Vente et devoir de conseil de l'agent immobilier

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 22-20.045
  • ECLI:FR:CCASS:2023:C300842
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Rejet

Audience publique du jeudi 21 décembre 2023

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 28 avril 2022

Président

Mme Teiller (président)

Avocat(s)

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Poupet & Kacenelenbogen

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 décembre 2023




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 842 F-D

Pourvoi n° T 22-20.045







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023

La société LG Immobilier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-20.045 contre l'arrêt rendu le 28 avril 2022 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [I] [D], domiciliée [Adresse 1] (Canada),

2°/ à M. [S] [T], domicilié [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

M. [T] a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société LG Immobilier, de la SCP Poupet & Kacenelenbogen, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 28 avril 2022), par acte authentique du 28 juillet 2016, M. [T] (l'acquéreur) a acquis de Mme [D] (la venderesse) une maison d'habitation, par l'intermédiaire de la société LG Immobilier (l'agent immobilier).

2. Ayant découvert des désordres à l'occasion de travaux de rénovation réalisés en août 2016, l'acquéreur a, après expertise, assigné la venderesse et l'agent immobilier en résolution de la vente sur le fondement des vices cachés et en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. L'agent immobilier fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'acquéreur diverses sommes au titre d'un manquement à son devoir d'information et de conseil, alors :

« 1°/ que M. [T] avait invoqué la responsabilité de la société LG Immobilier en lui reprochant uniquement de n'avoir pas attiré son attention sur les vices affectant la structure de l'immeuble et plus particulièrement sur l'affaissement du plancher, sans viser les défauts d'étanchéité extérieurs du bien vendu ; qu'en énonçant, pour retenir la responsabilité de l'exposante, qu'il appartenait à la société LG Immobilier d'attirer l'attention de l'acquéreur sur les désordres extérieurs de l'immeuble, et plus particulièrement sur le défaut d'étanchéité de la toiture terrasse de la partie arrière et que sur les menuiseries des deux chiens assis et lucarnes qui étaient fort dégradées avec infiltration constatées sur la façade principale, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en présence d'un désordre apparent, connu nécessairement des acquéreurs au moment de la vente, la responsabilité de l'agent immobilier ne peut pas être engagée pour ne pas avoir attiré leur attention sur ce désordre apparent ; qu'en l'espèce, en relevant, pour retenir la responsabilité de l'exposante, « qu'existaient d'importantes traces d'infiltrations attestant d'un défaut d'étanchéité de la toiture terrasse de la partie arrière », après avoir pourtant constaté que le défaut d'étanchéité avec infiltrations était un désordre visible, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1240 du code civil ;

3°/ qu'en présence d'un désordre apparent, connu nécessairement des acquéreurs au moment de la vente, la responsabilité de l'agent immobilier ne peut pas être engagée pour ne pas avoir attiré leur attention sur ce désordre apparent ; qu'en l'espèce, en relevant, pour retenir la responsabilité de l'exposante, « qu'existaient d'importantes traces d'infiltrations attestant d'un défaut d'étanchéité de la toiture terrasse de la partie arrière », après avoir pourtant constaté que le défaut d'étanchéité avec infiltrations était un désordre visible, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, après avoir exactement rappelé que le devoir de conseil auquel était tenu l'agent immobilier lui imposait d'informer l'acquéreur de l'immeuble, vendu par son entremise, de l'existence des désordres apparents affectant celui-ci, qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, il ne pouvait ignorer, a constaté que l'immeuble était affecté d'importantes traces d'infiltrations et que les menuiseries des deux chiens assis et lucarnes étaient fort dégradées avec des infiltrations visibles sur la façade principale.

5. Elle a pu en déduire, sans modifier l'objet du litige, dès lors que, dans ses conclusions, l'acquéreur s'était prévalu de l'ensemble des désordres décrits par l'expert, notamment des fuites en toiture, que l'agent immobilier, qui pouvait, en raison de la présence d'importantes traces d'infiltrations, soupçonner un défaut d'étanchéité de la toiture, avait manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard de celui-ci.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le pourvoi incident

Enoncé du moyen

7. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la venderesse, alors :

« 1°/ que la connaissance par le vendeur d'un vice inhérent à la chose vendue lui interdit de se prévaloir d'une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés ; que la cour d'appel retient que les désordres affectant le plancher et les murs de l'immeuble litigieux compromettent la solidité de l'ouvrage, le rendent impropre à sa destination et constituent donc des vices cachés et que, datant des travaux réalisés il y a environ quinze ans, ils préexistaient à la vente ; que, toutefois, pour faire application de la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente, l'arrêt affirme que les désordres ayant été causés par les travaux de rénovation réalisés par les parents de la venderesse, Mme [D], celle-ci était alors âgée d'environ 12 ou 13 ans, de sorte qu'elle ne saurait être considérée de mauvaise foi par la simple connaissance des travaux entrepris par ses parents lorsqu'elle était pré-adolescente ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles Mme [D] a « toujours connu un plancher déformé », ce dont il se déduisait qu'elle n'ignorait pas l'existence d'un vice inhérent à la chose vendue, la cour d'appel a violé l'article 1643 du code civil ;

2°/ que la connaissance par le vendeur d'un vice inhérent à la chose vendue lui interdit de se prévaloir d'une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés ; qu'en affirmant, pour faire application de la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés en cause, que les désordres ayant été causés par les travaux de rénovation réalisés par la venderesse, Mme [D], celle-ci était alors âgée d'environ 12 ou 13 ans, de sorte qu'elle ne saurait être considérée de mauvaise foi par la simple connaissance des travaux entrepris par ses parents lorsqu'elle était pré-adolescente, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que Mme [D] avait vécu dans l'immeuble jusqu'en 2009, année de ses 19 ans, n'était pas de nature à établir sa connaissance des vices de la chose, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du code civil ;

3°/ que le caractère caché d'un vice s'apprécie au jour de la vente ; que pour affirmer que le défaut d'étanchéité de la toiture terrasse de la partie arrière de la maison constituait un désordre apparent, la cour d'appel énonce qu'il résultait du rapport d'expertise d'assurance que d'importantes infiltrations étaient visibles sur le plafond du rez-de-chaussée en septembre 2016, « soit un mois après la vente qui avait eu lieu le 28 juillet 2016 » ; qu'en se fondant ainsi sur le caractère apparent des désordres plus d'un mois après la vente, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser le caractère apparent du vice au jour de la vente, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1642 du code civil. »




Réponse de la Cour

8. En premier lieu, la cour d'appel, après avoir rappelé que l'acte de vente comportait une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, à laquelle il ne pouvait être dérogé que par la preuve de la connaissance, par la venderesse, de l'existence de tels vices, a constaté que, selon le rapport d'expertise, les désordres affectant le plancher et les murs avaient été causés par les travaux de rénovation réalisés par les parents de celle-ci alors qu'elle était âgée de douze ou treize ans, et souverainement retenu, sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, qu'ayant toujours connu un plancher déformé, elle n'avait pu en déduire l'existence de désordres qui ne se sont révélés qu'après démontage de faux plafonds.

9. En second lieu, la cour d'appel a constaté que le défaut d'étanchéité de la toiture terrasse était établi par un rapport d'expertise d'assurance réalisé un mois après la vente, que d'importantes traces d'infiltrations étaient visibles sur le plafond du rez-de-chaussée, mais encore que selon l'expert judiciaire, ce défaut causait une humidité ancienne importante sur le mur de cloison, ce dont elle a pu déduire que le vice était apparent le jour de la vente, et a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société LG Immobilier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société LG Immobilier et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300842

Publié par ALBERT CASTON à 16:31  

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