Non-conformité de l'ouvrage vendu à la réglementation thermique conventionnelle

 

19 October 2023
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-14.174

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

 

ECLI:FR:CCASS:2023:C300686

Texte de la décision

Entête

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 octobre 2023




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 686 F-D

Pourvoi n° M 22-14.174




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 OCTOBRE 2023

La société A. [G], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 22-14.174 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 2], pris en sa qualité d'assureur de la société DSL solution,

2°/ à la société Algeco, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La société Algeco a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société A. [G], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Algeco, après débats en l'audience publique du 12 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
 

Exposé du litige

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 18 janvier 2022), la société A. [G] a commandé à la société Algeco la fourniture et la pose de bureaux par modules assemblés.

2. La société DSL solution, depuis placée en liquidation judiciaire, assurée auprès de la SMABTP, est intervenue en qualité de maître d'oeuvre et a assuré l'assistance technique de la société A. [G].

3. Un procès-verbal de réception a été signé le 22 juin 2010 et un procès-verbal de levée des réserves a été établi le 6 avril 2012.

4. Invoquant des non-conformités des bureaux livrés, la société A. [G] a opéré une retenue sur les factures dont elle était redevable à la société Algeco, laquelle l'a assignée en paiement du solde et en dommages-intérêts.

5. La société A. [G] a formé une demande reconventionnelle en paiement du coût des travaux nécessaires à la mise en conformité de la chose vendue et en indemnisation de son préjudice pour manquement de la société Algeco à son devoir de conseil, en sollicitant la compensation entre les créances respectives des parties.

6. La société Algeco a assigné la SMABTP en garantie des condamnations qui seraient prononcées à son encontre.
 

Moyens

Examen des moyens

Sur le troisième moyen et le quatrième moyen du pourvoi principal, le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident

Motivation


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Moyens


Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen

8. La société Algeco fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement de la somme de 73 987,75 euros au titre des travaux de mise en conformité des bâtiments vendus, alors « que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties leur aurait proposée; qu'en se bornant, pour faire application des dispositions applicables à la vente et écarter celles relatives au louage d'ouvrage, à relever que les demandes de la société A. [G] étaient fondées sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, sans restituer aux contrats du 25 mars 2009 leur exacte qualification, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile. »
 

Motivation

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel, qui a relevé que les demandes de la société A. [G] étaient fondées sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, a retenu que le contrat, intitulé « proposition de vente » et ayant pour objet la vente de bureaux par modules assemblés, n'était pas un marché de travaux répondant à la définition de l'article 1779, 3°, du code civil.

10. En retenant que l'article 1604 du code civil était applicable aux demandes de la société A. [G], auxquelles la société Algeco ne pouvait opposer les dispositions de l'article 1792-6 du code civil, relatives aux contrats de louage d'ouvrage, ni se prévaloir des dispositions de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 portant sur les retenues de garantie en matière de marchés de travaux, la cour d'appel a exercé son pouvoir de qualification des actes litigieux.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.
 

Moyens

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen

12. La société A. [G] fait grief à l'arrêt de limiter à 73 987,75 euros la condamnation de la société Algeco au titre des travaux de mise en conformité des bâtiments vendus, alors « que le vendeur doit délivrer une chose conforme aux spécifications du contrat ; qu'en mettant à la charge de la société A. [G] une partie des travaux de climatisation nécessaires à la mise en conformité des bâtiments après avoir pourtant relevé que la société Algeco n'avait pas respecté « la réglementation thermique 2005 »« sur trois points essentiels » et qu'elle avait méconnu la « CEP réglementaire », « la température intérieure conventionnelle ( TIC) » et « le garde fou concernant les ouvertures de baies », ajoutant que le respect de la TIC permettait « de maintenir une température agréable tout au long de l'année sans recourir aux systèmes de climatisation », la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil. »
 

Motivation

Réponse de la Cour

Vu l'article 1604 du code civil :

13. Il résulte de ce texte que le vendeur doit délivrer la chose conformément aux stipulations du contrat.

14. Pour laisser à la charge de la société A. [G] la moitié du coût des travaux de climatisation des bureaux, la cour d'appel retient que l'acquéreur aurait dû faire réaliser une étude préalable des besoins en climatisation avant l'exécution, en mars et mai 2011, des travaux de mise en conformité.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le contrat stipulait que la réglementation thermique 2005 devait être respectée, et retenu que tel n'était pas le cas sur trois points essentiels dont la température intérieure conventionnelle et que le respect de cette réglementation pouvait permettre d'éviter l'installation d'une climatisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
 

Moyens

Et sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

16. La société A. [G] fait le même grief à l'arrêt, alors « que le vendeur est tenu à la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en n'aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; qu'en jugeant qu'il ne ressortait pas des constatations de l'expert que l'absence de ventilation sous le bâtiment R+2 rendait le bâtiment impropre à l'usage auquel il était destiné après avoir pourtant constaté que l'expert avait averti d'une dégradation anticipée des planchers, ce qui réduisait nécessairement l'usage auquel il était destiné, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 641 du code civil. »
 

Motivation

Réponse de la Cour

Vu l'article 1641 du code civil :

17. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acquéreur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

18. Pour exclure que l'absence de ventilation sous le bâtiment R+2 constituait un vice caché, la cour d'appel retient qu'il ne ressort pas des constatations de l'expert qu'elle rende l'immeuble impropre à l'usage auquel il est destiné.

19. En se déterminant ainsi, après avoir constaté que l'existence, entre la sous face des modules du rez-de-chaussée et l'assiette d'implantation, d'un espace non accessible, qui n'était pas ventilé, était de nature à générer une condensation en sous face des planchers et une détérioration à moyen terme de ceux-ci, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à exclure l'existence d'un vice caché, n'a pas donné de base légale à sa décision.
 

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs , la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Algeco à payer à la société A. [G] la somme de 73 987,75 euros au titre des travaux de mise en conformité des bâtiments vendus, l'arrêt rendu le 18 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Algeco aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille vingt-trois.

Publié par ALBERT CASTON à 16:02  

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