Pour en savoir plus : voir « Traité de la responsabilité des constructeurs », par A. CASTON, F.-X. AJACCIO, R. PORTE et M. TENDEIRO, 7ème édition (960 pages), septembre 2013, éd. « Le Moniteur », page 899.
Cet arrêt est commenté par :
- M. PERROT, Revue « PROCEDURES », 2013, n° 4, avril, p. 13.
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 29 janvier 2013
N° de pourvoi: 11-28.205
Non publié au bulletin Cassation partielle
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Agri Obtentions, titulaire de quatre certificats d'obtention végétale portant respectivement sur deux variétés de forsythia, dénommées " courtasol " et " courtalyn ", une variété de malus ornemental dénommée " evereste " et une variété de : pyracantha dénommée " cadange ", reprochant à la société Les Trois Chênes de se livrer, sans son autorisation, à des actes de production et (ou) d'offre en vente et (ou) de vente de plants des variétés précitées, l'a fait assigner en contrefaçon après qu'une saisie-contrefaçon eut été pratiquée le 1er mars 2006 dans les locaux de cette société ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Les Trois Chênes fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en nullité de la procédure de saisie-contrefaçon, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit à un procès équitable exige que l'expert désigné pour assister l'huissier instrumentaire lors d'une saisie-contrefaçon soit indépendant des parties ; que cette condition ne peut être regardée comme remplie lorsque les liens existants entre l'expert et le requérant, quelle qu'en soit la nature juridique, sont susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ; qu'en l'espèce, les constatations des juges du fond font ressortir les liens très étroits existants, d'une part, entre l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et sa filiale Agri Obtentions, dont l'Institut exerce la tutelle par le biais de sa direction de l'Innovation et des systèmes d'information, et d'autre part, entre l'INRA et le Groupe d'études et de contrôle des variétés et des semences (GEVES), dont l'Institut assure la codirection ; que cette interdépendance faisaient naître objectivement un risque majeur de conflit d'intérêts excluant que le Geves, à travers l'un de ses préposés, M. X..., puisse valablement prendre part à la saisie-contrefaçon, peu important à cet égard l'absence de tout lien direct de subordination entre M. X... et la société Agri Obtentions ; qu'en décidant le contraire par une motivation inopérante, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 623-27 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°/ que le droit à un procès équitable exige que l'expert désigné pour assister l'huissier instrumentaire lors d'une saisie-contrefaçon soit indépendant des parties ; que l'indépendance de l'expert doit être concrète et effective et ne saurait donc découler systématiquement de l'absence de lien juridique de subordination, ni de la seule soumission du professionnel considéré à des règles déontologiques ; que dès lors, en ne recherchant pas, comme elle y était invitée si le cabinet de conseil en propriété industrielle Regimbeau ne se trouvait pas sous la dépendance économique de l'INRA, en raison de l'existence d'un important courant d'affaires entre ce cabinet de conseil en brevets et cette puissante institution, et si cette circonstance, jointe aux liens très étroits existants entre l'INRA et sa filiale Agri Obtentions, n'étaient pas de nature à faire objectivement naître un doute sur l'indépendance des membres de ce cabinet de conseil, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 623-27 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la cause ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que M. X..., qui est adjoint technique au sein de l'antenne à Brion (Maine et Loire) du Groupe d'études et de contrôle des variétés et semences (le GEVES), est sans lien de subordination direct avec la société Agri Obtentions ; qu'il relève encore que, si l'INRA est un des trois administrateurs du GEVES et assure par le biais de l'une de ses directions la tutelle de la société Agri Obtentions, le GEVES est un groupement d'intérêt public chargé de réaliser des tests qui conditionnent la protection d'une variété végétale par un certificat d'obtention végétale ; que de ces constatations et appréciations, dont il résulte que le GEVES ne présente aucun lien de dépendance par rapport à la société Agri Obtentions et offre, par son statut, toute garantie d'impartialité, la cour d'appel a pu déduire que M. X... était indépendant des parties ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'il n'était pas établi que le cabinet de conseils en propriété industrielle dont faisait partie M. Y..., fût le conseil habituel de la société Agri Obtentions et de l'INRA, la cour d'appel a pu, sans avoir à procéder à la recherche visée par la seconde branche que ses constatations rendait inopérante, statuer comme elle a fait :
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société Les Trois Chênes fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait commis des actes de contrefaçon du certificat d'obtention végétale portant le numéro 6345, alors, selon le moyen, que tenu en toutes circonstances de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur l'absence au dossier d'une pièce pourtant annoncée par une partie et visée dans le bordereau de pièces annexé à ses conclusions sans inviter préalablement les parties à s'expliquer sur cette anomalie ; que pour justifier de ses achats et ventes de Forsythia Marée d'Or, la société Les Trois Chênes avait annoncé dans ses conclusions un certain nombre de pièces également visées dans le bordereau de communication qui leur est annexé, à savoir, outre ses grands livres comptables un « tableau de contrôle des achats/ ventes de Forsythia Marée d'Or », annexé à des observations du 15 octobre 2009 et encore un « tableau récapitulatif des mouvements de Forsythia Marée d'Or Courtasol dans les livres de la société Les Trois Chênes du 30 juin 2003 au 4 mai 2011 » ; qu'en retenant néanmoins qu'aucune justification n'avait été produite quant aux ventes et livraisons de Forsythia Marée d'Or intervenues à compter du 11 mars 2004, sans avoir préalablement invité la société Les Trois Chênes à s'expliquer quant à ce, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mais attendu que la cour d'appel n'ayant pas dit que la société Les Trois Chênes n'avait produit aucune justification quant aux ventes et livraisons de Forsythia Marée d'Or intervenues à compter du 11 mars 2004 mais estimé, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que ces justifications n'étaient pas de nature à emporter sa conviction, le moyen manque en fait ;
Mais sur le deuxième moyen :
Sur la recevabilité du moyen contestée par la défense :
Attendu que le moyen qui est de pur droit est recevable ;
Et sur le moyen :
Vu l'article 9 du code de procédure civile et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu que pour condamner la société les Trois Chênes pour contrefaçon des certificats d'obtention végétale portant les numéros 6344, 3565 et 5999, l'arrêt retient que les deux rapports réalisés par le GEVES et consignant les observations faites au printemps 2007 et en septembre 2007 sur les plants de chacune des variétés incriminées saisis lors des opérations de saisie-contrefaçon établissent leur caractère contrefaisant ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne peut se fonder exclusivement sur des rapports établis de manière non contradictoire, peu important que ces rapports aient été soumis à la libre discussion des parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Les Trois Chênes pour contrefaçon des certificats d'obtention végétale numéros 6344, 3565 et 5999, l'arrêt rendu le 5 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Agri Obtentions aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Les Trois Chênes la somme de 2 500 euros ;
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