Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », page 741.

Cour de cassation

chambre civile 2

Audience publique du jeudi 13 juin 2013

N° de pourvoi: 12-18.499

Non publié au bulletin Rejet

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Nîmes, 31 janvier 2012), que M. X..., ayant acquis un bâtiment ancien dont il a entrepris la rénovation, a assigné M. et Mme Y... et M. et Mme Z..., les propriétaires successifs du fonds supérieur, en réparation de troubles anormaux de voisinage caractérisés par l'éboulement du talus supérieur ; qu'un jugement avant dire droit a ordonné une mesure d'expertise ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de condamner M. et Mme Z... à exécuter les travaux préconisés par l'expert pour stabiliser le terrain, et de les condamner à relever et garantir M. et Mme Z... à hauteur du coût TTC de ces travaux, alors ,selon le moyen :

1°/ que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage suppose la preuve de l'anormalité du trouble invoqué ; que la seule présence d'éboulements est insuffisante à établir l'anormalité du trouble ; qu'en condamnant cependant M. et Mme Z... à exécuter les travaux préconisés par l'expert pour stabiliser le terrain et mettre fin aux troubles anormaux du voisinage, sans préciser en quoi les éboulements constatés avaient excédé les inconvénients normaux de voisinage que subit naturellement un fonds situé en contrebas d'un autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

2°/ que la responsabilité pour trouble anormal de voisinage suppose qu'un trouble anormal soit imputable au fonds voisin ou à une activité réalisée sur ce fonds ; qu'en condamnant M. et Mme Z... à exécuter les travaux préconisés par l'expert pour stabiliser le terrain et mettre fin aux troubles anormaux du voisinage, tout en constatant que l'accélération du phénomène d'éboulement trouvait sa cause dans les travaux entrepris sur son fonds par M. X..., et sans constater que les troubles anciens étaient anormaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;

3°/ que le propriétaire d'un terrain n'est responsable que des dommages causés par le fait de celui-ci ; qu'un fonds supérieur n'est pas l'instrument du dommage causé par un éboulement lorsque ce dernier ne trouve pas sa cause dans la configuration naturelle des lieux, mais dans l'aménagement du fonds inférieur ; qu'en condamnant M. et Mme Z... à exécuter les travaux préconisés par l'expert à la suite d'éboulements, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'instabilité du fonds supérieur était due à la création de parois de terres verticales permettant d'insérer une cuve à vin en béton partiellement enterrée, de sorte que le fonds supérieur n'avait pas été l'instrument du dommage, la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'après avoir procédé à des constatations sur les lieux de l'état des parois de terre hautes de 4 mètres à 4 mètres 50 qui constituent les limites nord et est de la parcelle sur laquelle est édifiée le hangar ancien en cours de réhabilitation et après avoir eu connaissance d'un document graphique de bornage du 30 juin 2006, l'expert a relevé que les éboulements des talus étaient anciens et qu'ils empiétaient sur la parcelle de M. X..., mais que la paroi nord avait subi une accélération du phénomène en mai 2007 ; qu'il a estimé que le fait déclencheur et accélérateur de ces éboulements était les vibrations engendrées par les travaux entrepris en 2007, plus spécialement ceux de démolition de la cuve à vin en béton qui pouvait faire office de contrefort et de raidisseur horizontal par sa dalle haute, ce qui explique l'effondrement du mur dans sa partie supérieure et met en cause la réalisation des travaux de l'entreprise ; qu'il n'en demeure pas moins que les éboulements des talus situés sur le fonds supérieur qui étaient déjà survenus avant ces travaux, même s'ils se sont accélérés en mai 2007, et qui se sont manifestés par des empiétements sur la parcelle et se sont accumulés sur le bâtiment existant, nécessitent des travaux de stabilisation des talus pour prévenir leur renouvellement ; que le constat d'huissier de justice du 7 février 2011 produit par M. X... en appel atteste de la persistance des ravinements ou éboulements selon les conditions climatiques ; que le bâtiment touché par les éboulements et leur accumulation n'avait pas vocation à assurer la stabilisation des terres du fonds amont voisin ;

Que de ces constatations et énonciations procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendûment omise, a pu décider que M. et Mme Z..., propriétaires actuels du fonds amont et des talus en cause, étaient tenus de procéder aux travaux nécessaires pour mettre fin aux troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage constitués par l'éboulement de leur talus sur le fonds situé en aval ;

D'où il suit que le moyen, qui est inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident, tel que reproduit en annexe :

Attendu que M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de les condamner à exécuter les travaux préconisés par l'expert M. A... pour stabiliser leur talus, sauf à porter à six mois à compter de la signification du présent arrêt pour faire exécuter à peine d'astreinte les travaux mis à leur charge ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que M. et Mme Z... ont soutenu devant la cour d'appel que les éboulements constatés n'étaient pas de nature à causer un trouble anormal de voisinage, ou que le fonds supérieur n'avait pas été l'instrument d'un dommage au sens de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;

D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, est, comme tel, irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne M. et Mme Y..., M. Z... et Mme B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne d'une part, M. et Mme Y... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros, d'autre part, M. Z... et Mme B... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros, rejette les autres demandes ;