Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 4 juillet 2013
N° de pourvoi: 12-20.242
Non publié au bulletin Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Assurances mutuelles Le Conservateur (l'assureur) a confié à M. X... un mandat non salarié, l'autorisant à proposer et à conclure des contrats d'assurance sur la vie ; qu'à la suite de plusieurs réclamations formulées par des clients, l'assureur a révoqué ce mandat ; que M. X... a été condamné par un tribunal correctionnel du chef d'abus de confiance aggravé et de faux et usage de faux ; que M. Vladimir Y..., ayant souscrit par l'entremise de M. X... un contrat d'assurance sur la vie « Multivalor » AREP, lui a remis quatre chèques dont M. X... a détourné le montant ; que Vladimir Y... étant décédé le 6 octobre 2007, ses enfants, Laure, Jérôme et Guillaume Y... (les consorts Y...) ont repris l'action en justice qu'il avait engagée contre l'assureur en remboursement des sommes détournées ; que l'assureur a assigné la société Crédit lyonnais en intervention forcée et en garantie ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal tel que reproduit en annexe :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer aux consorts Y... la somme de 76 354,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2004, outre la somme de 1 000 euros à chacun d'eux au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Mais attendu que sous le couvert des griefs non fondés de défaut de base légale au regard des articles L. 511-1 III du code des assurances et 1384, alinéa 5, du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel qui, répondant aux conclusions par une décision motivée, a pu en déduire que M. X... avait agi dans le cadre de ses fonctions de mandataire non salarié pour le compte de l'assureur, et que les circonstances dans lesquelles les souscripteurs avaient opéré la remise des chèques n'étaient pas de nature à éveiller leurs soupçons sur la réalité des opérations, de sorte que l'assureur ne s'exonérait pas de la responsabilité encourue en sa qualité de commettant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, réunis :
Attendu que l'assureur fait grief à l' arrêt de le débouter de sa demande de garantie dirigée contre la société Le Crédit lyonnais et de la condamner à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et que les consorts Y... font grief à ce même arrêt de les débouter de leur demande tendant à ce que la société Le Crédit lyonnais soit condamnée solidairement avec l'assureur à indemniser leur préjudice, alors, selon le moyen :
1°/ que le banquier présentateur d'un chèque falsifié est responsable, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, du préjudice subi par le tireur lorsque, manquant à son devoir de vigilance, il a encaissé le chèque en dépit de circonstances ou d'irrégularités qui auraient dû attirer son attention ; que la cour d'appel a constaté que M. X... exerçait une profession réglementée, ce dont il résultait que les opérations qu'il réalisait devaient nécessairement faire l'objet d'une vigilance accrue, et que les chèques mentionnaient le nom d'un bénéficiaire qui ne correspondait pas à l'intitulé du compte sur lequel ils étaient déposés ; qu'en retenant qu'en dépit de ces circonstances, qui auraient dû attirer l'attention de la banque, celle-ci n'avait pas commis de faute en procédant à l'encaissement des chèques, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2°/ que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en refusant de rechercher si la faute reprochée à la banque avait provoqué le dommage subi par Vladimir Y... au motif inopérant l'assureur avait lui-même commis une faute à l'origine du dommage, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil ;
3°/ que, subsidiairement, que le mandant n'est pas tenu de surveiller l'activité de son mandataire, lequel exerce sa mission de manière indépendante et autonome ; qu'en déterminant la cause principale du préjudice subi par Vladimir Y... au regard du respect par l'assureur d'une obligation de surveillance des activités de son mandataire, dépourvue de toute existence légale, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1383, 1984 et 1998 du code civil ;
Mais attendu que pour débouter l'assureur de sa demande de garantie dirigée contre la société Le Crédit yonnais et le condamner à lui payer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt retient que, courant 1989, M. X... a ouvert un compte à l'agence de Mende du Crédit lyonnais sous l'intitulé « M. Gérard X... AGF » ; que s'agissant d'un compte individuel ouvert par une personne physique, à usage professionnel, la banque n'avait pas d'autre obligation que celle de vérifier l'identité et le domicile du postulant, et notamment n'avait pas à vérifier les liens unissant celui-ci à la société AGF, qui n'était pas co-titulaire du compte ; que les quatre chèques émis par Vladimir Y... en règlement des cotisations qu'il entendait verser sur son contrat Multivalor ont été encaissés sur ce compte ; qu'à l'exception du premier chèque de 40 000 francs remis sans ordre à M. X... qui s'y est mentionné comme bénéficiaire, ces chèques étaient libellés à l'ordre du « conservateur » ou « conservateur finance », auquel le nom de M. X... était accolé, sans indication d'une quelconque forme sociale - société, compagnie, association, groupe¿ - susceptible de désigner Le Conservateur, personne morale qui n'était titulaire d'aucun compte ouvert à son nom à l'agence de Mende du Crédit lyonnais ; que depuis de nombreuses années, M. X... exerçait son activité à Mende sous la dénomination et enseigne commerciale « Le conservateur finance G. Varsovie consultant financier », ainsi qu'établi par le tampon apposé sur un certain nombre de documents remis ou adressés à M. Y... ; que le Crédit lyonnais qui, dès lors que le compte en litige n'était pas ouvert au nom de la société Le Conservateur, n'avait pas à vérifier si dans le cadre de son activité de mandataire non salarié de cette société, M. X... avait ou non le pouvoir d'encaisser les cotisations versées par les clients a donc pu, sans faute de sa part, créditer le compte professionnel de celui-ci du montant de ces chèques, qui ne présentait aucune anomalie apparente telle rature, grattage ou surcharge, l'ajout du nom de Varsovie à celui de Conservateur écrit de la main du tireur des chèques n'étant pas suffisamment perceptible pour attirer l'attention d'un employé de banque normalement diligent lors d'un examen nécessairement superficiel du chèque à l'occasion d'une opération courante d'encaissement ; qu'en l'absence d'anomalie matérielle ou intellectuelle de nature à l'alerter, le Crédit lyonnais n'avait pas à s'immiscer dans le fonctionnement du compte de M. X..., qui n'avait pas donné lieu à incident depuis son ouverture une quinzaine d'année auparavant, la banque pouvant légitimement penser que les chèques libellés à l'enseigne de son cabinet étaient destinés à être encaissés par M. X... dans le cadre de son activité professionnelle, d'autant que lui-même émettait régulièrement des chèques à l'ordre des sociétés Le Conservateur - onze entre le 7 mars 1997 et le 9 avril 2002 - dont la banque ne pouvait connaître l'objet exact mais qui contribuaient à conférer aux opérations enregistrées sur un compte professionnel une apparence de normalité ;
Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel, répondant aux conclusions par une décision motivée, a pu déduire qu'à l'occasion de l'encaissement des chèques litigieux, la banque n'avait pas commis de faute ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Condamne la société Assurances mutuelles Le Conservateur, Mme Laure Y..., épouse Z..., MM. Jérôme et Guillaume Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Assurances mutuelles Le Conservateur à payer la somme de 3 000 euros à la société Le Crédit lyonnais ; rejette les autres demandes ;
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