Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », pages 429, 651.

Etude, par M. D. MAZEAUD, D. 2013, p. 2142. A propos de Cass. civ. 3ème n° 12-11.652, publié ci-dessous :

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du jeudi 23 mai 2013

N° de pourvoi: 12-11.652

Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 novembre 2011), que la société Pharmacie du Géant Casino, est locataire d'un local à usage commercial dépendant d'un centre commercial, l'ensemble appartenant à la société Mercialys ; que la société Mercialys a entrepris des travaux de restructuration du centre commercial aux abords de la pharmacie et a indemnisé celle-ci de la perte d'exploitation en résultant conformément à un protocole signé entre les parties ; que se prévalant de préjudices distincts de cette perte d'exploitation, et notamment d'importantes gênes et dégâts matériels, la société locataire a assigné la société bailleresse en indemnisation ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt de débouter la société Pharmacie Géant Casino de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une clause exonératoire de responsabilité du bailleur est inapplicable lorsque les travaux subis par son locataire occasionnent un trouble de jouissance anormal ; que l'arrêt attaqué a retenu qu'il ne pouvait être fait application de l'article 15 § 4 du contrat de bail litigieux, selon lequel le preneur devrait souffrir, sans indemnité, tous travaux que le bailleur estimerait devoir faire exécuter, dès lors que les travaux réalisés par le bailleur avaient entraîné pour la locataire un trouble excessif de nature à priver d'efficacité la clause litigieuse ; qu'en affirmant néanmoins que l'article 17 du même contrat, par lequel le preneur déclarait renoncer à tous recours en responsabilité contre le bailleur, devait trouver application même en cas de préjudice anormal subi par la locataire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1147 et 1724 du code civil ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions des parties ; que, dans ses conclusions récapitulatives, la société Pharmacie du Géant Casino soutenait que quelles que soient les dispositions conventionnelles, le bailleur devait toujours répondre des dégâts dans l'exécution du chantier, si bien que les demandes en réparation de l'exposante étaient recevables ; qu'était ainsi visé la clause exonératoire de responsabilité insérée à l'article 17 du bail litigieux ; qu'en affirmant que la société Pharmacie du Géant casino ne remettait pas en cause la validité de cet article, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant par là même l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que doit être réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; qu'en matière de bail, la jouissance paisible des lieux loués constitue une obligation essentielle du bailleur ;que, pour débouter la locataire de sa demande d'indemnisation du fait du trouble apporté à la jouissance des lieux loués, l'arrêt s'est fondé sur la circonstance que seule une faute lourde du bailleur, non invoquée en l'espèce, aurait permis d'écarter la clause exonératoire de toute responsabilité du bailleur stipulée à l'article 17 du contrat de bail litigieux et qu'il était loisible aux parties à un bail commercial d'apporter des limitations à l'obligation du bailleur d'assurer la jouissance paisible des lieux ; qu'en statuant ainsi, quand une clause exonératoire de responsabilité du bailleur qui contredisait la portée de l'obligation essentielle souscrite par celui-ci et qui lui imposait d'assurer au preneur la jouissance paisible des lieux loués devait également être écartée, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

4°/ que le succès d'une action en responsabilité contractuelle n'est pas subordonné à la preuve par le demandeur que son préjudice n'a pas déjà été indemnisé par un assureur ; qu'en déboutant la société Pharmacie du Géant Casino de son action en responsabilité contractuelle contre la société Mercialys, au prétexte qu'elle était taisante sur une éventuelle indemnisation par son assureur des dommages qu'elle invoque, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;

5°/ qu'en tout état de cause que la demande tendant à la remise en état la chose louée dans sa forme initiale est distincte de celle fondée sur la responsabilité du bailleur à raison du préjudice subi par le preneur du fait de l'exécution de travaux dans les lieux loués ; qu'en déboutant le preneur de sa demande tendant à la remise en état des lieux loués dans leur forme initiale à la suite de l'obturation de trois fenêtres par le bailleur, au prétexte que l'article 17 du contrat de bail prévoyait que le preneur déclarait renoncer à tous recours en responsabilité contre le bailleur, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1147 du code civil et, par refus d'application, l'article 1723 du même code ;

6°/ que la circonstance qu'un locataire ait eu connaissance d'un projet de rénovation du centre commercial dans lequel se trouvent les lieux qu'il loue et que ce projet n'avait suscité aucune remarque de sa part n'est pas de nature à exonérer le bailleur de la responsabilité qu'il est susceptible d'encourir du fait de la mauvaise exécution des travaux de rénovation ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1724 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que seule doit être réputée non écrite une clause limitative de réparation contredisant la portée d'une obligation essentielle du débiteur et, par une interprétation souveraine, que la clause 17 du contrat de bail, prévoyant la renonciation par le preneur de tous recours en responsabilité contre le bailleur, ses filiales et leurs assureurs, n'exonérait le bailleur que pour les seuls désordres affectant les lieux loués et pour lesquels le preneur pouvait être couvert par une assurance, la cour d'appel a pu, sans dénaturation, déduire de ces seuls motifs que la société Pharmacie du Géant Casino ne pouvait prétendre à aucune indemnisation de la part de son bailleur pour les dommages résultant de l'exécution des travaux ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Pharmacie du Géant Casino aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pharmacie du Géant Casino à payer à la société Mercialys la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Pharmacie du Géant Casino ;