Cet arrêt est commenté par :
- Mme REBOUL-MAUPIN, D. 2013, p. 2137.
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 16 janvier 2013
N° de pourvoi: 11-27.529
Non publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi
Sur le moyen unique :
Vu le principe de la séparation des autorités administrative et judiciaire, la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III, ensemble les articles L. 42-1 et L. 43 du code des postes et communications électroniques et les articles L. 2124-26 et L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques ;
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a organisé une police spéciale des communications électroniques confiée à l'Etat ; qu'afin d'assurer sur l'ensemble du territoire national et conformément au droit de l'Union européenne, d'une part, un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de communications électroniques, qui sont identiques sur tout le territoire, d'autre part, un fonctionnement optimal de ces réseaux, notamment par une couverture complète de ce territoire, le législateur a confié aux seules autorités publiques qu'il a désignées le soin de déterminer et contrôler les conditions d'utilisation des fréquences ou bandes de fréquences et les modalités d'implantation des stations radioélectriques sur l'ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu'elles émettent et contre les brouillages préjudiciables ; que, par suite, l'action portée devant le juge judiciaire, quel qu'en soit le fondement, aux fins d'obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction de l'implantation, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique régulièrement autorisée et implantée sur une propriété privée ou sur le domaine public, au motif que son fonctionnement serait susceptible de compromettre la santé des personnes vivant dans le voisinage ou de provoquer des brouillages implique, en raison de son objet même, une immixtion dans l'exercice de la police spéciale dévolue aux autorités publiques compétentes en la matière ; que, nonobstant le fait que les titulaires d'autorisations soient des personnes morales de droit privé et ne soient pas chargés d'une mission de service public, le principe de la séparation des pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire, auquel il est ainsi demandé de contrôler les conditions d'utilisation des fréquences radioélectriques au regard des nécessités d'éviter les brouillages préjudiciables et de protéger la santé publique et, partant, de substituer, à cet égard, sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée sur les mêmes risques ainsi que, le cas échéant, de priver d'effet les autorisations que celle-ci a délivrées, soit compétent pour connaître d'une telle action ; qu'en revanche, le juge judiciaire reste compétent, sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle, pour connaître des litiges opposant un opérateur de communications électroniques à des usagers ou à des tiers, d'une part, aux fins d'indemnisation des dommages causés par l'implantation ou le fonctionnement d'une station radioélectrique qui n'a pas le caractère d'un ouvrage public, d'autre part, aux fins de faire cesser les troubles anormaux de voisinage liés à une implantation irrégulière ou un fonctionnement non conforme aux prescriptions administratives ou à la preuve de nuisances et inconvénients anormaux autres que ceux afférents à la protection de la santé publique et aux brouillages préjudiciables ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'Association de défense du Haut Sancé et quatre-vingt trois riverains ont, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, fait assigner la Société française de radiotéléphone (SFR) aux fins d'obtenir, d'une part, le démantèlement du pylône destiné à supporter une antenne de radiotéléphonie mobile, d'autre part, l'indemnisation du préjudice, notamment esthétique, causé par l'implantation de cette antenne ;
Attendu que pour dire la juridiction judiciaire compétente pour connaître de la demande de démantèlement de l'antenne de radiotéléphonie mobile mise en place par la société SFR, l'arrêt retient que cette demande, qui tend simplement à voir interdire l'installation d'une antenne-relais à proximité immédiate du domicile des requérants pour la voir déplacer vers un autre lieu, n'est pas de nature à priver d'effet les autorisations administratives obtenues pour l'utilisation du domaine public hertzien, mais a seulement pour objet de voir ordonner des aménagements propres à éviter la survenance de troubles anormaux du voisinage ;
En quoi la cour d'appel a violé le principe et les textes susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée relativement à la demande de démantèlement du pylône supportant une antenne de radiotéléphonie mobile, implanté par la Société française de radiotéléphone, l'arrêt rendu le 27 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de cette demande ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir sur ce point ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
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