Cour de cassation

chambre civile 1

Audience publique du mercredi 30 octobre 2013

N° de pourvoi: 12-26.398

Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 6 juillet 2012), que l'Association syndicale autorisée du Clain moyen a confié, en sa qualité de maître d'ouvrage, à la chambre d'agriculture de la Vienne la maîtrise d'oeuvre de la construction de digues destinées à réaliser des retenues d'eau pour l'irrigation ; que cette dernière a chargé la société Egsol Ouest d'effectuer une étude préliminaire de faisabilité géotechnique ; qu'à la suite de la survenance d'un sinistre, et après qu'un protocole d'accord a été conclu entre le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre, la chambre d'agriculture de la Vienne a recherché la responsabilité de la société Egsol Ouest et de son assureur, la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; que cette dernière a soulevé l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire au profit des juridictions administratives ;

Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt de dire que le tribunal de commerce de Poitiers est compétent pour connaître du litige et de renvoyer la cause et les parties devant ce tribunal, alors, selon le moyen, que les travaux exécutés par les associations syndicales autorisées dans le cadre de leur mission d'intérêt général ont le caractère de travaux publics ; que les études préparatoires font partie de l'opération de travaux publics ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Egsol Ouest a effectué une étude préliminaire de faisabilité à la demande de la chambre d'agriculture de la Vienne, maître d'oeuvre de travaux d'irrigation entrepris par l'Association syndicale autorisée du Clain moyen ; que cette opération d'intérêt général avait le caractère de travaux publics, dont les études préparatoires faisaient partie ; qu'en estimant néanmoins que l'action en responsabilité de la chambre d'agriculture de la Vienne contre la société Egsol Ouest était fondée sur l'article 1147 du code civil, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et l'article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;

Mais attendu qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du dommage relèverait de la juridiction administrative ; que par ce motif de pur droit, substitué aux motifs critiqués après avis donné aux parties, la décision de la cour d'appel de rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la seule SMABTP, assureur de la société Egsol Ouest, se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics

II est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le tribunal de commerce de Poitiers était compétent pour connaître du litige opposant la Chambre d'agriculture de la Vienne à la société EGSOL OUEST et d'AVOIR renvoyé la cause devant ce tribunal ;

AUX MOTIFS QUE la Chambre d'agriculture de la Vienne et l'Association Syndicale Autorisée du Clain ont signé le 13 janvier 2009 un protocole d'accord prévoyant que : « la Chambre d'agriculture de la Vienne accepte de prendre à sa charge la totalité des demandes mdemnitaires ci-après exposées par l'ASA à hauteur de la somme de 1.471.913 ¿ pour les sites 1 et 3. Elle accepte de faire son affaire du recours à exercer à rencontre de la société EGSOL OUEST pour les sites 1 et 3 » ; en contrepartie, l'Association Syndicale Autorisée du Clain a accepté de céder les parcelles d'assiette des deux sites à la Chambre d'agriculture de la Vienne pour un euro symbolique ; contrairement à ce que soutient la SMABTP, assureur de la société EGSOL OUEST, il ne ressort nullement de ce document que la Chambre d'agriculture de la Vienne aurait été subrogée dans les droits de l'Association Syndicale Autorisée du Clam, l'expression "elle accepte de faire son affaire" signifiant au contraire que le recours à exercer contre la société EGSOL OUEST devient son affaire personnelle, c'est-à-dire relève de sa propre initiative, indépendamment de l'accord conclu aux fins d'indemnisation de l'Association Syndicale Autorisée du Clain ; la société EGSOL OUEST n'était pas partie à cet accord qui ne lui est pas opposable ; par ailleurs il résulte du protocole d'accord précité que la Chambre d'agriculture de la Vienne est devenue propriétaire des parcelles d'assiette des deux sites pour un euro symbolique ; il ne peut donc être soutenu que la Chambre d'agriculture de la Vienne réclame le paiement de sommes destinées à reprendre des ouvrages qui ne lui appartiennent pas, dans la mesure où, propriétaire des parcelles, elle est également devenue propriétaire des ouvrages accessoires qui y ont été mis en place ; la Chambre d'agriculture de la Vienne poursuit donc contre la société EGSOL OUEST une action personnelle de droit privé, mettant en cause la responsabilité de droit commun de cette dernière, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, dans l'accomplissement de prestations d'études préalables qu'elle lui a commandées, à l'occasion de l'exécution d'un marché public qui lui a été confié par l'Association Syndicale Autorisée du Clain ; le contexte dans lequel les prestations de la société EGSOL OUEST ont été demandées et réalisées ne suffit pas pour conférer au contrat conclu par cette dernière avec la Chambre d'agriculture de la Vienne un caractère de marché public, la Chambre d'agriculture de la Vienne ayant agi dans un secteur concurrentiel de prestations de services, ainsi que l'indique la lettre du Préfet de la Vienne du 7 janvier 2009, approuvant le protocole d'accord, relevant par conséquent du droit privé ; au demeurant, le contrat passé avec la société EGSOL OUEST, société de droit privé, ne présente aucun des critères du marché public, la mission qui lui a été confiée présentant une dimension purement technique, à savoir : " - déterminer les différentes couches de sol rencontrées - déterminer la perméabilité de cuvette, déterminer les conditions d'extraction et de mise en oeuvre des matériaux, - déterminer les caractéristiques de la digue, - déterminer les nomes de compactage, et les mesures particulières, " - dépouillement, et interprétation des résultats, rédaction d'un rapport d'étude" ; le caractère de personne morale de droit public de la Chambre d'agriculture de la Vienne est sans incidence sur la nature du contrat passé avec la société EGSOL OUEST, laquelle n'est intervenue qu'en qualité de sous-traitant, à l'occasion des études préalables, le contrat passé avec elle ne relevant pas du code des marchés publics ; en conséquence c'est à tort que le tribunal de commerce de Poitiers a décliné sa compétence, laquelle n'avait d'ailleurs pas été contestée à l'occasion d'un autre litige ayant opposé la société EGSOL OUEST et la Chambre d'agriculture de la Vienne ;

ALORS QUE les travaux exécutés par les associations syndicales autorisées dans le cadre de leur mission d'intérêt général ont le caractère de travaux publics ; que les études préparatoires font partie de l'opération de travaux publics ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société EGSOL OUEST a effectué une étude préliminaire de faisabilité à la demande de la Chambre d'agriculture de la Vienne, maître d'oeuvre de travaux d'irrigation entrepris par l'Association syndicale autorisée du Clain moyen ; que cette opération d'intérêt général avait le caractère de travaux publics, dont les études préparatoires faisaient partie ; qu'en estimant néanmoins que l'action en responsabilité de la Chambre d'agriculture de la Vienne contre la société EGSOL OUEST était fondée sur l'article 1147 du code civil, la cour d'appel a violé la loi des 16 et 24 août 1790 et l'article L 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques.