Cet arrêt est commenté par :

- François-Xavier AJACCIO, Dictionnaire permanent « assurances », bulletin août-septembre 2013, p. 3.

- M. SIZAIRE, Revue « CONSTRUCTION URBANISME », 2013, n° 9, septembre, p. 38.

- M. SERINET, SJ G, 2013, p. 1707

- M. POUMAREDE, Revue trimestrielle de droit immobilier (RTDI), 2013, n° 3, p. 35.

- Fanny Garcia, Anne Vennetier, RDI 2013 p. 474 : "La nullité du contrat de construction de maison individuelle ouvre le droit pour le maître de l'ouvrage de solliciter la démolition sans indemnité pour le constructeur", au titre des travaux exécutés par le constructeur et devenus inutiles...

- M. HUCHET, Revue LAMY « DROIT CIVIL », novembre 2013, p. 25.

- M. TRICOIRE, Gaz. Pal., 2013, n° 349, p. 40.

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 26 juin 2013

N° de pourvoi: 12-18.121

Publié au bulletin Cassation partielle

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19 janvier 2012), statuant sur renvoi après cassation (Civ. 3, 22 septembre 2010, n° 09-69.640 [publié ci-après]), que, le 5 juillet 2005, les époux X... et la société Les Demeures Gilles Richard (société Gilles Richard) ont signé un contrat de construction de maison individuelle ; que la déclaration d'ouverture de chantier est datée du 15 janvier 2007 ; que, le 28 février 2007, le chantier a été arrêté suite au signalement par le maçon d'une fissuration sur la façade Nord-Ouest ; qu'après diverses expertises amiables, la société Gilles Richard a proposé de reprendre les travaux en y ajoutant les modifications préconisées par les experts ; que les époux X..., considérant que ces préconisations n'étaient reprises que partiellement dans cette proposition, ne l'ont pas acceptée et ont, après avoir refusé de payer un nouvel appel de fonds, assigné la société Gilles Richard en nullité du contrat, subsidiairement en résolution du contrat, et en indemnisation de leurs préjudices ; que la société Gilles Richard les a assignés en résiliation du contrat et paiement du solde des travaux ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que la seule réclamation du règlement d'un acompte dans le contrat nécessitait la présence de la garantie de remboursement à sa signature et que son défaut entraînait l'irrégularité reprochée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le quatrième moyen et le cinquième moyen du pourvoi principal, réunis, ci-après annexé :

Attendu, d'une part, que les époux X... n'ayant pas sollicité réparation de la perte actuelle de l'avantage lié à la construction de leur maison qu'ils auraient possédée sans la faute du constructeur, le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable ;

Attendu, d'autre part, que les époux X... n'ayant pas soutenu que la dépense des frais exposés pour se faire assister aux opérations d'expertise avait été raisonnable au regard des circonstances, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant relevé que les époux X... avaient subi un préjudice de jouissance résultant du fait de ne pas habiter dans l'immeuble dont ils avaient signé la construction, mais dans un logement loué, la cour d'appel a souverainement apprécié ce préjudice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu les articles L. 230-1 et L. 231-2 k) du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1304 du code civil ;

