L'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion

 

Cour de cassation - Chambre civile 2

  • N° de pourvoi : 21-23.033
  • ECLI:FR:CCASS:2024:C200047
  • Publié au bulletin
  • Solution : Cassation

Audience publique du jeudi 18 janvier 2024

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, du 27 juillet 2021

Président

Mme Martinel

Avocat(s)

SCP Lyon-Caen et Thiriez

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 janvier 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 47 F-B

Pourvoi n° V 21-23.033




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2024

La société AJS Concept, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-23.033 contre l'arrêt rendu le 27 juillet 2021 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à la société Zanzibar production, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société AJS Concept, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 27 juillet 2021), la société AJS Concept a formé opposition, le 14 novembre 2017, à une ordonnance, rendue le 11 septembre 2017 sur requête de la société Zanzibar production, portant injonction de payer à cette dernière une certaine somme au titre de factures impayées.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société AJS Concept fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'opposition formée le 14 novembre 2017 par M. [E] pour son compte, alors « que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion ; que, pour déclarer irrecevable l'opposition formée le 14 novembre 2017 par M. [E] pour le compte de la société AJS Concept, l'arrêt retient que s'il peut être justifié du pouvoir de la personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale jusqu'au jour où le juge statue, encore faut-il que ce pouvoir ait une date certaine et que celle-ci soit acquise avant l'expiration du délai de forclusion pour former opposition ; qu'en statuant ainsi, alors que demeurait possible la régularisation de l'acte d'opposition qui, même entaché d'un vice de procédure, avait interrompu le délai d'opposition, la cour d'appel a violé les articles 2241, alinéa 2, du code civil et 121 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2241 du code civil, 121, 1412 et 1413 du code de procédure civile :

3. Selon le premier de ces textes, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. Aux termes du deuxième, dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

4. Aux termes du troisième de ces textes, le débiteur peut s'opposer à l'ordonnance portant injonction de payer. Selon le dernier, à peine de nullité, l'acte de signification de l'ordonnance portant injonction de payer contient, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice, sommation d'avoir, soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l'ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé, soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l'ensemble du litige.

5. Selon une jurisprudence constante, l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion (2e Civ., 16 octobre 2014, pourvoi n° 13-22.088, Bull. 2014, II, n° 215 ; 2e Civ., 1er juin 2017, pourvoi n° 16-14.300, Bull. 2017, II, n° 116).

6. Il en découle que l'opposition à une injonction de payer, même irrégulière, qui saisit le tribunal de la demande initiale du créancier et de l'ensemble du litige, interrompt le délai d'opposition. Sa régularisation reste possible jusqu'à ce que le juge statue.

7. Pour déclarer irrecevable l'opposition formée le 14 novembre 2017 par M. [E] pour le compte de la société AJS Concept, l'arrêt retient que M. [E] a été nommé aux fonctions de gérant de cette société par décision des associés du 6 janvier 2018 avec effet au 31 décembre 2017, que pour justifier de la régularité de l'opposition, la société AJS Concept a produit aux débats un acte portant pouvoir spécial du 30 octobre 2017, établi par la gérante de la société AJS Concept au profit de M. [E] aux fins de former opposition, que s'il peut être justifié du pouvoir de la personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale jusqu'au jour où le juge statue, encore faut-il que ce pouvoir ait une date certaine et que celle-ci soit acquise avant l'expiration du délai de forclusion pour former opposition, et que l'appelante n'a produit aux débats aucun élément de nature à attester de l'authenticité de la date du pouvoir versé aux débats, de sorte que la régularité de l'opposition n'est pas établie.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Condamne la société Zanzibar production aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Zanzibar production à payer à la société AJS Concept la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:C200047

Analyse

  •  Titrages et résumés

Publié par ALBERT CASTON à 12:17  

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