Assurance construction et notion d'activité déclarée
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-22.505, 22-23.679
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300409
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 11 juillet 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, du 30 août 2022
Président
Mme Teiller (président)
Avocat(s)
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 409 F-D
Pourvois n°
S 22-22.505
T 22-23.679 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
I- M. [R] [O], domicilié [Adresse 5],
a formé le pourvoi n° S 22-22.505 contre un arrêt rendu le 30 août 2022 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société BIO Bât, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],
2°/ à Mme [U] [N],
3°/ à M. [L] [G],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
4°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
5°/ à la société QBE Europe, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2] (Royaume-Uni), venant aux droits de la société QBE Insurance Europe Limited, prise en son établissement en France, [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
II- 1°/ Mme [U] [N],
2°/ M. [L] [G],
ont formé le pourvoi n° T 22-23.679 contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :
1°/ à la société BIO Bât, société à responsabilité limitée,
2°/ à M. [R] [O],
3°/ à la société Allianz IARD, société anonyme,
4°/ à la société QBE Europe, société anonyme, venant aux droits de la société QBE Insurance Europe Limited,
défendeurs à la cassation.
Dans le pourvoi n° S 22-22.505, la société Allianz IARD a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi provoqué invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Dans le pourvoi n° T 22-23.679, les demandeurs au pourvoi invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
Les dossiers a été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [N] et de M. [G], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société QBE Europe, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° S 22-22.505 et T 22-23.679 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 août 2022), en 2014, Mme [N] et M. [G] ont confié à la société BIO Bât la fourniture et l'installation d'un poêle à bois dans leur maison.
3. Cette société a sous-traité la pose d'un conduit flexible de tubage à M. [O], assuré auprès de la société QBE Insurance Europe Limited, aux droits de laquelle vient la société QBE Europe.
4. Un incendie s'est déclaré dans la maison le 21 janvier 2015, détruisant sa toiture.
5. La société Allianz IARD, assureur multirisque habitation de Mme [N] et M. [G], a versé des indemnités et, après une expertise judiciaire, a assigné la société BIO Bât, M. [O] et la société QBE Europe aux fins de remboursement.
Examen des moyens
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° S 22-22.505 de M. [O], sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi provoqué de la société Allianz IARD et sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° T 22-23.679 de Mme [N] et M. [G], réunis
Enoncé des moyens
6. Par son moyen, M. [O] fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes formées à l'encontre de la société QBE Europe et de le condamner in solidum avec la société BIO Bât, à rembourser à la société Allianz IARD la somme de 271 724,78 euros et à payer à Mme [N] et M. [G] une somme en principal de 73 761,53 euros en réparation des préjudices non indemnisés par leur assureur, alors « que les juges sont tenus de rechercher la commune intention des parties à un contrat en tenant compte de l'ensemble de ses stipulations ; qu'en l'espèce, M. [O] faisait valoir que la nature de l'activité n° 31 couverte par le contrat d'assurance était définie dans une nomenclature figurant dans les conditions particulières, et qu'il convenait de tenir compte de cette définition pour apprécier le point de savoir si l'installation à l'origine du dommage était ou non couverte par le contrat d'assurance ; qu'en s'en tenant au seul intitulé de l'activité n° 31, tel qu'il figurait au paragraphe III des conditions particulières, pour en déduire que l'installation réalisée par M. [O] relevait d'une autre activité, non couverte par le contrat d'assurance, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la nature de l'activité couverte par le contrat d'assurance ne devait pas s'apprécier également au regard de la définition qui en était donnée dans les conditions particulières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien devenu 1103 du code civil. »
7. Par son moyen, la société Allianz IARD fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées à l'encontre de la société d'assurance QBE Europe, dont sa demande à la garantir à hauteur de 271 724,78 euros, alors « que les juges sont tenus de rechercher la commune intention des parties à un contrat en tenant compte de l'ensemble de ses stipulations ; qu'en l'espèce, la cour a énoncé que M. [O] était assuré auprès de la société QBE Insurance Limited pour l'activité « 31. Installations thermiques de génie climatique y compris ramonage et aérotherme, à l'exclusion de la pose de capteurs solaires », mais qu'il n'avait pas déclaré exercer l'activité « 32. Fumisterie » qui comprend la « réalisation (hors fours et cheminées industriels) de systèmes d'évacuation des produits de combustion », de sorte qu'il n'était pas assuré pour la prestation consistant en la pose de flexible de tubage d'un insert ayant causé l'incendie ; qu'en s'en tenant au seul intitulé de l'activité 31 dans les conditions particulières de la police, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la nature de cette activité couverte par le contrat d'assurance, devait s'apprécier également au regard de la définition qui en était donnée dans les conditions particulières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 ancien devenu 1103 du code civil. »
8. Par leur moyen, Mme [N] et M. [G] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce que la société QBE Europe soit condamnée, in solidum avec la société BIO Bât et M. [O], à leur verser la somme totale de 119 124,53 euros, au titre des préjudices subis dont ils n'ont pas été indemnisés par leur assureur, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en se bornant à énoncer, pour juger que la société QBE Insurance ne devait pas sa garantie, que M. [O] était assuré auprès de la société d'assurance QBE Insurance Limited pour l'activité de « 31. Installations thermiques de génie climatique y compris ramonage et aérothermie, à l'exclusion de la pose de capteurs solaires » mais non pour l'activité « 32. Fumisterie » qui comprenait la réalisation (hors fours et cheminées industriels) de système d'évacuation de produits de combustion, de sorte que M. [O] n'était pas assuré pour la prestation qui lui avait été sous-traitée par la Sarl Bio Bat et qui consistait en la pose du flexible de tubage moyennant un prix de 250 euros, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au regard de la nomenclature des activités annexée au contrat d'assurance, l'activité 31 ne comprenait pas la réalisation d'installations (production, distribution, évacuation) de chauffage et de refroidissement, ce qui incluait, par voie de conséquence, la pose d'un tubage dans le cadre de l'installation d'un poêle à bois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134, devenu 1103, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
10. Pour rejeter les demandes formées contre la société QBE Europe, l'arrêt relève que M. [O] était assuré pour les activités n° 30 « Plomberie-Installations sanitaires à l'exclusion de la pose de capteurs solaires » et n° 31 « Installations thermiques de génie climatique y compris ramonage et aérothermie, à l'exclusion de la pose de capteurs solaires » mais qu'il n'avait pas expressément déclaré exercer l'activité n° 32 « Fumisterie », qui comprend la réalisation, hors fours et cheminées industriels, de systèmes d'évacuation des produits de combustion.
11. Il en déduit que M. [O] n'était pas assuré pour la pose du flexible de tubage.
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la pose d'un flexible de tubage d'un poêle à bois n'était pas comprise dans l'activité n° 31 « installations thermiques de génie climatique » déclarée par l'assuré, compte tenu de la définition de cette activité dans la nomenclature annexée aux conditions particulières du contrat d'assurance, soit la « réalisation d'installations (production, distribution, évacuation) de chauffage et de refroidissement », la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation ne s'étend pas aux chefs de dispositif condamnant M. [O] à indemniser Mme [N] et M. [G] et la société Allianz IARD, dès lors que les motifs critiqués par le moyen ne sont pas le soutien de ces condamnations.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées à l'encontre de la société QBE Insurance Europe Limited, aux droits de laquelle vient la société QBE Europe, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société QBE Europe aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société QBE Europe à payer à Mme [N] et M. [G] la somme globale de 3 000 euros et à M. [O] la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300409
Publié par ALBERT CASTON à 17:20
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Libellés : activité déclarée , assurance construction
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