Cet arrêt, important, est de rabat d'une décision de la Cour suprême du 23 octobre 2012, à voir dans ce blog

Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », page 50.

Cet arrêt est commenté par :

- Mme GAVIN-MILLAN-OOSTERLYNCK, Revue trimestrielle de droit immobilier (RTDI), 2013, n° 4, p. 40.

- M. CHARBONNEAU, Revue trimestrielle de droit immobilier (RTDI), 2013, n° 4, p. 45.

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 26 juin 2013

N° de pourvoi: 11-12.785

Publié au bulletin Rabat d'arrêt

Vu les avis donnés aux parties ;

Met hors de cause M. X... et la société Allianz Iard ;

Sur le rabat, d'office, de l'arrêt n° 1254 du 23 octobre 2012, après observations des parties :

Attendu que, par arrêt du 23 octobre 2012, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y... à garantir la CGG de sa condamnation à payer à Mme Z... la somme de 330 000 euros à hauteur de 20 %, condamne M. Y..., in solidum avec la société Cirec, à payer à Mme Z... la somme de 58 314,97 euros et dans les rapports entre coobligés, à hauteur de moitié chacun, au titre des fissures dans les dalles, et déboute Mme Z... de ses demandes tendant à la réparation, d'une part, des désordres affectant la peinture des avant-toits, d'autre part, des défauts des revêtements en marbre et des défauts des revêtements du parquet formées contre la société Cirec, l'arrêt rendu le 26 octobre 2010 par la cour d'appel de Chambéry ;

Attendu que, par suite d'une erreur non imputable aux parties, il n'a pas été statué sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi incident de la société Groupama, venant aux droits de la compagnie Générale de garantie (CGG) dénommée compagnie générale de participations et de conseil, formés dans un mémoire en défense complémentaire déposé le 29 décembre 2011, avant la date d'expiration du délai légal pour le dépôt du mémoire en défense ;

Attendu qu'il y a donc lieu de rabattre l'arrêt concerné ;

Et, statuant à nouveau :

Sur le pourvoi n° Z 11-12.785, formé par la société Cirec :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 26 octobre 2010), que, le 6 février 1997, la société Cirec et Mme Z... ont signé un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan ; que, parallèlement, Mme Z... a contracté avec M. Y..., architecte ; que la société Cirec a souscrit une garantie de livraison auprès de la société compagnie Générale de garantie (société CGG), aux droits de laquelle se trouve la société Groupama, et les assurances de dommages et de responsabilité obligatoires auprès de la société SMABTP ; que M. X..., assuré en responsabilité décennale auprès de la société AGF, devenue Allianz, a été chargé du lot plomberie-chauffage ; que Mme Z... a pris possession de la maison le 23 septembre 1998 ; qu'un important glissement de terrain s'étant produit et des malfaçons étant apparues, Mme Z... a, après expertise, assigné les constructeurs et les assureurs en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Cirec fait grief à l'arrêt de réformer le jugement en ce qu'il condamne Mme Z... à lui payer la somme de 209 567,82 euros et, statuant à nouveau, de condamner Mme Z... à payer à la CGG une somme de 118 098,41 euros, au titre de ce solde d'honoraires, et d'autoriser le bâtonnier de l'ordre des avocats de Thonon-Les-Bains à payer à cette compagnie la somme de 91 469, 41 euros consignée entre ses mains, alors, selon le moyen, que l'article L. 231-6 III du code de la construction et de l'habitation ne donne au garant de livraison le droit de percevoir directement les sommes encore dues par le maître de l'ouvrage que dans l'hypothèse où, par suite de la défaillance du constructeur, il effectue ou fait effectuer les travaux nécessaires à l'achèvement de l'ouvrage ; qu'en reconnaissant au garant de livraison le droit de percevoir directement le solde du prix du marché non pour permettre d'exécuter les travaux nécessaires à l'achèvement de la construction, d'ores-et-déjà intervenue, mais pour réaliser des travaux confortatifs du terrain affecté de désordres dont le constructeur a été jugé responsable, la cour d'appel qui a étendu ce texte à une situation qui n'entrait pas dans ses prévisions, a violé l'article susvisé ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'en application de l'article L. 231-6 III du code de la construction et de l'habitation, en cas de défaillance du constructeur, le garant est en droit d'exiger de percevoir directement les sommes correspondant aux travaux qu'il effectue ou fait effectuer, la cour d'appel, qui a condamné la société CGG au titre des travaux confortatifs du terrain, en a justement déduit que cette société était en droit de percevoir les sommes restant dues par Mme Z... à la société Cirec ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que la société Cirec était chargée des travaux de terrassement à l'origine des désordres, que ces travaux avaient contribué à la production de l'entier dommage et que les premières manifestations du désordre étaient apparues en novembre 1997, avant réception, la cour d'appel, qui s'est implicitement mais nécessairement fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Cirec, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal et sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Groupama, réunis, ci-après annexés :

