L'entrepreneur et l'urbanisme...

 

Cour de cassation - Chambre civile 3

  • N° de pourvoi : 22-16.598, 22-16.599
  • ECLI:FR:CCASS:2024:C300065
  • Non publié au bulletin
  • Solution : Cassation partielle

Audience publique du jeudi 01 février 2024

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, du 08 février 2022

Président

Mme Teiller (président)

Avocat(s)

SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Waquet, Farge et Hazan

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er février 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 65 F-D


Pourvois n°
W 22-16.598
X 22-16.599 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2024


La société Alpes Méditerranée charpente, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé les pourvois n° W 22-16.598 et X 22-16.599 contre deux arrêts rendus les 30 mars 2021 et 8 février 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans les litiges l'opposant à Mme [V] [J], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse aux pourvois n° W 22-16.598 et X 22-16.599 invoque, à l'appui de son recours, respectivement, un et trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Alpes Méditerranée charpente, de la SCP Duhamel qui s'est radiée le 11 octobre 2023 au profit de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de Mme [J], après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 22-16.598 et n° X 22-16.599 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 mars 2021, rectifié par arrêt du 8 février 2022), Mme [J] a confié à la société Alpes Méditerranée charpente (la société AMC) le lot charpente, couverture, zinguerie, de travaux de réhabilitation d'un bâtiment.

3. Se plaignant de désordres, elle a assigné la société AMC aux fins de résiliation du marché et réparation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° W 22-16.598 dirigé contre l'arrêt du 30 mars 2021

Enoncé du moyen

4. La société AMC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de paiement du solde du marché et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat à ses torts, alors « que la société AMC contestait la non-conformité de la pente de la toiture de la véranda aux règles d'urbanisme, en faisant valoir que les dispositions du PLU selon lesquelles la pente des toitures doit être comprises entre 30 % et 100 % ne sont pas applicables à la réhabilitation de la toiture d'une véranda, ainsi qu'en atteste l'obtention du permis de construire au vu de plans ne précisant pas le pourcentage de pente de cette toiture laquelle présentait d'ailleurs dans son état initial une très faible pente, voire aucune pente ; qu'elle précisait que la véranda qui est une construction légère et un ouvrage annexe qui abrite un ascenseur, relève des exceptions énumérées par le PLU qui exclut de cette contrainte de pente, les ouvrages annexes nécessaires au bon fonctionnement des bâtiments et qu'aucun procès-verbal d'infraction n'avait été adressé à Mme [J] pour non-respect des prescriptions du permis ; qu'en décidant que la société AMC aurait commis une faute en s'abstenant de s'assurer du respect des règles d'urbanisme par les plans de l'architecte, sans vérifier ainsi qu'elle y était invitée, l'existence en l'espèce, d'une violation d'une règle d'urbanisme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

5. Aux termes de ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

6. Pour prononcer la résiliation du marché et infirmer la condamnation au paiement du solde du prix des travaux, l'arrêt énonce qu'il incombe à l'entrepreneur de s'assurer du respect des règles d'urbanisme puisque, comme tout professionnel de la construction, il est tenu, avant réception, d'une obligation de conseil et de résultat. Il en déduit que la société AMC devait procéder à toutes vérifications au regard des règles du plan local d'urbanisme, à plus forte raison si les plans qui lui avaient été remis ne comportaient pas de cote suffisamment claire.

7. Il retient que, si le respect d'une pente à 30 % telle que prévue par le plan local d'urbanisme était incompatible avec le projet de Mme [J], compte tenu de la présence de l'ascenseur et d'une fenêtre au-dessus de la véranda, il incombait à la société AMC de l'en informer et de refuser d'effectuer les travaux sollicités et ajoute que cette société ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant les éventuelles fautes commises par l'architecte.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la règle de pente minimale invoquée trouvait à s'appliquer à l'ouvrage litigieux, compte tenu de sa nature et de sa fonction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le premier moyen du pourvoi n° X 22-16.599 dirigé contre l'arrêt du 8 février 2022 Enoncé du moyen

9. La société AMC fait grief à l'arrêt d'accueillir la requête en omission de statuer de Mme [J], de dire qu'il a été omis de statuer sur la demande de Mme [J] portant sur le coût des reprises, de la condamner à payer à Mme [J] la somme de 14 656,95 euros au titre du coût des reprises, outre indexation de chacune des sommes sur l'indice BT01 indice de référence octobre 2014, alors « que la cassation de l'arrêt du 30 mars 2021 entrainera l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt attaqué qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, par application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

11. En application de ce texte, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt du 30 mars 2021, prononçant la résiliation du marché aux torts de la société AMC, entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt du 8 février 2022 qui en est la suite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société Alpes Méditerranée couverture, en ce qu'il infirme la condamnation de la société Alpes Méditerranée couverture à payer à Mme [J] la somme de 9 395,11 euros au titre du solde du marché, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

CONSTATE, par voie de conséquence, l'annulation en toutes ses dispositions de l'arrêt rendu le 8 février 2022 entre les mêmes parties par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt du 30 mars 2021 et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier février deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300065

Publié par ALBERT CASTON à 12:38  

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