Sous-traitance et obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-18.065
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300404
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 11 juillet 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 22 mars 2023
Président
Mme Teiller (président)
Avocat(s)
SARL Ortscheidt, SCP Foussard et Froger
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 404 F-D
Pourvoi n° M 23-18.065
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
La société Entreprise Pitel, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° M 23-18.065 contre l'arrêt rendu le 22 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Roissy TP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Entreprise Pitel, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Roissy TP, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller rapporteur faisant fonction de doyen, Mme Abgrall, conseiller, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 2023) et les productions, la société Entreprise Pitel, donneur d'ordre, a conclu deux contrats de sous-traitance avec la société Roissy TP portant, l'un sur un chantier situé à Clamart, l'autre sur un chantier situé à Saulx-les-Chartreux.
2. Le 12 juillet 2018, la société Entreprise Pitel a établi un décompte général définitif des sommes dues en exécution du marché de [Localité 3], que la société Roissy TP a contesté le 31 juillet suivant au motif qu'il ne tenait pas compte du coût de travaux supplémentaires liés à l'évacuation de terres.
3. La société Roissy TP a, ensuite, assigné la société Entreprise Pitel en paiement d'un solde pour chacun des deux marchés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société Entreprise Pitel fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Roissy TP une certaine somme au titre du chantier de [Localité 3], alors « que les juges du fond sont tenus de ne pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis ; qu'en jugeant que la société Entreprise Pitel ne peut reprocher à la société Roissy TP de ne pas avoir respecté le délai de contestation fixé par l'article 6-2 du contrat de sous-traitance dès lors « qu'elle ne met pas la cour en mesure de vérifier le point de départ dudit délai, aucune pièce ne venant établir la date de notification certaine du décompte général définitif à la société Roissy TP », quand la société Entreprise Pitel visait la pièce n° 16 produite par la société Roissy TP dont il résultait clairement que le décompte général définitif avait été reçu par la société Roissy TP le 17 juillet 2018, la cour d'appel a dénaturé par omission cette pièce en violation du principe susvisé. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
5. Pour condamner la société Entreprise Pitel à payer une certaine somme à la société Roissy TP, l'arrêt retient que, si l'article 6-2 du contrat dispose qu'en l'absence de contestation par le sous-traitant du décompte général définitif dans un délai de dix jours, celui-ci est réputé accepté, la société Entreprise Pitel ne peut reprocher à la société Roissy TP de ne pas avoir respecté le délai contractuel de contestation, alors qu'elle ne met pas la cour d'appel en mesure de vérifier le point de départ dudit délai, aucune pièce ne venant établir la date de notification certaine du décompte général définitif à celle-ci.
6. En statuant ainsi, alors que les conclusions de la société Entreprise Pitel renvoyaient à une pièce n° 16, produite par la société Roissy TP, constituée par le décompte général définitif daté du 12 juillet 2018 et supportant un timbre humide comportant les mentions « courrier arrivé 17 juillet 2018 Roissy TP », la cour d'appel, qui a dénaturé cette pièce par omission, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il condamne la société Entreprise Pitel à payer à la société Roissy TP la somme de 75 904,40 euros au titre du chantier de [Localité 3], entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt statuant sur les dépens et frais irrépétibles d'appel, qui ne trouvent leur soutien dans aucun autre motif que ceux critiqués par le moyen.
8. En revanche, en application du même texte, la cassation de la disposition de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il condamne la société Entreprise Pitel à payer à la société Roissy TP la somme de 75 904,40 euros au titre du chantier de [Localité 3], n'entraîne pas la cassation du chef de dispositif qui confirme le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance qui sont justifiées par d'autres condamnations prononcées à son encontre et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement qui condamne la société Entreprise Pitel à payer à la société Roissy TP la somme de 75 904,40 euros au titre du chantier de Saulx-les-Chartreux et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles d'appel, l'arrêt rendu le 22 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Roissy TP aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300404
Publié par ALBERT CASTON à 17:01
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Libellés : dénaturation , office du juge , Procédure , sous-traitance
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