Attendu, d'une part, qu'ayant relevé, répondant aux conclusions, que les premières manifestations du désordre étaient apparues en novembre 1997, avant réception, la cour d'appel a pu en déduire que la société SMABTP ne devait pas sa garantie au titre du contrat d'assurance de responsabilité ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la garantie effondrement avant réception ne s'appliquait qu'en cas d'atteinte aux ouvrages de fondation, d'ossature, de clos et de couvert, la cour d'appel qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que tel n'était pas le cas en l'espèce, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le cinquième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant, réformé le jugement, débouté Mme Z... de sa demande au titre des pénalités de retard contre la société Cirec, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions de la société Cirec soutenant que le retard était pour partie imputable au maître de l'ouvrage ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant retenu que les explications de l'expert caractérisaient le défaut de contrôle imputable à l'équipe de maîtrise d'oeuvre dès lors que le désordre ne résultait pas d'une simple faute d'exécution mais plutôt d'une méthode de travail défectueuse, la cour d'appel, qui a caractérisé la faute de la société Cirec, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le septième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen du pourvoi incident de M. Y..., réunis, ci-après annexés :

Attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que la durée des travaux de réparation de la maison était estimée à trois mois par l'expert, la cour d'appel a souverainement apprécié l'étendue du préjudice relatif aux frais de relogement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de Mme Z..., en ce qu'il fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la réparation, d'une part, des désordres affectant la peinture des avant-toits, d'autre part, des défauts des revêtements en marbre et des défauts des revêtements du parquet formées contre M. Y..., ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que les désordres résultant de simples fautes d'exécution, M. Y..., maître-d'oeuvre, ne devait pas en répondre, la cour d'appel a pu en déduire qu'il convenait de débouter Mme Z... de ses demandes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de Mme Z..., en ce qu'il fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à la réparation, d'une part, des désordres affectant la peinture des avant-toits, d'autre part, des défauts des revêtements en marbre et des défauts des revêtements du parquet formées contre la société Cirec :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour débouter Mme Z... de ses demandes tendant à la réparation, d'une part, des désordres affectant la peinture des avant-toits, d'autre part, des défauts des revêtements en marbre et des défauts des revêtements du parquet formées contre la société Cirec, l'arrêt retient que les défauts de peinture des avant-toits ne relèvent pas de l'article 1792 du code civil et que les défauts des revêtements en marbre et les défauts de revêtements du parquet constituent des désordres purement esthétiques ;

Qu'en statuant ainsi, tout en constatant l'existence de fautes d'exécution de nature à engager la seule responsabilité de la société Cirec, entrepreneur principal, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident de M. Y..., réunis :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner M. Y... à garantir à hauteur de 20 % la CGG de sa condamnation à payer à Mme Z... la somme de 330 000 euros au titre des travaux confortatifs du terrain, l'arrêt retient qu'il est constant que M. Y... assistait à toutes les réunions de chantier et que, de façon implicite, il reconnaît sa responsabilité en indiquant que la société Cirec aurait profité de son absence pour faire les travaux de terrassement à l'origine des désordres ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser la faute de M. Y... dans la survenance du dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de M. Y... :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour condamner M. Y..., in solidum avec la société Cirec, à payer à Mme Z... la somme de 58 314,97 euros et dans les rapports entre coobligés, à hauteur de moitié chacun, au titre des fissures dans les dalles, l'arrêt retient que le désordre présente un caractère purement esthétique et comme tel relève de l'article 1147 du code civil, mais que les explications de l'expert caractérisent le défaut de contrôle imputable à l'équipe de maîtrise d'oeuvre dès lors que le désordre ne résulte pas d'une simple faute d'exécution mais d'une méthode de travail défectueuse ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si M. Y... avait assumé une mission de contrôle des travaux de plâtrerie à l'origine des fissures dans les dalles, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;

Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi incident de la société Groupama, réunis :

Vu l'article L. 313-22-1 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1251-3° du code civil ;

Attendu que pour débouter la société CGG de ses demandes dirigées contre la société Cirec au titre des travaux confortatifs du terrain et des pénalités de retard, l'arrêt retient que, par application de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, le garant de livraison qui indemnise le maître de l'ouvrage à la suite de la défaillance du constructeur remplit une obligation qui lui est personnelle et n'est pas fondé à obtenir de ce constructeur, le remboursement des sommes qu'il a déboursées sur le fondement de l'action subrogatoire et que ce raisonnement trouve à s'appliquer aux pénalités de retard ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les établissements de crédit ayant fourni une garantie, que celle-ci soit d'origine légale, réglementaire ou conventionnelle, disposent de plein droit et dans tous les cas d'un recours contre le client donneur d'ordre de l'engagement, ses coobligés et les personnes qui se sont portées caution et, pour les paiements effectués au titre de leur engagement, de la subrogation dans les droits du créancier prévue au 3° de l'article 1251 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société Groupama :

Rabat l'arrêt n° 1254, du 23 octobre 2012 ;

Statuant à nouveau :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y... à garantir la CGG de sa condamnation à payer à Mme Z... la somme de 330 000 euros à hauteur de 20 %, condamne M. Y..., in solidum avec la société Cirec, à payer à Mme Z... la somme de 58 314,97 euros et dans les rapports entre coobligés, à hauteur de moitié chacun, au titre des fissures dans les dalles, déboute Mme Z... de ses demandes tendant à la réparation, d'une part, des désordres affectant la peinture des avant-toits, d'autre part, des défauts des revêtements en marbre et des défauts des revêtements du parquet formées contre la société Cirec et déboute la société CGG de ses demandes dirigées contre la société Cirec au titre des travaux confortatifs du terrain et des pénalités de retard, l'arrêt rendu le 26 octobre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Cirec aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute les parties de leurs demandes ;

Laisse les dépens du présent arrêt à la charge du Trésor public ;