Attendu que pour dire que les époux X... étaient redevables du paiement du coût de la construction réalisée par la société Gilles Richard dont il convenait de déduire le montant des désordres, les condamner à payer cette somme à la société Gilles Richard et ordonner un complément d'expertise afin d'évaluer le coût de la construction sous déduction du montant des désordres, l'arrêt retient que la société Gilles Richard est bien fondée à solliciter des maîtres de l'ouvrage règlement des prestations exécutées avec leur consentement et en fonction de leurs souhaits, tant en ce qui concerne les matériaux utilisés que la main d'oeuvre pour accomplir la mission, qu'il convient de condamner les époux X... à payer ce montant, qu'il apparaît cependant que la construction a été arrêtée en raison de désordres consistant en des fissures apparues sur les murs d'élévation du sous-sol de la construction qui ne sont pas contestées par le maître d'oeuvre et qu'il convient dès lors d'ordonner un complément d'expertise aux fins d'évaluer le coût de la construction réalisée, sous déduction des désordres ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la nullité du contrat de construction de maison individuelle pour violation des règles d'ordre public protectrices du maître de l'ouvrage lui ouvre le droit de solliciter la remise en état du terrain sans indemnité pour le constructeur au titre des travaux réalisés, et que la démolition, ordonnée à la demande du maître de l'ouvrage, interdit au constructeur de solliciter le coût des travaux qu'il a réalisés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que pour les débouter de leur demande d'indemnisation du coût de l'assurance dommages-ouvrage, l'arrêt retient que les époux X... affirment avoir réglé à la SMABTP le montant de l'assurance multirisques des constructeurs alors que la garantie était accordée à la société Gilles Richard qui en était redevable ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les époux X... sollicitaient le paiement d'une somme de 2 247,37 euros qu'ils avaient réglée à perte pour la souscription d'une police dommages-ouvrage, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions, a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter les époux X... de leur demande d'indemnisation des arrhes versés pour diverses fournitures, l'arrêt retient que ces prestations ayant été laissées à la charge du maître de l'ouvrage par le contrat de construction, les époux X... n'étaient pas recevables à en demander le paiement ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ces paiements et la perte des sommes ainsi versées n'étaient pas la conséquence de la conclusion d'un contrat illicite, imputable au constructeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les époux X... sont redevables du paiement du coût de la construction réalisée par la société illes Richard dont il convient de déduire le montant des désordres, en ce qu'il les condamne à payer cette somme à la société Gilles Richard, en ce qu'il ordonne un complément d'expertise afin d'évaluer le coût de la construction sous déduction du montant des désordres, et en ce qu'il les déboute de leur demande d'indemnisation du coût de l'assurance dommages-ouvrage et des arrhes versés pour diverses fournitures, l'arrêt rendu le 19 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Gilles Richard aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Gilles Richard à payer aux époux X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Gilles Richard ;

Arrêt précédent :

Cour de cassation

chambre civile 3

Audience publique du mercredi 22 septembre 2010

N° de pourvoi: 09-69.640

Publié au bulletin Cassation

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 24 juin 2009), que, le 5 juillet 2005, les époux X... et la société les Demeures Gilles Richard (société Gilles Richard) ont signé un contrat de construction de maison individuelle ; que la déclaration d'ouverture de chantier est datée du 15 janvier 2007 ; que le 28 février 2007, le chantier a été arrêté suite au signalement par le maçon d'une fissuration sur la façade nord-ouest ; qu'après diverses expertises amiables, la société Gilles Richard a proposé de reprendre les travaux en y ajoutant les modifications préconisées par les experts ; que les époux X..., considérant que ces préconisations n'étaient reprises que partiellement dans cette proposition, l'ont refusée et ont ensuite refusé de payer un nouvel appel de fonds ; que les époux X... ont assigné la société Gilles Richard en nullité du contrat, subsidiairement en résolution du contrat, et en indemnisation de leurs préjudices et que cette dernière les a assignés en résiliation du contrat et paiement du solde des travaux ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 231-2 k) du code de la construction ;

Attendu que le contrat de construction de maison individuelle doit comporter les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat ;

Attendu que pour débouter les époux X... de leur demande en nullité du contrat, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le contrat, signé le 5 juillet 2005, a donné lieu au paiement d'un premier acompte, que la garantie de remboursement n'a été délivrée que le 16 septembre 2005, qu'elle n'était donc pas jointe au contrat au moment de sa signature, en violation des dispositions de l'article L. 231-2 k) du code de la construction et de l'habitation, mais que cette nullité a été couverte par la remise de l'attestation de garantie de remboursement datée du 16 septembre 2005 et, par motifs propres, que les conditions particulières mentionnaient que le contrat était soumis à la condition suspensive de l'obtention de la garantie de livraison que s'il est fait état d'un versement à la signature du contrat il n'est pas justifié de l'encaissement de cet acompte avant la délivrance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la garantie de remboursement est distincte de la garantie de livraison et doit être annexée au contrat, sans pouvoir faire l'objet d'une condition suspensive, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;

Condamne la société Demeures Gilles Richard aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Demeures Gilles Richard à payer aux époux X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Demeures Gilles Richard ;