X... la somme de 8. 009, 56 ¿ au titre de la remise en état des murets de clôture ;
AUX MOTIFS QUE ***sur la responsabilité ; que la responsabilité de la société KAUFMAN & BROAD est engagée sur le fondement du droit commun de l'article 1147 du Code civil pour faute prouvée au titre des micro-fissures sur les murets qui trouvent leur origine dans une absence de fractionnement du mur de clôture lors de la pose et dans l'absence de prolongement du joint de rupture dans le couronnement en brique qui coiffe le mur de clôture ; ce désordre non réservé ni dénoncé dans le mois de la livraison qui ne porte pas atteinte à la solidité de l'immeuble ni même à sa destination doit être qualifié de dommage intermédiaire défini comme un défaut apparu après la prise de possession qui affecte l'ouvrage ou ses éléments d'équipement indissociables sans pour autant porter atteinte à sa solidité ou sa destination ; que ces fissures n'existaient pas à l'achèvement de l'ouvrage mais se sont formées et manifestées dans les mois suivants et ont été contradictoirement constatées lors d'une réunion tenue sur les lieux le 10 octobre 2005 en présence des acquéreurs et du maître de l'ouvrage ; que le vendeur d'immeuble à construire, tout comme les constructeurs, répond, en effet, des dommages intermédiaires en cas de faute de sa part ; la défaillance de la SARL KAUFMAN & BROAD est caractérisée pour avoir manqué à son obligation de remettre à l'acquéreur un ouvrage, objet du contrat, exempt de vice ; ** sur le montant de l'indemnisation ; que l'expert judiciaire chiffre le coût des réparations aux sommes suivantes : ¿ micro fissures sur le muret 8. 009, 56 ¿ ; total 25. 827, 87 ¿ TTC ;
1° ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à présenter leurs observations, que la responsabilité de la société KAUFMAN & BROAD était engagée sur le fondement de la théorie des vices intermédiaires pour les fissures affectant le muret, bien que les époux X... n'ait sollicité une indemnisation à ce titre que sur le fondement de l'article 1792-6 du Code civil, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, la responsabilité des promoteurs-vendeurs d'immeuble à construire n'est engagée contractuellement en raison des désordres intermédiaires par l'acquéreur que pour faute prouvée ; qu'en jugeant que la responsabilité de la société KAUFMAN & BROAD était engagée, sur le fondement de la théorie des vices intermédiaires, pour avoir manqué à son obligation de remettre à l'acquéreur un ouvrage exempt de vice (arrêt p. 11, § 3) et en mettant ainsi à sa charge une obligation de résultat, tout en s'abstenant ainsi de constater l'existence d'une faute, seule susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle de droit commun, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le recours de la SARL KAUFMAN & BROAD n'était recevable à l'encontre des constructeurs qu'au titre des désordres réservés affectant le joint de carrelage, l'absence d'achèvement de la clôture et des vices intermédiaires affectant les fissures du muret, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ;
AUX MOTIFS QUE la SARL KAUFMAN & BROAD exerce une action récursoire contre certains constructeurs : l'architecte, le maçon, le carreleur et leurs assureurs respectifs ainsi que le plâtrier ; *sur sa portée et son fondement ; que cette action récursoire est d'étendue limitée ; qu'elle ne peut prospérer que pour les désordres réservés à la réception intervenue le 3 mai 2005 entre le maître de l'ouvrage et les intervenants à l'acte de construire liés par un contrat d'entreprise ; qu'à l'examen de ce procès-verbal, il s'agit des mêmes réserves que celles émises par les époux X... dans leur procès-verbal de livraison du 14 décembre 2004 puisque ce document se borne à faire référence à ce document et à l'annexer ; que le recours n'est donc susceptible de jouer que pour le joint de baignoire et l'absence d'achèvement de la clôture sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; qu'il concerne, également, le vice intermédiaire constitué par les fissures du muret, au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée qui subsiste pour les désordres signalés dans l'année de la réception concurremment avec la garantie de parfait achèvement due par l'entrepreneur ; qu'il est juridiquement exclu, en revanche, pour les désordres apparents à la réception et non réservés, ce qui est le cas de tous les désordres dénoncés par les acquéreurs, les époux X..., par lettre adressée dans le délai d'un mois de la livraison au maître de l'ouvrage qui en avait donc parfaitement connaissance ; qu'en effet, ce courrier est en date du 6 janvier 2005 et donc antérieur de plusieurs mois à la réception du 3 mai 2005 mais ces vices (odeurs d'égout, porte du garage, volets électriques, carreaux de sol, façades, porte d'entrée) ne figurent pas sur ce document, de sorte qu'ils sont purgés dans les rapports maître de l'ouvrage/ constructeur ;
ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, la société KAUFMAN & BROAD sollicitait, d'une part, la confirmation du jugement en ses dispositions non contraires à ce qu'elle y réclamait, et donc en ce qu'il avait condamné la société SOTEBA et la société PLATRIERS MIDI PYRENEES à la garantir de la condamnation prononcée contre elle au titre du préjudice de jouissance des époux X... et, d'autre part, que les sociétés SOTEBA, ASLIBAT, PLATRIERS MIDI PYRENES et MARTINIE, ainsi que leurs assureurs, soient condamnés à la relever et garantir de toutes condamnation susceptible d'intervenir à son encontre (conclusions d'appel de la société KAUFMAN & BROAD, p. 13, § 8 et pénult. § et suivants, suite p. 14) ; qu'en jugeant que l'action récursoire ne pouvait prospérer que pour le joint de baignoire, l'absence d'achèvement de la clôture et les fissures affectant le muret, sans répondre à ces conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
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